Comment la science démolit la fiction de droite selon laquelle une «fuite de laboratoire» de Wuhan serait à l'origine du coronavirus

Deuxième partie d'une série de trois

Ceci est la deuxième partie d'une série de trois articles. La première partie peut être consultée ici, et la troisième partie, ici.

Glossaire

Dans un souci de clarté, étant donné qu’une grande partie de la discussion qui suit comprend une terminologie scientifique, encore plus obscurcie par la sténographie des fils Twitter et d’autres échanges en ligne, un glossaire des principaux termes et abréviations peut être utile au lecteur.

  • ACE2: Enzyme de conversion de l’angiotensine II, une enzyme présente à la surface de nombreuses cellules humaines, ciblée par la protéine de spicule du SRAS-CoV-2
  • CTCCTCGGCGGG: Lettres désignant une chaîne particulière des quatre nucléotides qui composent tout le matériel génétique de base, comme les acides aminés
  • FCS: Site de clivage de la furine, un point de la protéine de spicule du SRAS-CoV-2 où la protéine peut facilement être divisée par une protéase appelée furine, ce qui l’aide à envahir les cellules de l’hôte humain
  • MERS-CoV: Virus à l’origine de la pandémie du syndrome respiratoire du Moyen-Orient en 2012
  • Protéase: Enzyme qui aide les protéines à se décomposer en composants plus petits; la furine en est une
  • nCoV2019: Un premier acronyme qui désignait le virus maintenant appelé SRAS-CoV-2
  • RaTG-13: Virus de la chauve-souris découvert dans des grottes de la province du Yunnan en Chine, génétiquement similaire au SRAS-CoV-2, mais pas un précurseur, malgré les affirmations des partisans de la théorie du complot
  • RRAR: Séquence d’acides aminés présente dans certains virus
  • Limite S1/S2: Point de la protéine de spicule du SRAS-CoV-2 où se trouve le site de clivage de la furine afin de diviser la protéine le plus efficacement possible
  • SRAS-CoV-1: Virus à l’origine de la pandémie de SRAS en 2002 qu’on a largement maîtrisé
  • SRAS-CoV-2: Virus à l’origine du COVID-19
  • IVW: Institut de virologie de Wuhan, le laboratoire où la Dre Shi Zhengli a mené des recherches sur les coronavirus de chauve-souris

Le Dr Kristian Andersen

En ce qui concerne le Dr Kristian Andersen et ses explications sur les travaux qu’il a menés sur le SRAS-CoV-2 et les conclusions scientifiques auxquelles il est parvenu, les informations ci-dessous sont reconstituées à partir des fils de discussion Twitter qu’il a publiés lors de discussions avec d’autres scientifiques et le public en général. Les éléments qu’il a présentés, qui n’ont jamais été rapportés par la presse grand public, apportent des réponses détaillées aux questions et aux préoccupations scientifiques fondamentales soulevées.

Le 6 juin, le compte Twitter du Dr Andersen a été inexplicablement désactivé. Selon un reportage de Newsweek du 7 juin, «le Dr Andersen a retiré sa page de la plateforme de médias sociaux après la publication d’échanges de courriels entre lui et le Dr Fauci».

Cela fait référence à la tempête de distorsions de la droite dans lequel les discussions initiales entre scientifiques sur les origines du virus, qui incluaient la considération, comme une hypothèse, d’une fuite en laboratoire, étaient présentées comme la preuve que l’hypothèse de la fuite en laboratoire avait été délibérément étouffée pour des raisons politiques, plutôt qu’écartée parce qu’elle ne correspondait tout simplement pas aux faits.

Andersen est resté ferme sur l’origine naturelle du virus SRAS-CoV-2 depuis ses travaux sur la question au début de la pandémie, qui ont abouti au rapport critique «Proximal Origins» publié dans Nature Medicine en mars 2020.

Dans le contexte de ses précédentes réponses franches et ouvertes, on peut supposer que cet acte d’autocensure a été accompli sous l’influence de pressions extrêmes auxquelles il a dû faire face de la part des médias et de l’establishment politique. Le contraste est frappant entre la promotion médiatique de Wade, un partisan déclaré du racisme pseudoscientifique, et le bâillonnement d’Andersen, une autorité de premier plan dans le domaine de la virologie.

