Le programme de LFI sur le COVID-19 couvre la politique de Macron

Les grèves et les recours au droit de retrait se multiplient à travers le monde contre la volonté des patrons et des États de garder les travailleurs sur leur lieux de travail malgré la pandémie. Effrayée par ce mouvement qui bouscule les appareils syndicaux, la France insoumise (LFI) de Jean-Luc Mélenchon a proposé «11 mesures d’urgence» face au COVID-19. Mais tout en annonçant un changement de société, ce parti nationaliste et populiste rejette une lutte pour le pouvoir par les travailleurs. Il a voté la loi de finances de Macron tout comme le PS pro-austéritaire.

Conscient que la pandémie entraîne de profonds changements dans la conscience de milliards de travailleurs à travers le monde, LFI écrit: «La violence de la situation change le cours de l’histoire. Les règles de fonctionnement de la société telle que nous la subissons nous ont exposés au risque et nous condamnent au désastre humanitaire si nous n’en changeons aussitôt que possible. Dès à présent, l’intérêt général humain doit prévaloir sur tous les intérêts particuliers.»

Il remarque que le néolibéralisme détruit «les services publics en préférant partout la loi du marché, il a affaibli l’État, il a créé une culture de l’égoïsme et de l’indifférence à la souffrance des êtres, des animaux et de la nature». LFI défend que «l’auto-organisation des gens eux-mêmes est un des plus puissants leviers d’action et de sauvegarde collective», qui passe selon LFI par la défense de «la démocratie et la justice sociale».

Ces exhortations, assorties d’appels au gouvernement Macron pour assurer un revenu décent aux travailleurs confinés et les appareils de protection nécessaires aux personnels médicaux, ne font qu’obscurcir les questions posées aux travailleurs qui entrent en lutte. Elles escamotent la nécessité d’exproprier les vastes fortunes des multi-milliardaires qui pillent l’économie européenne et mondiale depuis des décennies. Et, en tant qu’alliée des directions syndicales, LFI est hostile à la nécessaire organisation des travailleurs en comités d’action indépendants des syndicats pour mobiliser les ressources nécessaires à l’échelle internationale contre la pandémie.

La destruction des services publics et des acquis sociaux n’a été possible que grâce à la complicité des organisations syndicales et de leurs alliés de pseudo gauche, dont font partie LFI et Mélenchon en France, et les gouvernements austéritaires de Syriza en Grèce, et de Podemos en Espagne.

A l’échelle européenne, le dialogue social entre patronat et syndicats a imposé aux travailleurs dans la santé des réductions de dizaines de milliards d’euros dans les budgets de la santé et supprimé des milliards de lits d’hôpital. Ainsi il a joué un rôle direct dans l’actuelle pénurie de lits, et subordonné les intérêts des travailleurs de santé au dialogue entre la bureaucratie syndicale et l’État. C’est pour cela que le mouvement des «gilets jaunes» a fait éruption en dehors du cadre syndical, qui suscite un large rejet des travailleurs en France et internationalement.

Conscients de la crise sanitaire qui s’annonçait, tout comme le gouvernement, LFI et les syndicats n’ont ni alerté les travailleurs du danger à venir, ni cherché à les mobiliser pour exiger leur mise en sécurité dès février. Ces organisations représentent des couches petite-bourgeoises qui craignaient un arrêt de l’économie, qui entraînerait la perte de leurs parts des profits réalisés par les grandes entreprises sur les dos des travailleurs..

Il aura fallu l’intervention indépendante de la classe ouvrière et une vague internationale de grève sauvages en Italie, aux USA, en France et au-delà pour imposer un arrêt encore partiel du travail dans les industries non-essentielles, et pour pousser les États à annoncer des confinements. Ceci a révélé le gouffre qui sépare les aspirations des travailleurs à se protéger du COVID-19 des desseins la bourgeoisie et de la pseudo gauche alignée sur les intérêts de l’État.

Les appels vagues et creux de LFI à «l’auto-organisation des gens» sont entièrement tournés vers le but de nier la nécessité pour la classe ouvrière non seulement de contrôler l’économie, mais aussi de prendre le pouvoir politique afin d’éviter une catastrophe sanitaire. On peut rappeler que Mélenchon a commencé sa carrière dans l’Organisation communiste internationaliste (OCI), qui avait renié le trotskysme en rejoignant l’orbite du PS bourgeois en 1971. Sa carrière s’est développée par opposition à l’héritage du grand révolutionnaire fondateur de la IVe Internationale.

