Espagne : les morénistes d’Izquierda Diario gardent le silence sur le jugement dénonçant les confinements anti-COVID-19

Le CRT moréniste (Courant révolutionnaire des travailleurs) a réagi avec une totale indifférence au jugement réactionnaire de la Cour constitutionnelle espagnole déclarant que les mesures de confinement COVID-19 du printemps 2020 étaient inconstitutionnelles. Son quotidien en ligne Izquierda Diario n’en a absolument pas parlé.

La Cour constitutionnelle avait jugé le mois dernier que les restrictions mises en place pour stopper la propagation du coronavirus dépassaient le cadre de l'état d'alarme, le mécanisme juridique utilisé pour imposer des mesures de distanciation sociale telles que les confinements. Le recours avait été déposé par le parti d’extrême droite Vox.

Des gens masqués pour se protéger contre la propagation du coronavirus dans une rue commerçante du centre-ville de Madrid, en Espagne, le samedi 5 juin 2021. (AP Photo/Manu Fernandez)

Le WSWS a noté l'importance de cette décision. Nous avons écrit (article en anglais): « La décision prise en Espagne représente une escalade de la politique d'« immunité collective » menée par l'ensemble de la bourgeoisie européenne. Cette politique consistant à maintenir les travailleurs à des postes de travail non essentiels, permettant au virus de se propager afin d'éviter tout ralentissement du flux des profits vers la grande entreprise, entraînera des milliers de décès supplémentaires dus au COVID-19. Cela fut le plus crûment exprimé par le Premier ministre britannique Boris Johnson, qui aurait demandé l'année dernière selon une fuite d’une réunion privée de son cabinet: « Plus aucun putain confinement – que les corps s’entassent par milliers. »

Le signal de la classe dirigeante est clair: il n'y aura aucune mesure limitant la propagation du virus qui mettrait en péril l'accumulation des profits.

Quelques jours après la décision, un certain nombre de mesures limitées réintroduites au niveau régional pour arrêter la propagation du virus ont été suspendues. La Cour supérieure de justice des îles Canaries, une région attirant le tourisme européen de masse, a suspendu la mesure du gouvernement régional obligeant restaurants, hôtels et gymnases à exiger des clients des attestations COVID-19. Dimanche, la Cour supérieure de justice des Asturies a rejeté un couvre-feu entre 1h00 et 6h00 du matin dans diverses villes et villages des Asturies, où le virus sévit.

Les deux régions sont à risque extrême de contagion, ayant dépassé les 350 cas pour 100 000 habitants pendant sept jours consécutifs alors que les hôpitaux sont de plus en plus bondés.

La cinquième vague a jusqu'à présent infecté 500 000 personnes, principalement des personnes âgées de 12 à 29 ans, entraînant la mort évitable de près de 500 personnes. La semaine dernière, 98 personnes sont mortes du virus. C'est pratiquement le double des 50 décès hebdomadaires signalés la semaine précédente et le triple des 32 décès d'il y a trois semaines. Cela devrait augmenter dans les prochains jours.

Le CRT moréniste – qui fut totalement indifférent ( article en anglais) en avril dernier lorsque le gouvernement du Parti socialiste (PSOE)-Podemos a annoncé qu'il mettait fin à toutes les mesures de distanciation sociale, qui ont maintenant provoqué la vague actuelle d'infections – est resté totalement silencieux sur cette dernière décision.

Son dernier article sur la situation du COVID-19, publié le 16 juillet, « Nouvelle vague d'infections face à l'épuisement des soins de santé publics », ne disait rien de la décision réactionnaire de la Cour constitutionnelle annoncée deux jours auparavant. Cet article, remarquablement, a été écrit il y a près de trois semaines.

Comme d'habitude, le CRT attribue la propagation du virus uniquement au refus des gouvernements régionaux et fédéral d’investir suffisamment dans le système de santé public. Il écrit: « La situation [de la cinquième vague] n'était pas non plus imprévisible. Comme lors des quatre vagues précédentes, le rebond a commencé à se faire sentir dans les services de soins primaires et de santé publique […] Cependant, ni le gouvernement PSOE/Podemos ni les gouvernements régionaux n'ont renforcé le système de santé public ».

Une autre raison expliquant la propagation du virus, selon le CRT, est le « refus des gouvernements de supprimer les brevets sur les vaccins », qui, selon lui, a permis « à la pandémie de développer de nouveaux variants qui augmentent l'infectiosité du virus, qui à leur tour ont perturbé les plans de vaccination du gouvernement ».

La vaccination de masse et le renforcement des systèmes de santé publique sont clairement vitaux, comme a insisté pour le dire le WSWS. Cependant, ils ne représentent qu'une composante de ce qui doit être un effort mondial pour éradiquer le virus, ainsi que d'autres mesures comme le port du masque, la distanciation sociale et les tests de masse.

