La campagne médiatique menée par les États-Unis pour «ouvrir» la Chine rappelle les guerres de l’opium

Une campagne médiatique très cynique, centrée sur les États-Unis, s’intensifie pour faire pression sur la Chine afin qu’elle abandonne sa stratégie «zéro Covid» qui a largement supprimé le virus à l’intérieur de ses frontières. Le flot de commentaires du mois dernier s’est transformé en déluge la semaine dernière, stimulé par la décision de gouvernements tels que l’Australie, la Nouvelle-Zélande et Singapour de mettre rapidement fin aux restrictions sanitaires.

L’offensive a été motivée par deux considérations – politique et économique. Tout d’abord, le fait que la politique scientifique du gouvernement chinois ait permis de réduire au minimum les souffrances, les maladies et les décès dus à la COVID-19 est une impressionnante condamnation de l’approche meurtrière de l’«immunité collective», notamment de celle des États-Unis.

Le navire à vapeur de l’East India Company, la Némésis, commandé par le lieutenant W. H. Hall, avec des bateaux du Sulphur, du Calliope, du Larne et du Starling, détruisant les jonques de guerre chinoises dans la baie d’Anson, le 7 janvier 1841 – peinture d’Edward Duncan

Le nombre total des décès en Chine – la plupart survenus au début de 2020, alors que le gouvernement luttait contre une maladie inconnue – est inférieur à 6.000. C’est moins que le nombre de personnes qui meurent chaque semaine aux États-Unis, malgré des taux de vaccination relativement élevés.

Les travailleurs aux États-Unis et dans le monde peuvent légitimement se demander: si la COVID-19 peut être supprimée avec succès dans le pays le plus peuplé du monde, pourquoi ces politiques ne sont-elles pas appliquées au niveau international pour éliminer ce virus mortel et hautement contagieux?

Cette question met en évidence les exigences impérieuses de l’élite financière et industrielle, qui veut que la santé et la vie de millions de personnes – en Chine et dans le monde – soient sacrifiées aux exigences du profit. L’article du New York Times de la semaine dernière, intitulé «Pourquoi la Chine est-elle le dernier pays du monde à pratiquer le “zéro covid”», part implicitement du principe qu’une politique qui a coûté la vie à plus de 700.000 Américains devrait être adoptée dans le monde entier, y compris par la Chine.

Ce n'est pas un hasard si c'est la presse financière et économique qui mène la charge pour que le gouvernement chinois s'ouvre – le Wall Street Journal, Bloomberg, le Financial Times et l'Australian Financial Review, pour n'en citer que quelques-uns.

La semaine dernière, le Wall Street Journal titrait: «La Chine s’en tient à sa politique de “Zéro-COVID”, malgré la pression croissante pour assouplir les restrictions»: «Les entreprises ont demandé un plan pour mettre fin au régime strict de lutte contre la pandémie, mettant en garde contre le coût économique croissant».

Le tribut économique sur le capitalisme mondial, en particulier sur Wall Street, est principalement ce qui préoccupe le Journal, qui met en évidence l’impact des restrictions sanitaires de la Chine sur les chaînes d’approvisionnement mondiales.

«Le fait que la Chine soit au centre de la plupart des chaînes de valeur mondiales et qu’elle applique des politiques aussi draconiennes de zéro cas a une incidence sur le dysfonctionnement des chaînes d’approvisionnement mondiales», explique Alicia García-Herrero, économiste en chef pour l’Asie-Pacifique à la banque française Natixis, au porte-parole des banquiers, gestionnaires de fonds et agents de change de Wall Street.

Si les États-Unis ne recourent pas pour l’instant à la force militaire, la campagne médiatique d’«ouverture» de la Chine rappelle les méthodes barbares employées par l’impérialisme pour imposer ses exigences à la Chine, à commencer par les guerres de l’opium menées par la Grande-Bretagne, première puissance du XIXe siècle.

Le commerce extrêmement rentable du thé, de la porcelaine et de la soie avec la Chine attirait toutes les puissances commerciales, mais l’insistance du gouvernement Qing pour qu’on paie en argent devint une charge financière intolérable. La Compagnie britannique des Indes orientales a contourné le problème en développant la culture de l’opium dans ses territoires indiens, le vendant à des commerçants privés qui le transmettaient à des contrebandiers chinois, qui l’échangeaient contre de l’argent.

Ce commerce a fait des ravages, car la consommation d’opium a augmenté de façon exponentielle, tout comme le nombre des toxicomanes. D’autres commerçants, dont Warren Delano Jr, le grand-père du président américain Franklin D. Roosevelt, se sont joints aux opérations de trafic de drogue. Les efforts infructueux de l’empereur Qing pour éradiquer la contrebande ont abouti au déploiement de troupes chinoises à Canton en 1839 pour fermer de force les usines étrangères liées au commerce de l’opium.

La première Guerre de l’opium se solde par une défaite humiliante de la dynastie Qing face à la puissance navale britannique. Le traité de Nankin de 1842 a imposé à la Chine des concessions draconiennes – la cession de Hong Kong à la Grande-Bretagne; la création de cinq ports conventionnés ouverts aux commerçants britanniques; et le paiement d’une énorme indemnité à la Grande-Bretagne. Ces ports étaient associés à des «concessions». C’est-à-dire des zones contrôlées par les autorités britanniques et occupées par les Britanniques, et non par les Chinois. D’autres puissances ont rapidement imposé leurs propres «traités inégaux» à la Chine.

