Québec Solidaire se range derrière la campagne anti-chinoise de Washington et Ottawa

La campagne de longue date de l’impérialisme américain contre la Chine gagne en intensité depuis l’entrée en fonction du président démocrate Joe Biden. Pendant que Washington renforce son alliance militaire avec les puissances de la région indo-pacifique (Inde, Australie, Japon), le Pentagone exige que le budget alloué pour cette région soit doublé. Les allégations de «génocide» à l’endroit de Pékin, d’abord lancées sous le régime de Donald Trump, sont reprises et amplifiées par le gouvernement Biden.

C’est dans ce contexte de tensions croissantes entre grandes puissances qu’un député de Québec Solidaire (QS), Sol Zanetti, a signé une lettre ouverte condamnant la Chine pour «génocide» contre la minorité ouïghoure du pays et exigeant le remplacement de Pékin comme ville hôte des Jeux olympiques d’hiver de 2022.

Deux semaines plus tard, le Parlement canadien adoptait à quasi-unanimité une motion qui condamnait la Chine sous le même prétexte. C’était la dernière d’une longue série d’actions diplomatiques, économiques et militaires menées par la classe dirigeante canadienne, en soutien à Washington, pour attiser le nationalisme anti-chinois et préparer le public à une confrontation militaire catastrophique avec ce pays.

Biden et Trudeau en décembre 2016 (AP)

La lettre ouverte a été signée par les représentants de tous les partis siégeant à la Chambre des communes à Ottawa et à l’Assemblée nationale du Québec – qu’ils se disent de «gauche», comme le NPD, les Verts et Québec Solidaire, ou s’affichent ouvertement de droite, comme les Conservateurs; qu’ils soient fédéralistes convaincus, comme les Libéraux, ou indépendantistes, comme le Bloc québécois (à l’origine de la lettre), le Parti québécois et QS. En d’autres mots, la classe dirigeante canadienne appuie en bloc la campagne agressive que mène Washington contre Pékin pour contrer l’influence économique et géostratégique croissante de ce rival dit «stratégique».

Le régime stalinien chinois représente les intérêts d’une oligarchie qui s’est bâtie sur la restauration des rapports de propriétés capitalistes à partir des années 80 et l’exploitation massive des centaines de millions de travailleurs chinois. S’il utilise la surveillance et la répression étatique contre des minorités telles que les Ouïghours, sa principale cible demeure la classe ouvrière chinoise.

Les allégations de «génocide» contre Pékin, quant à elles, n’ont aucun fondement. Alors que ce terme est apparu après l’extermination de 6 millions de Juifs par l’impérialisme allemand, les «preuves» retenues contre le gouvernement chinois proviennent de riches exilés ouïghours parrainés par les agences de renseignement occidentales, et de groupes anticommunistes notoires, comme la Fondation commémorative des victimes du communisme (Victims of Communism Memorial Foundation). Ces allégations servent de propagande pour obtenir un soutien populaire aux préparatifs militaires contre la Chine et faire taire les opposants à la guerre impérialiste.

Les défenseurs auto-proclamés des Ouïghours aux parlements canadien et québécois sont restés silencieux alors que des régions riches en pétrole d’Afrique du Nord, du Moyen-Orient et d’Asie centrale étaient dévastées par les guerres de pillage conjointes de Washington et Ottawa. Ils n’avaient rien à dire sur les nombreux cas de collaboration de l’impérialisme canadien avec l’extrême-droite, que ce soit en 2004, en Haïti, lorsqu’une intervention militaire canado-américaine a aidé des bandes fascistes à renverser le président élu du pays; ou encore en 2011, lorsque le haut commandement des Forces armées canadiennes a reconnu agir en tant que «force aérienne d’Al-Qaïda» dans le bombardement de la Libye, pour ne citer que ces exemples.

L’establishment politique canadien accueille aujourd’hui le retour à Washington d’un gouvernement démocrate de droite comme la soi-disant preuve d’une démocratie résiliente. Ces mêmes démocrates, invoquant la nécessité de garder un «parti républicain fort», ont minimisé le coup de force du 6 janvier orchestré à Washington par Trump, de larges pans du parti républicain et des sections importantes de l’armée et des services de renseignement, en collaboration étroite avec des milices d’extrême-droite.

En tant que signataire de la lettre, Québec Solidaire se rallie, avec toute l’élite dirigeante québécoise, derrière la campagne anti-chinoise que déploie le Canada sous une rhétorique mensongère des «droits de l'homme».

L’appui de Québec Solidaire à Washington et Ottawa dans leur campagne belliqueuse contre la Chine est loin d’être surprenant, car il fait partie de la faction «indépendantiste» de la classe dirigeante québécoise qui a abandonné il y a longtemps ses prétentions pacifistes pour soutenir ouvertement le militarisme américain et canadien. QS est d’ailleurs resté silencieux devant l’augmentation massive des dépenses militaires canadiennes (70% sur dix ans) qui servira notamment à financer l’achat de nouveaux avions de chasse et navires de guerre.

