Alors que Trump nie sa défaite électorale, les démocrates prônent la collaboration

Même après une décision écrasante et unanime de la Cour suprême des États-Unis, qui a rejeté le procès qu'il avait prétendu être «le grand coup» qui renverserait le résultat des élections de 2020, Donald Trump continue d'insister sur le fait qu'il a en fait gagné le vote du 3 novembre.

Trump intensifie également son incitation à la violence fasciste. Samedi, il a ordonné à son hélicoptère Marine One de survoler à basse altitude des manifestants de droite, dont des membres des Proud Boys, à Washington D.C., en signe de soutien, alors qu'il était emmené à West Point, New York, pour assister au match de football opposant l'armée à la marine.

La présidente de la Chambre des Représentants, Nancy Pelosi, démocrate de Californie, s'exprime lors d'une conférence de presse le jeudi 24 septembre 2020 au Capitole à Washington. (AP Photo/Jose Luis Magana)

Ces voyous pro-Trump se sont ensuite engagés dans une bagarre à grande échelle avec les manifestants anti-Trump samedi soir, au cours de laquelle quatre personnes ont été poignardées et de nombreuses autres blessées, ainsi que 23 personnes arrêtées. Lors d'un autre incident à Olympia, Washington, un tireur partisan de Trump a tiré sur un manifestant antifasciste et l'a blessé.

Dans un tweet typique, Trump a déclaré samedi: «J'AI GAGNÉ L'ÉLECTION DANS UN BALAYAGE, mais souvenez-vous, je ne pense qu'en termes de votes légaux, pas tous les faux électeurs et les fraudes qui ont miraculeusement débarqué de partout! Quelle honte!»

Le procès du Texas rejeté vendredi par la Cour suprême aurait annulé le résultat du vote populaire dans le Wisconsin, au Michigan, en Pennsylvanie et en Géorgie et aurait confié la tâche de sélectionner les électeurs aux assemblées législatives des États contrôlés par les républicains dans chaque État. L'effet aurait été de transférer 62 votes électoraux de Joe Biden à Trump, faisant de Trump le vainqueur.

Au lieu de cela, lorsque les électeurs du Collège électoral se réuniront aujourd'hui [lundi] dans les capitales de 50 États et à Washington DC., ils devraient voter selon les lignes dictées par les résultats du scrutin qui a culminé le 3 novembre, faisant de Joe Biden le président officiellement élu. Il n'y a pas la moindre indication que Trump ou une majorité de dirigeants du Parti républicain acceptent ce résultat ou reconnaissent Biden vainqueur.

La tendance est à l'inverse. Pas plus tard que le 6 décembre, un sondage du Washington Post révélait que sur 249 républicains au Congrès, 27 disaient que Biden avait gagné, deux disaient que Trump avait gagné, tandis que 220 ne répondaient pas définitivement à la question. Quatre jours plus tard, le 10 décembre, 126 membres républicains de la Chambre des représentants avaient signé un mémoire d'amicus curiae qui affirmait que Trump avait effectivement remporté l'élection.

À la suite du rejet unanime de la Cour suprême, un seul de ces 126 républicains de la Chambre a indiqué qu'il considérerait le vote d'aujourd'hui du Collège électoral comme décisif.

La déclaration la plus extrême est venue du président du Parti républicain du Texas, Allen West, un ancien membre du Congrès de Floride, qui a dénoncé la décision de la Cour suprême et déclaré: «Cette décision établit un précédent selon lequel les États peuvent violer la constitution américaine et ne pas être tenus responsables. Cette décision aura des conséquences importantes pour l'avenir de notre république constitutionnelle. Peut-être les États respectueux des lois devraient-ils s'unir et former une Union d'États qui respecteront la constitution».

Alors que le Parti républicain se livre à un trafic d'incitation à la violence et de discussion sur la sécession, le Parti démocrate, sous la direction du président élu Biden, continue de prêcher la collaboration bipartite. Biden, la présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi et le chef de la minorité au Sénat Chuck Schumer sont profondément engagés dans des discussions avec ces mêmes républicains sur les détails d'un nouveau programme d'aide COVID-19 – qui ira en majeure partie aux grandes entreprises – alors que le Sénat et la Chambre des représentants ont adopté un projet de loi sur les dépenses militaires record par une majorité bipartite écrasante, face à la menace de veto de Trump sur des questions secondaires.

