Les autorités sanitaires canadiennes ferment un entrepôt d’Amazon après une épidémie massive de COVID-19

Les autorités de santé publique ont ordonné vendredi la fermeture pour 14 jours d’un centre de distribution d’Amazon à Brampton, en Ontario, à la suite d’une épidémie massive de COVID-19 qui a infecté 240 travailleurs au cours des dernières semaines. Au moins 10 cas dans ce centre, situé dans la région du Grand Toronto qui compte 6,2 millions d’habitants, ont été liés aux nouveaux variants du virus qui sont plus contagieux et plus mortels.

Démontrant son mépris total pour la vie et la sécurité de ses employés, la société a publié une déclaration peu après la fermeture de ses portes, annonçant qu’elle ferait appel de l’ordre de fermeture. Le porte-parole d’Amazon, Dave Bauer, a rejeté l’idée que «les données appuient cette fermeture», citant des taux de positivité de tests récents de «moins d’un pour cent».

Intérieur d’un centre de traitement des commandes d’Amazon (Wikimedia Commons)

Cette indifférence criminelle à l’égard de la vie des travailleurs d’Amazon est tout à fait normale pour une entreprise qui a réalisé des bénéfices records depuis le début de la pandémie. Exploitant la croissance des achats en ligne et l’afflux de travailleurs nouvellement au chômage pour alimenter ses ateliers de misère, le fondateur d’Amazon, Jeff Bezos, a ajouté 70 milliards de dollars en 2020 à sa valeur nette déjà astronomique en tant que l’un des individus les plus riches du monde.

Avec un record de 617 infections depuis octobre dernier, ce sont en moyenne 30 travailleurs par semaine qui ont contracté le COVID-19 à l’entrepôt Amazon de Brampton Heritage Road. Cela représente un taux d’infection total de 12 % des 5000 employés à temps plein et temporaires de l’établissement. Alors qu’Amazon a promis de payer ses employés à temps plein pendant la fermeture, elle a évité de s’engager à soutenir les employés temporaires. Les travailleurs temporaires n’ont pas droit aux indemnités de maladie.

Amazon se vante d’avoir un centre de traitement de 856.000 pieds carrés, soit plus grand que 10 terrains de football, et d’être l’un des entrepôts les plus automatisés du Canada, avec une flotte de robots pour récupérer les plus de 10 millions d’articles qu’elle y stocke.

Une enquête de la Santé publique de Peel a déterminé qu’il existait un risque élevé d’exposition au COVID-19 pour toutes les personnes travaillant dans les installations d’Amazon Heritage. Le taux d’infection dans la région de Peel – qui comprend Brampton, Caledon et Mississauga – a diminué, alors que le taux dans l’usine Amazon augmentait considérablement. «Grâce à plusieurs séries de tests de masse, nous avons détecté de plus en plus de cas et cela indique vraiment une augmentation significative. Près de 40 % des cas de cette épidémie sont apparus au cours des dernières semaines. En outre, il est de plus en plus difficile de déterminer si les cas ne sont pas tous liés au même groupe, et il semble donc que la propagation soit disséminée au sein de l’établissement. En outre, depuis une semaine environ, nous avons commencé à détecter des variants préoccupants», a déclaré le Dr Lawrence Loh, médecin hygiéniste de la région de Peel.

Depuis des mois, les travailleurs s’inquiètent des conditions brutales de l’accélération du travail et de l’attitude cavalière de la direction à l’égard des précautions de sécurité les plus élémentaires concernant la COVID-19.

«C’est quelque chose que nous savions tous qui arriverait», a déclaré au Toronto Star Gagandeep Kaur, un coordonnateur du Warehouse Workers Centre. «Dès le début, les travailleurs nous avaient parlé du manque de distanciation sociale et des politiques de l’entreprise visant à les pénaliser au sujet de la production: ce qui les décourage en fait de suivre n’importe lequel des protocoles de sécurité.»

Les conditions de l’établissement de Brampton sont reproduites dans les autres entrepôts canadiens d’Amazon, ainsi que sur les lieux de travail à travers le pays et à l’international. En janvier, un établissement de Postes Canada situé à proximité de Mississauga a connu une épidémie qui a entraîné plus de 300 infections et la mort d’un travailleur, tandis que trois travailleurs d’une usine de conditionnement de viande Olymel en Alberta ont perdu la vie depuis janvier. Le site Web de la santé publique de Peel recense 308 épidémies en milieu de travail.

L’ordre de fermeture d’Amazon est intervenu quatre jours après que Brampton Transit ait suspendu, le 8 mars, tout service de bus dans le couloir ouest de l’avenue Steeles pour au moins une semaine afin de permettre au service de santé publique de la région de Peel d’enquêter sur 12 cas confirmés de COVID-19 au cours du mois dernier parmi les chauffeurs de bus travaillant sur le trajet de l’avenue Steeles. Sept cents travailleurs de Brampton Transit ont subi un test de dépistage du virus au cours de la semaine écoulée et toute personne ayant refusé le test a reçu l’ordre de se placer en quarantaine. Le maire de Brampton, Patrick Brown, a signalé mardi dernier qu’un chauffeur de bus est actuellement hospitalisé dans le coma à cause du COVID-19.