Les fils de discussion cités ci-dessous ont été copiés et enregistrés par cet auteur en prévision d’un tel événement.

Dans l’un de ces échanges sur Twitter, le Dr Anderson a répondu à Roger Pielke Jr, professeur d’études environnementales à l’Université du Colorado à Boulder qui commentait les spéculations initiales d’Andersen sur une origine de laboratoire. Le Dr Andersen a expliqué que lorsqu’il avait initialement trouvé le génome du SRAS-CoV-2 incohérent du point de vue de la théorie de l’évolution, cela signifiait que «nous pensions, à première vue, que le virus pouvait avoir été conçu ou manipulé. Il s’avère que les données suggèrent le contraire: ce qui est la conclusion de notre article».

Un document enregistré mérite une citation plus complète. Le Dr Andersen a écrit: «Suite aux courriels que j’ai envoyés au Dr Fauci au début de 2020 au sujet du SRAS-CoV-2 (nCoV), quelques questions importantes ont été soulevées: 1) Qu’est-ce qui vous a semblé être conçu? 2) Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis?»

Sa réponse à la question 1:

Pour nos études préliminaires, les données étaient très limitées. Nous ne disposions que d’une dizaine de génomes de Wuhan et le génome de RaTG13 n’était pas encore disponible, pas plus que les gènes du CoV des pangolins (on a supposé que ces animaux pouvaient être l’hôte intermédiaire du SRAS-CoV-2). Nous étions parfaitement au courant des recherches sur le CoV en cours au IVW. Le virus du SRAS-CoV-2 présentait des caractéristiques qui nous semblaient uniques et qui, à l’époque, n’avaient pas de précurseur évolutif immédiat évident.

Ces caractéristiques étaient les suivantes. 1) le site de clivage de la furine (unique dans le sous-genre des sarbecovirus auquel appartient le SARS-CoV-2, bien qu’il soit présent dans plusieurs bêtacoronavirus, le genre du SARS-CoV-2); 2) le domaine de liaison au récepteur du SARS-CoV-2 (unique à l’époque et notre modélisation suggérait qu’il pourrait être un ACE2 humain fort, mais pas parfait); 3) une enzyme de restriction BAMHI unique, suivie d’un niveau de conservation plus élevé vers la fin de la protéine de spicule; et 4) quelques autres résidus jugés importants d’après les recherches sur le SARS-CoV-1.

Quelques points explicatifs concernant la discussion ci-dessus.

Premièrement, bien que le site de clivage de la furine soit unique pour un virus comme le SRAS-CoV-2, un tel site est nécessaire pour de nombreuses maladies virales, notamment le VIH, le virus Ebola et même la grippe. On a découvert que le MERS-CoV possédait un tel site, ce qui pourrait expliquer la nature hautement létale d’une infection par ce virus. Une analyse phylogénétique récente, réalisée par Suwen Zhao et Yiran Wu dans la revue Stem Cell Research, a révélé que les sites de clivage de la furine situés dans la portion de la spicule du génome sont apparus indépendamment plusieurs fois au cours de leur évolution. Cela soutient la conception de l’origine naturelle. Il a été supposé que ces sites peuvent rendre le virus plus transmissible. Lorsqu’ils l’ont constatée pour la première fois, cette découverte unique a suscité leur inquiétude.

Ensuite, Andersen a noté que, même si le virus ne se liait pas efficacement au récepteur ACE2 humain, la liaison était suffisamment forte pour susciter leur intérêt quant à une éventuelle bio-ingénierie. Par la suite, le Dr Edward Holmes, de l’Université de Sydney, a découvert des virus similaires au SRAS-CoV-2 qui peuvent se lier faiblement aux récepteurs ACE2 humains sans qu’un site de clivage de la furine soit nécessaire.

Représentation graphique du site de clivage de la furine dans le SRAS-CoV-2 en comparaison avec le même emplacement dans les coronavirus de la chauve-souris et du pangolin.