Trotsky expliquait que l’auto-organisaion ouvrière ne pouvait être qu’une étape passagère d’une lutte révolutionnaire, allant soit vers la prise du pouvoir des travailleurs, soit vers une victoire de la contre révolution. La bourgeoisie, avertissait-il, «ne permettra jamais la dualité du pouvoir dans ses entreprises. Le contrôle ouvrier n'est donc réalisable qu'à la condition d'un changement brutal du rapport des forces au désavantage de la bourgeoisie et de son État. Le contrôle ne peut être imposé que par force à la bourgeoisie par le prolétariat, qui est en voie de lui arracher le pouvoir, et par là même la propriété des moyens de production. Ainsi, le régime du contrôle ouvrier est provisoire, transitoire, par son essence même, et ne pouvant que correspondre à la période de l'ébranlement de l'État bourgeois, de l'offensive du prolétariat, de la retraite de la bourgeoisie: c'est-à-dire à la période de la révolution prolétarienne comprise dans le sens le plus large du mot.»

Hostile à une révolution, LFI propose «auto-organisation» qui signifie donner plus de pouvoir aux syndicats et au «dialogue social» à l’échelle nationale, tout en permettant aux banques centrales d’abreuver les marchés financiers et l’aristocratie capitaliste de liquidités – dans l’espoir que quelques miettes tomberont dans les budgets des États et serviront à financer quelques unes des promesses de LFI. En fin de compte, le programme de LFI est sensiblement similaire à l’état d’urgence sanitaire établi par Macron.

C’est ce que signifient la salutation réactionnaire que Mélenchon a lancée au président américain d’extrême-droite, Donald Trump. Mélenchon a regretté que la Banque centrale européenne (BCE), qui a fourni 750 milliards d’euros aux ultra-riches, ne les enrichisse pas à la même allure que Trump et la Federal Reserve, la banque centrale des États-Unis.

Abordant la reprise de l’après-pandémie, Mélenchon a salué la politique de Trump. Pour le patron des Insoumis, la BCE est « dans sa routine ... Donner de l’argent aux banques privées plutôt qu’aux Etats pour la dépense publique. Avec l’espoir qu’elles prêtent aux gens. Le mythe de la main invisible du marché continue ses ravages », a-t-il déploré, avant d’expliquer que Donald Trump, lui, «donne 1 000 dollars par personne aux USA».

Dans le but de faire passer 2.000 milliards de dollars de subventions à Wall Street, Trump a fait la vague promesses de donner 1.000 dollars par personnes pour tenter de calmer la vague de grèves qui éclate aux USA. Le fait que Mélenchon et LFI saluent la politique de ce président fascisant souligne le caractère de classe du projet de Mélenchon. Comme les chefs syndicaux qui négocient avec le MEDEF, il cherche à donner une couverture de «gauche» aux liquidités qui stabilisent les banques, et les avoirs en bourse des petit-bourgeois qui dirigent LFI.

Ne voulant pas dévoiler ouvertement son orientation de classe, LFI n’explique pas qui va payer les mesures d’urgences de son programme. Mais si ce n’est pas l’aristocratie financière qui paie, ce seront inévitablement les travailleurs qui devront en faire les frais.

LFI est opposé à une lutte de la classe ouvrière internationale pour se défendre contre ce virus par la lutte pour des mesures socialistes. L’inspiratrice du populisme de gauche auprès de Mélenchon, Chantal Mouffe a explique que le populisme de gauche «n’exige pas une rupture ‘révolutionnaire’ avec le régime démocratique libéral» et s’oppose à ceux qui «réduisent la politique à l’opposition capital-travail et attribuent un privilège ontologique à la classe ouvrière, présenté en tant que véhicule de la révolution socialiste». C’est-à-dire que, comme la majorité des autres ex-soixante-huitards, Mouffe s’oppose aux conceptions fondamentales du marxisme.

LFI fut depuis le début un mouvement représentant la petite bourgeoisie argentée ayant Syriza en Grèce et Podemos en Espagne comme modèles, et construit sur la base explicite des théories anti-marxistes et populistes de Chantal Mouffe et Ernesto Laclau. Il a une bonne partie de sa base sociale dans la police et l’appareil d’État.

Les travailleurs ne peuvent apporter un soutien au programme de LFI. La classe ouvrière n’a pas à payer pour cette crise. Les travailleurs doivent mener une lutte révolutionnaire pour prendre le pouvoir en expropriant l’aristocratie financière afin d’assurer un contrôle démocratique des ressources dans une coordination internationale pour enrayer l’épidémie.

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