Les universités françaises rouvrent malgré la propagation de nouveaux variants du coronavirus

La semaine dernière, les universités françaises ont commencé à rouvrir partiellement leurs portes. Suite à un tweet du président Emmanuel Macron le 21 janvier, annonçant cette réouverture partielle, de nouvelles règles permettront ce trimestre à chaque étudiant de suivre des cours un jour par semaine en présentiel. Ce tweet a été publié un jour après que de petites manifestations étudiantes menées par le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) et les syndicats étudiants aient appelé à la réouverture immédiate des universités le 20 janvier.

Université de Paris - Faculté de Droit, Place de Pantheon (Image Credit: Peter Haas/Wikipedia)

Cette mesure ramènera chaque jour des centaines de milliers d’étudiants dans les salles de cours. Rien qu’à l'Université d'Orléans par exemple, 4 000 étudiants retourneront chaque jour pour des cours en présentiel. Le risque d'infection ne se limite pas aux salles de cours. Étudiants, professeurs et personnels augmenteront le nombre des passagers dans les transports et entraîneront des cafétérias surchargées avec des repas sans masque.

Même si des protocoles stricts sont respectés, le virus se propagera inévitablement dans un cadre éducatif. Cela a été démontré par de multiples études scientifiques. Selon toute vraisemblance se répétera une réouverture d’universités et d’écoles comme en septembre ; des règles prétendument strictes ne seront une fois de plus pas appliquées dans la plupart des universités. Les conférences auront à nouveau lieu dans des amphis et des salles mal ventilés sans espace suffisant pour respecter la distanciation sociale.

Dans les conditions actuelles, cette politique signifie une nouvelle accélération de la propagation du virus, entraînant davantage d'infections et de décès chez les étudiants et dans la population en général. Depuis la réouverture de septembre, près de 50.000 personnes sont mortes du COVID-19 dans le pays.

L'assouplissement des présentes mesures de confinement intervient alors que des variants dangereux du virus s’implantent de plus en plus en France. Jeudi, le Premier ministre Jean Castex a rapporté que 14 pour cent des cas de COVID-19 impliquaient déjà le variant B.1.1.7 plus infectieux, identifié pour la première fois au Royaume-Uni. En France, 419 personnes en moyenne sont décédées chaque jour au cours de la semaine écoulée.

Dimanche ont été publiés les résultats préliminaires d'une étude montrant que le vaccin d’Oxford-AstraZeneca était considérablement moins efficace contre le variant sud-africain. Dans certains cas, la variant britannique a également développé la mutation E484K, censée réduire l'efficacité du vaccin. Le déploiement du vaccin AstraZeneca en France a commencé samedi et est un élément clé de la campagne de vaccination du gouvernement, qui n’a toujours pas atteint les 3 pour cent de la population. Le gouvernement utilise cette campagne pour justifier son refus d'imposer un confinement jusqu'à ce que la population puisse être vaccinée et le virus arrêté.

Contrairement à l’idée répandue par les gouvernements capitalistes et les médias, les adolescents et les jeunes adultes peuvent également être gravement affectés par la maladie. Au moment d’écrire ces lignes, 294 personnes âgées de moins de 30 ans sont hospitalisées avec le virus et 51 personnes de cette tranche d'âge sont décédées du COVID-19 depuis le début de la pandémie. Les personnels soignants traitant des patients avec les variants britannique et sud-africain ont également souligné qu'ils sont généralement beaucoup plus jeunes que lors de la première vague.

Bien qu'entreprise au nom de la défense de la santé mentale des étudiants, la réouverture partielle des universités est une démarche tactique dans la politique plus large d'«immunité collective» du gouvernement. Macron fait pression pour une réouverture prématurée des universités depuis la nouvelle année. Le 4 janvier, le ministère de l'Enseignement supérieur avait décrété que certains groupes d'étudiants pourraient revenir en petits groupes et se présenter aux examens.

Mais cela a rencontré une vive résistance de la part des étudiants. Des étudiants de L2 Eco Gestion de l'Université de Créteil par exemple, ont lancé une pétition contre les examens en présentiel. Ils y déclarent: «La crise sanitaire est loin d'être terminée et recommence et reprend de plus belle avec les fêtes de fin d’année et l'arrivée d'une nouvelle souche de la COVID ne fait qu'empirer les choses. Faire les partiels en présentiel, en tenant compte de la situation actuelle, est une action dangereuse pour la santé de tous. »

Malgré qu’un mois plus tard la situation sanitaire reste inchangée, que la période des examens soit terminée et qu’un nouveau semestre ait commencé, les administrations universitaires, le gouvernement et les syndicats étudiants ont redoublé d'efforts pour pousser à la réouverture.

Les syndicats et les partis de la pseudo-gauche portent la lourde responsabilité d’avoir créé les conditions permettant à Macron d’imposer la réouverture. Ce n'est qu'à la suite d' une série de petites manifestations organisées par le NPA et une coalition de syndicats étudiants, le 20 janvier, que Macron a annoncé sa mesure.