Nicholas Wade et plusieurs autres partisans de la fuite du laboratoire ont évoqué le site de clivage de la furine pour suggérer qu’il s’agit là des caractéristiques de manipulations calculées. La furine est une enzyme/protéine particulière chez l’homme qui coupe des sections spéciales dans d’autres protéines pour les activer. Le virus du SRAS-CoV-2 contient un tel site sur sa protéine de spicule. Lorsque cette coupure se produit, elle permet au virus de se transformer en sa forme active, de se lier au récepteur ACE2 et de pénétrer dans les cellules de l’hôte. Les théoriciens de la conspiration suggèrent que le site de clivage de la furine a été inséré «en douce» dans un précurseur, le virus de la chauve-souris RaTG13, pour créer le SRAS-CoV-2.

Voyons ce qu’a déclaré le Dr Andersen dans un autre fil Twitter à ce sujet:

Le site de clivage de la furine du SRAS-CoV-2 fait à nouveau la une des journaux, cette fois en raison d’une citation du lauréat du prix Nobel, David Baltimore. Le site n’est pas une «preuve tangible», et ne constitue pas non plus un «problème de taille pour l’idée d’une origine naturelle». Le site de clivage furine (FCS)/polybasique est présent dans le SRAS-CoV-2 à la jonction S1/S2 de la protéine de spicule, là où il assure la coupure (par la protéase hôte furine, entre autres) de la pointe, nécessaire à l’infection des cellules.

Le FCS a été créé par une insertion hors cadre de «CTCCTCGGCGGG» créant la séquence d’acides aminés «(P)RRAR», qui constitue un site de clivage polybasique sous-optimal, important pour l’extension de la gamme d’hôtes du SRAS-CoV-2, sa transmission et sa pathogenèse, etc. Les FCS sont abondants, et sont notamment très répandus dans les coronavirus. Si le SRAS-CoV-2 est le premier exemple de virus du SRAS doté d’un FCS, d’autres bêta-coronavirus (le genre du SRAS-CoV-2) possèdent des FCS, notamment le MERS et le HKU1.

Il n’y a rien de mystérieux dans le fait de disposer d’un «premier exemple» de virus doté d’un FCS. Les virus échantillonnés à ce jour ne nous donnent qu’une infime partie de tous les virus circulant dans la nature. Des fragments – tels que le CTCCTCGGCGGG – apparaissent et disparaissent sans cesse.

Nucléotides, codons et acides aminés

En bref, pour expliquer le tweet ci-dessus, toutes les cellules vivantes ou les virus qui utilisent la machinerie des cellules vivantes doivent traduire le matériel génétique de leur ADN ou ARN en protéines. Les quatre nucléotides de base représentent les éléments constitutifs du matériel génétique, ou les lettres, permettant d’épeler la protéine à créer. C signifie «cytosine», A signifie «adénine», G signifie «guanine» et T signifie «thymine». Un cinquième nucléotide est l’uracile, utilisé dans l’ARN.

Un triplet de nucléotides constitue un «codon» qui désigne un acide aminé. Le triplet de nucléotides peut être séquencé sous différentes formes. Par exemple, l’acide aminé «alanine», désigné par le symbole A, peut être fabriqué par une combinaison de GCT, GCC, GCA ou GCG. Au total, 20 acides aminés sont utilisés comme éléments constitutifs de toutes les protéines. Ce sont essentiellement les composants utilisés par les cellules pour créer les protéines et les enzymes dont elles ont besoin pour mener à bien leurs fonctions biologiques.

La séquence de nucléotides mentionnée par le Dr Andersen conduit à des séquences d’acides aminés désignées par les lettres RRAR (ici R est «arginine» et A est «alanine»). Au début de l’épidémie mondiale de COVID-19, les questions se sont concentrées sur cette séquence, laissant soupçonner un virus généré en laboratoire.

Le Dr William Gallaher de la LSU Health New Orleans School of Medicine, professeur émérite du département de microbiologie, a fourni l’explication suivante en février 2020, qui s’aligne sur les réponses fournies par le Dr Andersen.

Je ne vois aucune preuve à l’appui d’une telle affirmation. En revanche, j’ai étudié la question en détail, en utilisant la séquence RaTG13 et Wuhan à la limite S1/S2. Je trouve des preuves convaincantes pour la conclusion précisément inverse: que le RaTG13 ne peut PAS être une source proximale du virus Wuhan.

