Ocasio-Cortez affirme que les opposants de gauche aux politiques d’immigration de Biden causent «un tort profond à la cause de la justice»

Alexandria Ocasio-Cortez, la membre du Congrès pour l’État de New York et membre des Socialistes démocrates d’Amérique (DSA), intensifie ses efforts pour défendre le Parti démocrate et dénoncer les opposants de gauche à l’administration Biden.

Mercredi, Ocasio-Cortez a tenu son assemblée publique virtuelle mensuelle pour ses électeurs du 14e district de New York pour le Congrès. En réponse à une question sur l’immigration, elle a profité de l’occasion pour couvrir les politiques anti-immigration impitoyables de Biden.

Après avoir formulé des critiques banales sur le traitement des immigrants, Ocasio-Cortez en est venue au point principal: «Je ne veux pas établir de fausse équivalence. Ce qui se passe actuellement n’est pas la même chose que ce qui s’est passé sous l’administration Trump.»

De jeunes mineurs sont allongés à l’intérieur d’un module dans le Centre de détention du département de la Sécurité intérieure de Donna, le principal centre de détention pour les enfants non accompagnés de la vallée du Rio Grande, géré par le Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis (Customs and Border Protection, CBP), à Donna, au Texas, le mardi 30 mars 2021. Les mineurs sont logés par centaines dans huit modules d’une superficie d’environ 3200 pieds carrés. Dans de nombreux cas, il y a plus de 500 enfants. (AP Photo/Dario Lopez-Mills) [AP Photo/Dario Lopez-Mills]

Elle a poursuivi: «[l’administration Trump] a enlevé des bébés des bras de leurs mères et a déporté leurs familles et a traumatisé de façon permanente ces enfants, et dans le cas de certains, nous ne savons pas s’ils ne seront jamais réunis avec leurs familles, ce qui constitue un niveau de violation des droits de l’homme qui n’est tout simplement pas le même [que Biden].»

Elle a ensuite dénoncé toute personne qui ose faire une comparaison entre les politiques anti-immigration de Biden et celles de l’administration Trump: «Quiconque essaie de faire cela cause un tort profond à la cause de la justice. Je ne veux donc pas excuser quoi que ce soit... l’un n’est pas l’autre et nous ne pouvons pas balayer cela sous le tapis.»

Dans une entrevue donnée auparavant au magazine Democratic Left des DSA, Ocasio-Cortez a qualifié les opposants de gauche à l’administration Biden de «privilégiés» et d’«acteurs de mauvaise foi». Maintenant, elle dit que ceux qui dénoncent ses politiques d’immigration causent «un tort profond à la cause de la justice».

Il y a un certain nombre de points qu’il faut souligner par rapport aux dernières déclarations d’Ocasio-Cortez.

Premièrement, ce qui arrive aux immigrants sous l’administration Biden, comme cela s’est produit sous l’administration Trump et Obama avant lui, est un crime contre l’humanité. L’insinuation politiquement motivée d’Ocasio-Cortez selon laquelle le même niveau de traumatisme horrible subi par les enfants immigrés sous Trump n’a pas lieu sous Biden, est méprisante.

Pendant son mandat, Donald Trump a mis en œuvre sa politique «Restez au Mexique», qui obligeait les immigrants demandant l’asile aux États-Unis à rester dans les villes frontalières mexicaines jusqu’à ce que leur cas soit jugé, sans logement, nourriture ou services adéquats, et en proie à une violence généralisée.

En mars 2020, utilisant la pandémie comme prétexte frauduleux, son administration a invoqué la loi de 1944 sur le service de santé publique, connue sous le nom de Titre 42, accordant au président de larges pouvoirs pour refuser les demandeurs d’asile et les enfants pour des raisons de santé publique.

Depuis son entrée en fonction, l’administration Biden, pour certaines raisons tactiques, a annulé des éléments de la politique de Trump «Restez au Mexique.» En outre, dans le cadre de la politique de Biden, des milliers de mineurs non accompagnés ont été admis dans les centres de détention américains.

En revanche, les mineurs accompagnés, c’est-à-dire les enfants qui arrivent avec leur famille ou leurs parents isolés, sont «traités» à la frontière, détenus dans des conditions horribles, envoyés à El Paso et contraints de traverser un pont pour retourner au Mexique. Souvent, les migrants ne sont pas informés de ce qui se passe et se retrouvent donc au Mexique, ignorant totalement où ils se trouvent et pourquoi.

