Des protestations de masse contre la brutalité policière et Trump éclatent dans tout le Canada

On s'attend à ce que des dizaines de milliers de personnes descendent dans les rues de Toronto aujourd'hui [samedi] pour la plus grande manifestation contre la violence policière et le racisme jamais organisée au Canada. Le rassemblement d'aujourd'hui fait suite à une semaine de manifestations de Halifax à Vancouver auxquelles ont participé des milliers de jeunes et de travailleurs de toutes les origines ethniques et de tous les milieux.

D'importantes manifestations ont commencé le week-end dernier, avec des milliers de personnes à Toronto samedi, et à Montréal et Vancouver dimanche. Mercredi, au moins 2000 personnes ont participé à un rassemblement intitulé «Justice pour toutes les victimes de la violence policière» à Calgary (Alberta), tandis qu'environ 5000 personnes ont manifesté dans la ville de Kitchener-Waterloo, dans le sud-ouest de l'Ontario.

Lors de la manifestation de Calgary, qui était la troisième dans cette ville en une semaine, les participants ont scandé «Je ne peux pas respirer», «Pas de justice, pas de paix» et «La vie des Noirs compte.» Une autre manifestation a attiré plus de 1000 personnes le lundi.

Le déclencheur immédiat des manifestations a été le meurtre brutal par la police de Minneapolis de George Floyd, un Afro-Américain, et les manifestations de masse multiraciales et multiethniques de la classe ouvrière qui ont éclaté dans son sillage dans des centaines de villes à travers les États-Unis.

Mais les manifestants ont également été irrités par la brutalité policière et le harcèlement systémique des Afro-Canadiens, des immigrants et des indigènes, ainsi que par la crise sociale plus large qui s'est considérablement intensifiée à la suite de la pandémie de coronavirus et de la réaction criminellement négligente des élites dirigeantes.

Jenny, qui a participé à la manifestation de Kitchener-Waterloo, a déclaré au World Socialist Web Site: «Je suis sans emploi depuis quelques mois maintenant parce que j'étais serveuse et que mon restaurant a fermé. Il ne semble pas qu'il va rouvrir non plus. J'aime que tout le monde ici porte un masque. Cette histoire de COVID est horrible. Tous mes amis sont aussi au chômage. Je suis vraiment fâchée par tout ce racisme et je suis vraiment fâchée d'être au chômage. Je suis vraiment fâchée à propos de tout, si vous voulez savoir la vérité.»

Plus de 8 millions de Canadiens – représentant environ 40% de la population active – ont demandé à bénéficier de la dérisoire Prestation canadienne d’urgence du gouvernement fédéral. Elle verse la maigre somme de 2000 dollars par mois aux travailleurs qui ont perdu leur emploi ou sont incapables de travailler en raison de la pandémie. Pendant ce temps, les entreprises profitent de l'aide généreuse du gouvernement pour restructurer leurs activités et licencier définitivement des milliers de travailleurs. La dernière annonce en date à cet égard a eu lieu vendredi, lorsque le constructeur d'avions Bombardier a dévoilé ses plans visant à supprimer de façon permanente 2500 emplois.

Alors même que les jeunes et les travailleurs descendaient dans la rue pour manifester leur solidarité avec les protestations américaines contre la violence de l'État et dénoncer les abus policiers au Canada, une série de nouveaux incidents ont montré la réalité de la brutalité policière à travers le pays.

Le bureau d'enquête indépendant de la Colombie-Britannique a recommandé le 29 mai que la Couronne inculpe cinq policiers pour usage illégal de la force et obstruction de la justice lors du décès, en juillet 2017, de Dale Culver, 35 ans, à Prince George. L'homme autochtone a été attaqué par les policiers avec du gaz poivré alors qu'ils tentaient de l'arrêter. Il a ensuite développé des problèmes respiratoires et est mort.

Une vidéo a également été diffusée, montrant des policiers en train de battre agressivement un homme à Kelowna, en Colombie-Britannique, samedi dernier, lors d'une arrestation. Au Nouveau-Brunswick, un policier a tiré sur une femme autochtone de 26 ans et l'a tuée lors d'un prétendu «contrôle de bien-être» jeudi à Edmundston. Au Nunavut, un policier fait l'objet d'une enquête criminelle après avoir été filmé lundi soir en train de foncer en camion sur un homme inuit qu'il a dit vouloir appréhender parce qu'il était en état d'ébriété.

En réponse au meurtre de George Floyd, le premier ministre Justin Trudeau et d'autres dirigeants politiques canadiens ont fait des déclarations hypocrites sur la lutte contre le racisme. Mais ils ont refusé de critiquer le président américain Donald Trump pour avoir ordonné une attaque policière et militaire impitoyable contre les manifestations contre la brutalité policière, pour avoir annulé les interdictions constitutionnelles sur le déploiement de l'armée contre les civils américains et pour avoir cherché à établir une dictature présidentielle. Le silence de 21 secondes dont a fait preuve Trudeau mardi lorsqu'un journaliste lui a demandé de commenter les actions de Trump, et les réponses évasives qui ont suivi, en disent long sur l'engagement de l'establishment politique canadien en faveur des droits démocratiques fondamentaux.