Il poursuit en expliquant:

On doit considérer que le PRRA est une séquence inhabituelle à introduire pour générer un site de furine: d’autres, même parmi les coronavirus comme le MHV A59, sont tellement mieux. De plus, le code sous-jacent CCTCGGCGGGCA introduit une région inutilement riche en G et C là où il n’y en a pas. Ce ne sont pas des scénarios probables pour quelqu’un qui manipulerait ces gènes. Ensuite, si l’on considère l’alignement réel de l’ARN, l’insertion n’est en fait pas dans le cadre, mais CTCCTCGGCGGG, ou -2 hors cadre [voir les commentaires du Dr Andersen ci-dessus]. Qui agirait de la sorte?

Cela implique que le site de clivage de la furine présent dans le SRAS-CoV-2, malgré l’affirmation de Wade, est suffisamment maladroit et inefficace dans sa construction pour qu’un «jockey du gène» n’utilise pas une telle construction pour fabriquer un site de clivage de la furine à partir de zéro.

Un échange entre Benjamin Mateus et Kristian Andersen

Il a également noté à l’époque que le RaTG13 et le SARS-CoV-2 étaient suffisamment divergents pour que le RaTG13 ne puisse pas être la «source proximale du nCoV2019».

Conclusion du Dr Gallaher:

Étant donné que des signaux de clivage de la furine sont présents chez d’autres coronavirus exactement à cet endroit de la région limite S1/S2, cela semble seulement inhabituel, surtout dans le contexte du SRAS. La prépondérance de la preuve, associée au rasoir d’Occam (qui veut que l’on préfère l’explication la plus simple), indique que la séquence PRRA a été conservée dans le nCoV2019 à partir d’un virus ancêtre très ancien. Elle n’est pas d’origine suspecte. La séquence de virus de chauve-souris la plus proche n’est pas proche du tout.

La méthode scientifique contre les théories du complot

En ce que concerne la réponse du Dr Andersen à la question 2:

Toutes les caractéristiques du SRAS2 qui, pour nous, suggéraient une possible ingénierie ont été identifiées dans des CoVs apparentés au cours du premier semestre 2020, ce qui a largement invalidé notre hypothèse précédente d’ingénierie et a au contraire renforcé l’argument d’une origine naturelle. Dans les jours qui ont immédiatement suivi mon courriel au Dr Fauci, des données supplémentaires ont été publiées (ou nous avons appris leur existence), notamment le génome complet du RaTG13.

À la suite à notre analyse préliminaire, nous avons effectué des recherches beaucoup plus approfondies à la fois sur le RaTG13 et sur les génomes d’autres CoV afin de comparer la diversité génomique de manière plus générale entre les CoV. Nous avons examiné toute la documentation du IVW, étudié les squelettes de virus communs et les techniques de clonage moléculaire et cellulaire utilisées au IVW et à l’UNC, étudié les ensembles de données de séquence produits par l’IVW et l’ECOHEALTH, et effectué des analyses de recombinaison et des analyses basées sur le KMER (études phylogéniques) sur le SRAS-CoV-2. Nous avons également dû tenir compte de nombreuses considérations sur les probabilités liées à l’émergence du virus, à la découverte-capture du virus, à la manipulation du virus, à l’évasion du laboratoire, etc. De nombreuses analyses ont été réalisées en quelques jours et nous ont permis de rejeter assez rapidement notre hypothèse préliminaire selon laquelle le SRAS-CoV-2 aurait pu être conçu en laboratoire.

Il s’agit d’un exemple classique de la méthode scientifique, où une hypothèse préliminaire est rejetée en faveur d’une hypothèse concurrente à mesure que des données supplémentaires sont disponibles et que les analyses sont terminées. Pourtant, des analyses plus approfondies et des données supplémentaires significatives ont conduit à des conclusions scientifiquement soutenues dans notre article sur l’«origine proximale», une étude examinée par des pairs et publiée dans Nature-Medicine en mars 2020. En raison des limitations de longueur et de nombre de citations pour le format de l’article, toutes les analyses effectuées n’ont pas pu être décrites et tous les articles pertinents, référencés.

La réponse d’Andersen dans ses tweets exprime, dans une mesure considérable, sa tentative de lutter pour la vérité scientifique et ses méthodes en s’attaquant aux tentatives répétées de scientifiques politiquement motivés utilisant leur accès à la presse bourgeoise pour mettre en avant leurs conclusions non révisées et biaisées, qui ont des conséquences géopolitiques dangereuses.