Cet appui est la conséquence de l’orientation nationaliste et procapitaliste de Québec Solidaire en tant que parti des classes moyennes aisées. Comme les autres organisations de la pseudo-gauche au niveau international, QS appuie «l’impérialisme des droits de l’homme», c’est-à-dire les efforts des États-Unis, du Canada et d’autres grandes puissances pour invoquer de manière sélective des violations réelles ou inventées des droits de l’homme afin de couvrir le caractère prédateur et réactionnaire de leurs interventions dans le monde.

- En 2006, invité à un congrès du NPD, QS a refusé d’appuyer une résolution réclamant le retrait des troupes canadiennes de l’Afghanistan, en déclarant: «‬si nos soldats peuvent aider à protéger les Afghans et aider à la reconstruction,‭ ‬soit‭».‬

- En 2011, Amir Khadir, alors député de QS, a appuyé le bombardement de la Libye par l’OTAN qui a jeté le pays dans une guerre civile sanglante qui se poursuit jusqu’à ce jour. «Si vraiment les Occidentaux veulent aider, ça implique des risques», avait-il déclaré.

- En 2014 et après, alors que les États-Unis orchestraient, avec le plein appui d’Ottawa, le renversement du gouvernement ukrainien par un putsch organisé avec des groupes fascistes, QS reprenait la propagande de Washington, d’Ottawa et de l’Union européenne, qui qualifiait la Russie d’«agresseur».

Au cœur du programme de QS se trouve l’appel nationaliste réactionnaire pour la formation d’une république capitaliste du Québec. En 2019, QS adoptait officiellement la position qu’un Québec indépendant devrait se doter d’une armée. Parmi les raisons invoquées pour justifier cette position militariste, QS faisait valoir que «la montée en puissance de pays susceptibles de rivaliser avec les États-Unis comme la Chine risque de créer énormément d’instabilité» et qu’une «force défensive» était nécessaire dans un contexte de «luttes de pouvoir entre grandes puissances».

Loin de donner voix au profond sentiment antiguerre qui règne dans la population, QS utilise sa fausse image de «gauche» pour alimenter le chauvinisme national et aider ainsi Washington et Ottawa à cacher leurs véritables buts de guerre et entraîner les travailleurs sur le chemin de la conflagration nucléaire.

Ayant dévasté des pays entiers – tels que l’Irak, la Lybie et la Syrie – et créé des millions de déplacés, Washington et ses alliés européens et canadiens attisent aujourd’hui le chauvinisme à l’endroit des réfugiés et des migrants pour détourner l’attention des inégalités sociales grandissantes et justifier la poursuite de leurs opérations impérialistes à travers le monde.

Depuis plus d’une décennie, l’élite dirigeante québécoise joue un rôle particulièrement réactionnaire dans ce processus avec un virulent discours anti-musulman, auquel Québec Solidaire accorde une couverture «de gauche» en le qualifiant de débat «légitime» et même «nécessaire». Le fait que les Ouïghours soient majoritairement musulmans confère un aspect hautement hypocrite à la position prise par QS et l’ensemble de la classe dirigeante québécoise, qui cherche à couvrir ses traces en feignant de venir à leur secours.

Les positions pro-impérialistes de QS n’ont rien de nouveau en ce qui concerne la pseudo-gauche québécoise, qui était largement représentée au sein de la coalition arc-en-ciel qui préconisait le «oui» lors du référendum de 1995 sur l’indépendance du Québec. Le camp du «oui» mettait de l’avant un programme explicitement de droite, y compris l'intégration d'un Québec indépendant à des alliances clés menées par l’impérialisme américain telles que l'OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique nord), l’ALÉNA (Accord de libre-échange nord-américain) et NORAD (Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord).

On retrouvait au sein cette coalition: le Parti québécois de Jacques Parizeau; le Bloc Québécois mené par l'ex-ministre conservateur Lucien Bouchard; l'ADQ (Action démocratique du Québec) de Mario Dumont, un parti populiste de droite qui a été absorbé par la CAQ de l’actuel premier ministre François Legault; les centrales syndicales; et plusieurs éléments en vue de la pseudo-gauche, y compris les pseudo-trotskystes de Gauche socialiste et la féministe Françoise David, qui allaient ensuite jouer un rôle clé dans la formation de QS.

Avec la montée de l'opposition au sein de la classe ouvrière, suite à des décennies d'austérité et à la réponse désastreuse de la classe dirigeante à la pandémie de Covid-19, QS veut maintenant prouver à la classe dirigeante qu'elle peut lui faire confiance pour étouffer l’opposition montante et couvrir le tournant militariste anti-chinois du Canada du voile hypocrite des «droits de l’homme».

C'est un phénomène international: tous les partis cousins de QS se rangent derrière le programme militariste de leur classe dirigeante.

En Grèce, SYRIZA avait établi une alliance avec les Grecs indépendants, un parti très proche de l'armée, lorsqu'il a pris le pouvoir en 2015, avant d’imposer une austérité encore pire que ses prédécesseurs. En Allemagne, le programme de réarmement massif mené par la chancelière Angela Merkel est pleinement appuyé par Die Linke (La Gauche). En Espagne, PODEMOS, qui est au pouvoir avec le PSOE social-démocrate, appuie le maintien des bases militaires américaines sur le sol espagnol. Et la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon appuie le retour du service militaire obligatoire.

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