Les actions de protestation comprenaient les organisations de jeunesse des Verts, la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon et le propre parti de Macron, et a été soutenue par les syndicats étudiants. Seuls 1 500 manifestants se sont rassemblés à Paris et quelques centaines dans d'autres villes de France, mais ces manifestations auraient «fait pression» sur Macron pour qu'il mette en œuvre sa propre politique de droite. Lorsque des centaines de milliers de manifestants «gilets jaunes» en revanche ont manifesté pendant des mois chaque semaine contre les inégalités sociales et les réductions d'impôts pour les riches, sa réponse a été la répression policière.

En fait, l’actuelle réouverture a déjà été critiquée par ces éléments comme trop limitée. Le 25 janvier, Maryam Pougetoux, la dirigeante de l'Union nationale des étudiants français, a fait pression pour encore plus de mesures anti-confinement. «Il faut aller beaucoup plus loin, avec des jauges de 50% [en présentiel] » a-t-elle déclaré.

L'affirmation que l'accélération des décès et de la maladie en masse dans la société améliorera la santé mentale des étudiants est absurde. Selon une enquête récente d’Odoxa-Backbone Consulting d’ailleurs, 46 pour cent des étudiants craignent pour leur santé et 80 pour cent pour celle de leurs familles.

Néanmoins, Macron, dans une interview du 2 février, a affirmé que sa politique vise à «pouvoir au maximum aussi protéger notre jeunesse qui a besoin d'étudier, d'aller à l'école ».

Un certain nombre de suicides récents d'étudiants ont souligné la crise de santé mentale qui frappe les jeunes, en France comme à l'étranger. Bien que l'isolement social représente une pression considérable pour les étudiants, ainsi que pour le reste de la société, il n'est pas la cause sous-jacente de la crise de santé mentale. La grande majorité des jeunes sont confrontés au spectre du chômage et n'ont pas accès à un logement ou à de la nourriture convenables. Une vidéo virale récente de centaines d'étudiants faisant la queue pour des colis alimentaires met en évidence la précarité à laquelle la jeunesse française est confrontée au 21e siècle.

Alors que la pandémie a aggravé ces problèmes, la richesse des milliardaires elle, a explosé au cours des 12 derniers mois. Les jeunes sont confrontés aux conséquences brutales de la décision délibérée de la classe dirigeante européenne de laisser mourir des centaines de milliers de personnes, y compris chez les membres de leur famille et chez leurs amis. Ceux qui sont en âge d'étudier ont grandi en ne connaissant que l'austérité à l’intérieur et la guerre impérialiste à l'étranger.

Malgré la campagne anti-confinement de Macron et des partis de la pseudo-gauche, il n'y a pas de soutien pour la réouverture des universités dans la population ou le corps étudiant. La poignée d'étudiants réunis pour manifester par le syndicat étudiant et le NPA n’ont pas grand-chose à voir avec les dizaines de milliers d'étudiants qui ont manifesté contre les récentes mesures d’État policier de Macron: la loi anti-musulmane affirmant les principes républicains et la loi sur la sécurité globale. Un récent sondage a montré que 70 pour cent de la population française déclare être en faveur d'un nouveau confinement pour arrêter la propagation du virus.

La manifestation pour rouvrir les facs était une tentative de faire dévier la colère face à la crise sociale, aux logements insalubres, à l'insécurité alimentaire et à la crise de santé mentale et de l’entraîner derrière une campagne d’arrêt des mesures de confinement. Ses instigateurs ont agi comme des meneurs de claque pour une politique visant à sacrifier des dizaines de milliers de vies au profit du grand patronat et de l’élite financière. La campagne pour une «réouverture» vise à empêcher qu’un confinement impacte en quoi que ce soit les profit de la grande entreprise et le maintien des écoles ouvertes est nécessaire pour que les parents des élèves puissent continuer à travailler en pleine pandémie.

Le retour à l'enseignement en présentiel dans les universités sert aussi à accroître la pression sur les enseignants. Il crée de plus un précédent pour la réouverture d'entreprises non essentielles, y compris le secteur de l’hôtellerie.

Les étudiants et les jeunes ne doivent pas permettre qu’on les utilise comme des pions dans les tentatives du gouvernement de faire passer sa politique meurtrière. Les écoles, les universités et les lieux de travail non essentiels doivent être fermés et un salaire de subsistance confortable doit être alloué à l'ensemble de la population, jeunes et adultes. Dans la lutte pour ce programme, les étudiants doivent se tourner vers la classe ouvrière, la seule force sociale capable d'imposer une réponse scientifique à la pandémie. La lutte contre la politique de la mort est la lutte contre le capitalisme et pour le socialisme.

(Article paru en anglais le 9 février 2021)

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