Par exemple, le Wall Street Journal a publié le 6 juin un article d’opinion de Stephen Quay et Richard Muller, qui ont écrit: «Le Parti communiste chinois se trouvait peu disposé à publier des informations pertinentes. Des rapports basés sur les renseignements américains ont suggéré que le laboratoire collaborait à des projets avec l’armée chinoise». En fait, les renseignements américains n’ont avancé que des hypothèses basées sur des preuves de faible niveau, ce qui signifie que celles-ci restent du domaine de la spéculation.

Le duo continue en écrivant:

Dans le cadre de la recherche sur le gain de fonction [que la Dre Shi a catégoriquement nié avoir mené] un microbiologiste peut augmenter énormément la létalité d’un coronavirus en faisant l’épissage d’une séquence spéciale dans son génome à un emplacement de choix. Cette opération ne laisse aucune trace de manipulation. Mais elle modifie la protéine de spicule du virus, ce qui lui permet d’injecter plus facilement du matériel génétique dans la cellule victime. Depuis 1992, au moins 11 expériences distinctes ont été menées pour ajouter une séquence spéciale au même endroit. Le résultat final a toujours été des virus ultraperformants.

Dans le cas de l’augmentation à gain de fonction, d’autres séquences auraient pu être épissées sur ce même site. Au lieu d’un CGG-CGG (connu sous le nom de «double CGG») qui indique à l’usine de protéines de fabriquer deux acides aminés arginine à la suite, on obtiendra une létalité égale en épissant l’une des 35 autres combinaisons de deux mots pour la double arginine. Si l’insertion a lieu naturellement, par exemple par recombinaison, l’une de ces 35 autres séquences a beaucoup plus de chances d’apparaître; le CGG est rarement utilisé dans la classe des coronavirus qui peuvent se recombiner avec le CoV-2.

Une fois de plus, la question du site de clivage de la furine (FCS) réapparaît.

En réponse à Quay et Muller, le Dr Andersen a répondu: «Le FCS lui-même n’est pas un site optimal (pour le clivage) et n’a jamais été utilisé auparavant dans des expériences sur les CoV, à ma connaissance – contrairement à des sites plus optimaux, qui ont été insérés dans les CoV du SRASr pour la recherche fondamentale».

Le FCS est-il une «preuve tangible»?

Le Dr Andersen reprend également les propos du Dr David Baltimore, lauréat du prix Nobel et biologiste, largement cité par les défenseurs de la «fuite en laboratoire», lorsqu’il a qualifié ces résultats génétiques de «preuve tangible» démontrant une manipulation en laboratoire. Il a complété cette affirmation en déclarant que «ces caractéristiques remettent fortement en question l’idée d’une origine naturelle du SRAS-CoV-2».

Mais plus récemment, selon le Guardian, le Dr Baltimore est revenu sur sa déclaration en tentant d’adopter une position plus équilibrée pour protéger sa réputation. Dans un échange de courriels avec le Los Angeles Times, il a écrit: «J’aurais dû adoucir l’expression “preuve tangible” parce que je ne crois pas que cela prouve l’origine du site de clivage de la furine, mais cela y ressemble. Je pense que la question de savoir si la séquence a été insérée naturellement ou par manipulation moléculaire est très difficile à déterminer, mais je n’exclurais aucune des deux origines.» Dans la revue Nature, il a affiné sa position: «d’autres possibilités existent, et elles doivent être examinées attentivement, c’est tout ce que je voulais dire».

En replaçant ces rétractations dans leur contexte, le Guardian a écrit: «Compte tenu de sa réputation considérable, la citation spectaculaire de Baltimore de “preuve tangible” au début du mois de mai avait suscité une grande partie du regain d’intérêt pour la théorie de la fuite du laboratoire de Wuhan, tout comme les affirmations non vérifiées des services de renseignement selon lesquelles trois membres du personnel de l’Institut de virologie de Wuhan avaient été hospitalisés en novembre 2019 avec des symptômes compatibles avec le COVID-19 ou la grippe saisonnière».