En outre, la vice-présidente Kamala Harris a été chargée d’une initiative visant à corrompre et à contraindre les gouvernements du Mexique et d’Amérique centrale à sévir contre les migrants voyageant depuis et à travers leur propre pays, afin de les empêcher d’atteindre la frontière.

Le résultat pratique de la «réforme de l’immigration» de Biden aux politiques de l’ère Trump est que de nombreuses familles désespérées piégées au Mexique essaient d’envoyer les enfants à la frontière par eux-mêmes, puisqu’ils seront autorisés à entrer, même s’ils sont détenus dans des installations sordides.

Mercredi, la Patrouille des douanes et des frontières a diffusé des images montrant deux enfants en bas âge lâchés par-dessus le mur frontalier près d’El Paso, au Texas, la nuit précédente. La mère des deux fillettes réside aux États-Unis. Selon la politique de Biden, les migrants qui se trouvent au Mexique, y compris les enfants, n’ont pas la possibilité de rejoindre les membres de leur famille vivant aux États-Unis.

Dans une démonstration brutale de la continuité entre Trump et Biden, les données du département de la Sécurité intérieure (DHS) divulguées à Axios en mars ont révélé que l’administration Biden utilise le «Titre 42» pour expulser les migrants qui tentent de traverser la frontière américano-mexicaine. En invoquant le Titre 42, Biden a déporté plus d’immigrants haïtiens en un seul mois que Trump en une année entière.

Quant aux quelque 16 000 enfants détenus dans des centres de détention, ils sont emprisonnés dans les mêmes installations débordées et non réglementées que l’administration Trump a supervisées, et l’administration Obama avant lui. En fait, Biden a même proposé de rouvrir des centres de détention de l’ère Trump pour accueillir l’afflux d’enfants, notamment le centre de détention pour enfants migrants de Carrizo Springs au Texas.

Les installations qui détiennent les enfants, comme Carrizo Springs, sont gérées par les mêmes entreprises privées que sous Trump. Les camps de tentes surpeuplés mis en place par la précédente administration Trump sont maintenant pleins à craquer. Le nombre d’enfants actuellement détenus est 25% plus élevé qu’au plus fort de la répression de l’administration Trump en 2019 contre les enfants immigrés. Les conditions, y compris les images d’enfants détenus dans des cages qui ont suscité l’indignation massive des travailleurs aux États-Unis et dans le monde, restent les mêmes.

Les crimes contre les immigrants sont largement méprisés dans la classe ouvrière, et les commentaires d’Ocasio-Cortez n’ont pas trompé beaucoup de ses partisans. Personne n’oublie qu’Ocasio-Cortez a mené sa campagne en se concentrant largement sur l’opposition aux politiques anti-immigration de Trump. En effet, juste avant son élection, elle a fait de la revendication «Abolir ICE» la pièce maîtresse de sa campagne. Ce slogan a été abandonné sans cérémonie.

Comme l’a noté un commentateur sur Twitter, dans une mer d’indignation contre la vidéo d’Ocasio-Cortez: «Ce sont les MÊMES agences. MÊMES installations. MÊMES excuses. La seule chose qui a changé, c’est qui est en charge.» Un autre a tweeté: «Pathétique que même les membres les plus à gauche du parti aient fait un 180 complet sur les cages à la frontière alors que les conditions n’ont pas du tout changé. Le GOP est passé de la défense des cages à la volonté de libérer les prisonniers. Les démocrates sont passés d’appeler cela dégoûtant à le défendre.»

L’article du World Socialist Web Site sur l’entrevue d’Ocasio-Cortez par Democratic Left dénonçant les opposants socialistes de Biden a été lu par plus de cent mille travailleurs et jeunes. Il a créé une crise politique au sein du Parti démocrate car il a révélé les prétentions frauduleuses de la principale représentante de l’aile «gauche» des démocrates.

Alors que les démocrates ont cherché à mobiliser leurs agents (article en anglais) pour défendre Ocasio-Cortez, la membre du Congrès elle-même, dans tout ce qu’elle dit, indique clairement que son rôle principal est de défendre le Parti démocrate et l’administration Biden à tout prix.

Quiconque a soutenu Ocasio-Cortez sous la fausse impression qu’elle était une «outsider» cherchant à défier l’establishment du Parti démocrate doit tirer les conclusions qui s’imposent. Le «socialisme démocratique» d’Ocasio-Cortez et de ses promoteurs au sein des DSA est, en fait, un mécanisme employé par la classe dirigeante et le Parti démocrate pour bloquer un véritable mouvement socialiste des travailleurs et des jeunes.

(Article paru en anglais le 3 avril 2021)

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