Les omissions du CRT sur la distanciation sociale et les confinements en tant que politique scientifique nécessaire contre le virus et son silence sur la décision de la Cour constitutionnelle ne sont pas un hasard. Pendant la pandémie, les morénistes se sont systématiquement opposés aux mesures de distanciation sociale, réagissant de manière ambivalente aux souffrances et à la mort infligées principalement à la classe ouvrière en raison de la gestion criminelle de la pandémie par l'élite dirigeante. Tout en se posant comme un critique de la politique du gouvernement capitaliste PSOE-Podemos, leur position s'aligne en réalité sur celle de la classe dirigeante dans tous ses fondamentaux.

En fait, si le CRT était honnête, il dirait qu'il est d'accord avec le recours en justice du parti d'extrême droite Vox et la décision de la Cour constitutionnelle. En janvier dernier, le CRT a intensifié son agitation contre la distanciation sociale. Izquierda Diario a publié un article, sarcastiquement intitulé « Plus de restrictions, la recette pour affronter la troisième vague », dénonçant les mesures sanitaires publiques vitales, telles que les confinements et la distanciation sociale, comme « autoritaires et palliatives ».

« Comme s'il s'agissait d'un robinet », ont déclaré les morénistes, « ils [le gouvernement PSOE-Podemos] limitent nos libertés et nos mouvements comme bon leur semble ». Un tel langage faisait écho à celui de Vox, qui qualifiait les confinements de la « plus grande atteinte aux droits de l'histoire ».

Cela suivait la défense de la réouverture des écoles par la CRT. En septembre (article en espagnol) dernier, alors que Madrid décidait de rouvrir les écoles même si cela impliquait une propagation rapide du virus, le CRT appela à un retour « sûr » dans les écoles, tout en reconnaissant que la sécurité des enseignants et des élèves « ne peut être garantie ».

En mai (article en espagnol), alors que le gouvernement PSOE-Podemos mettait fin à l'état d'alarme – le mécanisme juridique désormais repoussé par la Cour constitutionnelle et permettant aux gouvernements régionaux d'imposer des mesures sanitaires, comme des fermetures, des couvre-feux et des restrictions de déplacements – le CRT n'a fait aucune critique de cette mise en danger irresponsable de la vie de millions de travailleurs en Espagne. Il a au contraire refusé d’avertir du grave danger toujours posé par COVID-19. Il n'a pas non plus exigé des efforts continus pour lutter contre la pandémie.

Aujourd'hui, au milieu de la cinquième vague, l'intervention la plus importante du CRT a été de lancer une campagne politiquement criminelle visant à encourager les jeunes à retourner dans les boîtes de nuit et les bars. Malgré les risques sanitaires évidents posés par la réouverture de ces établissements, il a activement agité pour qu’ils restent ouverts et a encouragé leur fréquentation, affirmant que « les jeunes ont le droit de s'amuser ». L'un de ses articles déclarait: « Il est temps d'exiger un retour en toute sécurité de la vie sociale, culturelle et éducative. »

Un jeune représentant du CRT a été invité à la télévision publique aux heures de grande écoute en Catalogne pour faire campagne pour « des tests antigéniques et des mesures pour reprendre en sécurité la nécessaire socialisation ».

Le silence de la CRT sur la décision de justice reflète les intérêts matériels de classe sur lesquels se fonde cette tendance. Il parle au nom des couches aisées de la classe moyenne supérieure et des bureaucrates syndicaux, dont les positions et les modes de vie dépendent du mouvement haussier des marchés boursiers et de l'exploitation des travailleurs. Ces intérêts sont alignés sur les exigences de la Cour constitutionnelle, du gouvernement PSOE-Podemos et Vox contre les mesures sanitaires publiques.

Contre les politiques réactionnaires et anti-scientifiques du CRT et d'autres organisations de la pseudo-gauche, le Comité international de la Quatrième Internationale a toujours lutté pour la vaccination de masse, dans le cadre d'une lutte mondiale pour éradiquer le virus, par le port du masque, la distanciation sociale, les tests et l'arrêt de la production non essentielle jusqu'à ce que toute la population mondiale soit hors de danger.

Un tel effort, comme l'exigeait la déclaration du comité de rédaction du WSWS publiée le 29 juillet, doit être payé par les milliers de milliards accumulés par les super-riches. Une telle lutte ne peut être menée que par une rupture politique d’avec tous les représentants de la pseudo-gauche, dans le cadre d'une lutte indépendante des travailleurs et des jeunes pour le socialisme en Espagne et internationalement.

(Article paru en anglais le 4 août 2021)

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