Poursuivant avec les commentaires du Dr Andersen, qui réfutent le commentaire initial du Dr Baltimore et élaborent, bien que dans une brève explication très technique, pourquoi le brouhaha sur les sites de clivage de la furine est-il entièrement erroné:

Cependant, le même FCS que celui trouvé dans le SRAS-CoV-2 peut être trouvé dans différents virus, y compris le coronavirus félin (FCoV), qui est un alphacoronavirus. Le FCS n’est pas optimal et, bien qu’il soit «suffisant» pour le «succès» du SRAS-CoV-2 en tant que virus pandémique, le site n’est pas idéal tel que défini par le FCS standard R-X-K/R-R observé dans de nombreuses protéines (virales et autres). Cependant, il est important de noter qu’au cours du dernier mois, nous avons commencé à voir le [FCS] du CoV muter vers des résidus qui crée des sites de furine plus optimaux: P681H et, surtout, P681R, qui se trouvent dans B.1.1.7 et B.1.617.x, ce qui suggère que le virus pourrait évoluer vers une utilisation plus efficace du site.

Ainsi, le premier point de Baltimore, à savoir que le FCS trouvé dans le SRAS-CoV-2 est en quelque sorte inhabituel, est tout simplement incorrect. Les FCS sont présents dans une multitude de coronavirus différents, les indels [terme de biologie moléculaire qui désigne une insertion ou une délétion de ces nucléotides dans le génome] vont et viennent fréquemment, et le même (P) RRAR peut être trouvé dans d’autres coronavirus.

Maintenant, les codons. Ici, Baltimore (et Quay/Muller) parle des deux codons qui codent pour les deux premières arginines (R) suivant le P: CGG. Le codon CGG est rare dans les virus, car il s’agit d’un exemple de site «CpG» non méthylé qui peut être lié par TLR9, entraînant l’activation des cellules immunitaires. Cependant, malgré leur rareté, les codons CGG sont présents dans tous les coronavirus, bien qu’à une faible fréquence. Plus précisément, parmi tous les codons arginine, le CGG est utilisé à ces fréquences dans ces virus: SRAS: 5 pour cent, SRAS2: 3 pour cent, SRASr: 2 pour cent, ccCoVs: 4 pour cent, HKU9: 7 pour cent, FCoV: 2 pour cent. Rien d’inhabituel ici.

Un dernier point concernant les codons CGG dans le FCS: s’ils étaient en quelque sorte «contre nature», nous verrions le SARS-CoV-2 évoluer en s’éloignant du CGG pendant la pandémie en cours. Nous disposons de plus d’un million de génomes à analyser, alors que constatons-nous si nous examinons les mutations synonymes au site «CGG_CGG»? Une stabilité remarquable. Plus précisément, CGG est conservé à 99,87 pour cent dans le premier codon et à 99,84 pour cent dans le second. C’est une preuve très forte que le SRAS-CoV-2 «préfère» CGG dans ces positions.

Ainsi, le deuxième point de Baltimore est également faux, ce qui invalide son hypothèse selon laquelle le «FCS… avec ses codons arginine… était une preuve tangible de l’origine du virus [en laboratoire]». Baltimore ne fournit aucune preuve à l’appui de son hypothèse et les données confirment une origine naturelle.

Est-ce que cela réfute l’existence d’une fuite en laboratoire? Non. Cependant, cela réfute l’existence d’une «preuve tangible» dans le FCS et apporte des preuves supplémentaires de l’émergence naturelle, mais cela ne prouve pas non plus ce scénario. À ce jour, nous n’avons encore vu aucune preuve scientifique de l’existence d’une fuite en laboratoire. [C’est nous qui soulignons.]

En réponse à la question du WSWS concernant les affirmations des scientifiques sur la stabilité génétique du SRAS-CoV-2 chez l’homme, le Dr Andersen a expliqué: «Lorsqu’il [le SRAS-CoV-2] est apparu, il est incorrect de dire qu’il était “bien adapté à l’homme”. Nous le savons parce que: 1) l’émergence de variants préoccupants et l’adaptation à l’homme sont en cours, 2) le virus peut sauter d’une espèce à l’autre sans évolution, par exemple chez le vison, et 3) les CoV du pangolin se lient encore plus fortement aux récepteurs ACE2 de l’homme».

À suivre...

(Article paru en anglais le 22 juin 2021)

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