Deux centres d’expédition d’Amazon situés dans le sud-ouest de Brampton ont été touchés par l’annulation de ces trois lignes d’autobus très fréquentées, qui s’arrêtent autour de l’installation de Heritage Road. Amazon a rapidement engagé son propre service privé de transport par autobus nolisés pour ses travailleurs après la fermeture de Brampton Transit, afin de pouvoir poursuivre sa course mortelle aux profits au détriment de la vie de sa main-d’œuvre.

La région de Peel – qui compte 1,5 million de résidents – est l’un des épicentres de la pandémie de COVID-19 au Canada.

Peel compte un nombre disproportionné de nouveaux immigrants, souvent originaires d’Asie du Sud, qui sont entassés dans des entrepôts ou des usines géantes dans des conditions exiguës et payés des salaires de misère pour un travail éreintant. Le coût des logements, les plus inabordables du pays, oblige plusieurs familles ou plusieurs générations d’une même famille à s’entasser sous un même toit, ce qui facilite encore la propagation des maladies.

Le gouvernement provincial progressiste-conservateur dirigé par Doug Ford, admirateur de Donald Trump, fait régulièrement de ces travailleurs les boucs émissaires de la pandémie, en leur reprochant de ne pas suivre les directives de distanciation sociale.

Confiants dans le soutien du gouvernement, des employeurs comme Amazon bafouent régulièrement les mesures de sécurité, même les plus inadéquates, ordonnées par les fonctionnaires des ministères de la Santé et du Travail. Le mois dernier, lorsque le ministère du Travail a organisé une «opération éclair» dans les entrepôts et les centres de distribution de la région de Peel, il a constaté que 43 % des 208 installations inspectées ne respectaient pas les directives gouvernementales en matière de santé et de sécurité.

Les gouvernements provinciaux de tout le pays, des conservateurs de l’Ontario aux néo-démocrates de la Colombie-Britannique, se sont empressés de démanteler les mesures de santé publique déjà inadéquates après une modeste baisse des infections par rapport au pic de la deuxième vague en décembre et janvier. Le fer de lance de ces mesures a été la réouverture téméraire des écoles, motivée par le désir de l’élite dirigeante de libérer les parents de leurs responsabilités en matière de garde d’enfants afin qu’ils puissent retourner sur des lieux de travail dangereux. Ces politiques ont été supervisées et soutenues par le gouvernement libéral fédéral de Justin Trudeau.

Les experts médicaux avertissent que ces politiques conduisent le Canada vers une troisième vague encore plus meurtrière. Dimanche, l’Ontario a enregistré 1747 nouveaux cas positifs, contre 1299 le dimanche précédent et 1062 la semaine d’avant. La moyenne mobile des nouveaux cas sur sept jours est nettement à la hausse.

Les autorités de santé publique de l’Ontario, sous la pression du gouvernement conservateur, ont obstinément refusé de publier les lieux d’éclosion des foyers sur les lieux de travail, invoquant hypocritement le respect de la vie privée. La presse bourgeoise a admis à contrecœur que les lieux de travail sont le principal vecteur de propagation du virus. Cependant, la résistance véhémente d’Amazon à l’ordre de fermeture était si flagrante que le service de santé publique de Peel a été contraint de révéler l’ampleur de l’épidémie.

L’épidémie massive de COVID-19 à l’entrepôt d’Amazon de Brampton Heritage Road souligne l’urgente nécessité pour les travailleurs d’Amazon de s’organiser de manière indépendante – en formant des comités de la base – pour protéger leur santé et leur vie. Ils doivent exiger que l’immense richesse amassée par Bezos et les profits réalisés grâce à leur exploitation brutale soient utilisés pour financer un programme complet de sécurité au travail, comprenant des tests quotidiens et la recherche des contacts, ainsi que la fin du régime brutal de travail accéléré de l’entreprise. Les travailleurs doivent également exiger le rétablissement de la prime de risque, qu’Amazon a honteusement abandonnée en mai, alors même que la pandémie continuait à faire rage.

Pour défendre ces revendications, les travailleurs d’Amazon à Brampton devraient créer un comité de sécurité de la base en opposition aux syndicats pro-entreprises, qui ont facilité la réouverture de l’économie par l’élite dirigeante et n’ont aucun intérêt à protéger la vie des travailleurs. Ils devraient suivre l’exemple de leurs collègues d’Amazon à Baltimore, dans le Maryland, aux États-Unis, qui ont écrit dans la déclaration fondatrice de leur comité de sécurité de la base que l’argent pour assurer la santé et la sécurité des travailleurs d’Amazon «existe dans les comptes bancaires et les portefeuilles d’actions de Jeff Bezos et du reste des cadres et du conseil d’administration d’Amazon. Toutes les richesses et tous les profits obtenus aux dépens des travailleurs pendant la pandémie, à commencer par les milliards de Bezos, doivent être saisis et utilisés à ces fins.»

Pour mener ce combat, les travailleurs d’Amazon doivent rejoindre le réseau croissant de comités de sécurité de la base, nationaux et internationaux, et s’abonner à la lettre d’information internationale Amazon Workers Voice et la partager.

(Article paru en anglais le 15 mars 2021)

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