Lors de l'émission «Face the Nation» sur CBS, le représentant de la Louisiane Cedric Richmond, nommé par Biden comme l'un des principaux conseillers politiques de la Maison-Blanche, a discuté avec l'animatrice Margaret Brennan de ses efforts pour travailler avec les républicains de la Chambre.

«Si les deux tiers de la conférence républicaine ne reconnaissent pas la victoire de Joe Biden en tant que président élu, comment pouvez-vous travailler avec eux?» a-t-elle demandé.

Richmond a répondu: «Ils reconnaissent la victoire de Joe Biden. Toute l'Amérique reconnaît la victoire de Joe Biden. Ce n'est qu'une petite partie de la conférence des républicains qui tentent de calmer le président sortant parce qu'ils ont peur de son pouvoir sur Twitter et d'autres choses».

«Ne prenez-vous pas leurs déclarations d'opposition au sérieux?» a demandé Brennan. Richmond a répondu: «Non. Je parle tout le temps aux membres républicains du Congrès, et ils disent une chose en privé, ils disent une autre chose en public. Mais la seule chose que je vous dirai, c'est qu'ils se rendent compte qu'il a perdu cette élection.»

Richmond souligne la lâcheté, la malhonnêteté et le cynisme de ses «collègues» républicains, et en fait un argument en faveur de la collaboration avec eux. Biden veut travailler avec les républicains, dit son futur conseiller à la Maison-Blanche, parce qu'ils disent une chose en public et le contraire derrière des portes closes.

Le New York Times, qui est le principal porte-parole des dirigeants démocrates, a développé les arguments en faveur du bipartisme dans un long éditorial publié dimanche, sous le titre «Build on Common Ground». Alors que l'éditorial parle longuement d'éventuels accords entre les deux partis sur toute une série de questions mineures, du réseau Internet haute vitesse rural au prix des médicaments sur ordonnance en passant par les crédits d'impôt aux entreprises pour promouvoir la technologie de capture du carbone, il réduit la question primordiale de la pandémie de coronavirus à une seule phrase qui ne dit rien du tout sur une politique visant à éviter la mort imminente de plusieurs centaines de milliers d'Américains.

La raison de ce silence est claire. Il existe un accord bipartite selon lequel rien ne doit être fait pour arrêter la mort de masse: pas de confinement, pas de fermeture d'écoles, pas de fermeture d'entreprises non essentielles. En tant que serviteurs des grandes entreprises, les deux partis conviennent que les travailleurs doivent rester au travail et produire des profits pour les capitalistes, quelles que soient les conséquences sur leur santé et leur vie.

L'éditorial conseille à Biden d’«apaiser la guerre des cultures» (c'est-à-dire de faire des concessions au sectarisme fondamentaliste chrétien) et de «soutenir un programme politique bénéficiant d'un large soutien public» (c'est-à-dire de ne rien faire qui offense la Chambre de commerce ou Wall Street), tout en se limitant à «un terrain d'entente qui a déjà été exploré et étudié» (des mesures superficielles déjà présentées au Congrès qui ne feront rien pour atténuer la crise sociale massive déclenchée par la pandémie).

Il est significatif que la seule question de politique étrangère mise en avant par le Times soit «la nécessité d'adopter une ligne dure dans les relations avec la Chine», et l'éditorial indique que Biden a affirmé qu'il ne pourrait pas lever les droits de douane imposés sur toute une série d'importations chinoises. L'éditorial plaide ensuite pour un accroissement des investissements fédéraux dans «des industries critiques telles que la biotechnologie, l'informatique quantique et l'intelligence artificielle», particulièrement importantes pour le développement des futures générations d'armes militaires.

La veille encore, l'éditorial principal du même journal décriait le «nihilisme» républicain et demandait: «Que reste-t-il à dire sur un parti politique qui rejetterait des millions de voix?» La réponse du Times à sa propre question est la suivante: joignez vos forces aux leurs le plus rapidement possible, et selon leurs conditions.

Dans le même ordre d'idées, la chroniqueuse du Washington Post Jennifer Rubin, une républicaine anti-Trump, a titré son article d'opinion du dimanche: «C’est ça, "Biden le socialiste"? » Elle a noté les perspectives de droite, pro-patronales et pro-militaires de ceux que Biden a sélectionnés pour son cabinet et le personnel de la Maison-Blanche, et a conclu en approuvant: «Si Biden maintient la ligne contre les éléments les plus progressistes de son parti, les anciens républicains pourraient se retrouver étonnamment à l'aise dans un Parti démocrate Biden».

(Article paru en anglais le 14 décembre 2020)

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