La réponse lâche et complice de l'élite dirigeante canadienne au déchaînement de la police ordonnée par Trump et à son assaut contre les droits démocratiques fondamentaux et la Constitution des États-Unis est liée à ses intérêts impérialistes mondiaux prédateurs, qui dépendent de l'approfondissement de son partenariat militaro-stratégique avec les États-Unis. Elle est également enracinée dans leur crainte que les protestations américaines aient – et elles ont déjà d’ailleurs – un impact catalytique sur la lutte des classes au Canada, où, comme aux États-Unis, les quatre dernières décennies ont vu une détérioration dramatique de la position sociale de la classe ouvrière.

Le plan de 650 milliards de dollars de renflouage des banques et des grandes entreprises, organisé par le gouvernement libéral de Trudeau et la Banque du Canada et soutenu par tous les partis au Parlement, va encore aggraver les niveaux d'inégalité sociale sans précédent et ouvrir la voie à un nouvel assaut massif de classe contre l'emploi, les droits des travailleurs et les services publics (voir: «L'establishment canadien fait peu de cas du coup de force autoritaire de Trump et exprime son «horreur» face aux protestations de masse»).

Alors que Trudeau est resté muet sur l'incitation de Trump à la violence policière, qui a entraîné la mort de plusieurs manifestants, des dizaines de blessés et plus de 10.000 arrestations, il a trouvé sa voix jeudi lorsqu'il s'est agi de dénoncer la répression chinoise à Hong Kong. Se référant à la loi antidémocratique de Pékin sur la sécurité nationale, qui renforce le contrôle de l'État chinois sur Hong Kong, Trudeau a déclaré: «Nous avons travaillé avec certains de nos plus proches alliés, notamment le Royaume-Uni, l'Australie et d'autres pays, pour condamner les actions menées par la Chine à Hong Kong. Nous sommes extrêmement préoccupés par leur retrait de l'accord "un pays, deux systèmes" qui a été signé il y a quelques décennies. Nous devons veiller à ce que les droits soient défendus dans le monde entier, y compris à Hong Kong.»

Comme le montre la réponse de Trudeau aux actions criminelles antidémocratiques de Trump, la défense des «droits de l'homme» par Ottawa à Hong Kong est une imposture. Au cours de la dernière décennie, le Canada s'est pleinement intégré à la campagne téméraire de Washington pour contrecarrer la «montée» de la Chine, y compris ses préparatifs avancés pour une guerre avec la Chine, un pays doté de l'arme nucléaire.

Le silence de Trudeau sur les actions de Trump bénéficie d'un soutien quasi unanime dans les milieux de la classe dirigeante. Bob Rae, ancien premier ministre du Nouveau Parti démocratique de l'Ontario et plus tard chef intérimaire du Parti libéral fédéral, a tweeté son soutien à Trudeau en disant: «Le premier ministre du Canada ne va pas commenter chaque développement concernant la politique américaine et le président Trump.»

Contrairement à la réaction effrayée et antidémocratique de l'élite canadienne face à l'affrontement qui se développe entre la classe ouvrière américaine et un président fasciste déterminé à établir un régime dictatorial, les manifestants qui se sont adressés au WSWS ont exprimé un soutien sans équivoque aux plus grandes manifestations aux États-Unis depuis les années 1960, ainsi que leur opposition à la violence policière et aux attaques croissantes contre les droits démocratiques dans les deux pays.

Jamal, un jeune vendeur au détail qui participait à la manifestation de Kitchener, a parlé de son expérience personnelle du harcèlement policier. «Le racisme n'est pas seulement aux États-Unis», a-t-il déclaré. «Aucun de mes amis ne fait confiance aux policiers. C'est dans ce coin du parc que beaucoup d'entre nous aiment se rendre, surtout les soirs d'été. Nous sommes toujours inspectés par les policiers simplement pour être assis et discuter. Mais c'est un grand parc et on ne les voit jamais aller dans une des autres parties où il y a toujours beaucoup plus de monde».

Jamal a également expliqué que si le racisme joue un rôle, les cibles des violences policières sont les pauvres et les opprimés de toutes les origines ethniques. «Il est évident qu'ils nous profilent parce que beaucoup d'entre nous sommes noirs», a-t-il commenté. «Mais vous savez, nous avons aussi beaucoup d'amis blancs et ils ne sont pas mieux traités là où nous nous réunissons. C'est encore pire pour les sans-abri qui aiment dormir dans le quartier. Je les vois se faire bousculer tout le temps.»

Dave, un étudiant qui s'est joint à la manifestation, a ajouté: «Voir ce policier étouffer George Floyd à mort était totalement scandaleux. Je pense que les gens commencent à se réveiller. Assez, c'est assez !» Il a également abordé le lien entre la violence policière et l'attaque plus générale contre les services publics et les droits des travailleurs. «Cette ville me surprend. J'étais à ce grand rassemblement de grève des enseignants en ville en février dernier. C'était quelque chose à voir aussi», a-t-il déclaré, faisant référence à une marche organisée par les enseignants en grève de l'Ontario en opposition aux exigences d'austérité sauvage du gouvernement provincial très à droite de Doug Ford.

(Article paru en anglais le 6 juin 2020)

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