Une deuxième tentative, en 1853, pour mettre fin au commerce de la drogue, financièrement ruineux et socialement dévastateur, a conduit à une deuxième guerre de l’opium. Cette dernière s’est également soldée par une défaite et une nouvelle série d’impositions humiliantes pour la Chine.

Le pillage de la Chine par les puissances impérialistes a considérablement affaibli la dynastie Qing, qui a dû faire face à d’importantes révoltes internes – la rébellion des Taiping de 1850-1864 et la rébellion des Boxers de 1899-1901, réprimée par les troupes étrangères – et a finalement été renversée par la première révolution chinoise en 1911, qui a instauré la République chinoise.

Cependant, le Kuomintang (KMT) nationaliste bourgeois et son leader Sun Yat-sen, qui devint le premier président de la Chine, se révélèrent incapables d’unifier la Chine et de mettre fin à l’oppression impérialiste. Si le pays n’a jamais été transformer en colonie, il est resté un immense terrain de pillage pour les puissances rivales.

La demande actuelle d’ouverture de la Chine trouve un autre écho dans la politique de la «porte ouverte» menée par l’impérialisme américain dans les années 1920 et 1930, dirigée en particulier contre le Japon après son invasion de la Mandchourie en 1931 et contre toute la Chine en 1937. La politique de la «porte ouverte» n’avait rien à voir avec les préoccupations de la population chinoise mais constituait une exigence que la Chine ne soit pas le domaine exclusif d’une puissance particulière et reste «ouverte», notamment à l’exploitation américaine.

Léon Trotsky expliquait en 1924: «L’histoire de Beldam a facilité les choses pour le capitalisme américain: pour chaque acte de rapine, il y a un slogan libérateur prêt à l’emploi. En ce qui concerne la Chine, c’est la politique de la “porte ouverte”! Le Japon cherche à démembrer la Chine et à soumettre certaines provinces par la force militaire, car il n’y a pas de fer au Japon, pas de charbon, pas de pétrole. Ce sont là trois handicaps colossaux dans la lutte du Japon contre les États-Unis. C’est pourquoi le Japon cherche par la saisie à s’assurer des richesses de la Chine. Mais les États-Unis? Ils disent: “Porte ouverte en Chine”».

Comme alors, l’exigence que la Chine «s’ouvre» et mette fin à ses restrictions sanitaires n’a rien à voir avec un quelconque souci pour la population chinoise mais vise à supprimer tous les obstacles au profit, avec un terrible coût humain. Si la politique d’«immunité collective» devait être adoptée en Chine, elle entraînerait sans aucun doute des centaines de milliers, voire des millions de morts.

En outre, bien qu’ils n’aient pas encore menacé militairement la Chine pour sa politique de «zéro COVID», les États-Unis ont accumulé, au cours de la dernière décennie, d’autres prétextes à la guerre, depuis leurs campagnes hypocrites en faveur des «droits de l’homme» à propos de Hong Kong et des Ouïghours musulmans jusqu’aux accusations forgées de toutes pièces d’«agression» dans les mers de Chine méridionale et orientale et à l’égard de Taïwan. La Chine, de par sa simple taille économique, est considérée comme une menace intolérable pour l’hégémonie mondiale américaine qui doit être réduite, si nécessaire par la force militaire, à une nouvelle version du statut semi-colonial qu’elle a enduré au XIXe et au début du XXe siècle.

La subjugation néocoloniale de la Chine et sa fin à la suite de la révolution chinoise de 1949 restent profondément ancrées dans la conscience des travailleurs chinois. Le gouvernement du Parti communiste chinois du président Xi Jinping cherche à exploiter ce sentiment en proclamant sans cesse que le PCC est responsable du «rajeunissement de la nation chinoise». Ce slogan nationaliste est dépourvu de tout contenu progressiste – loin d’incarner une quelconque lutte contre l’impérialisme reflète bien plutôt les ambitions d’une oligarchie super-riche, créée par des décennies de politiques pro-marché du PCC, pour un siège à la table impérialiste.

La restauration capitaliste en Chine a créé d’immenses pressions sociales, le nombre de milliardaires chinois continuant à se multiplier alors que des centaines de millions de personnes luttent pour survivre. Le régime du PCC est parfaitement conscient qu’il est assis sur une bombe sociale à retardement, ce qui l’a fortement motivé à maintenir sa politique d’élimination du COVID-19.

En effet, pratiquement tous les articles qui militent actuellement pour un changement de la politique chinoise reconnaissent qu’elle bénéficie d’un large soutien parmi les travailleurs. Le Wall Street Journal, par exemple, cite Yanzhong Huang, du Council on Foreign Relations de New York. Ce dernier déclare: «Cette politique est également toujours très populaire en Chine et bénéficie d’un fort soutien public: les gens sont très fiers de la façon dont les dirigeants de l’État ont contrôlé le virus».

L’élimination de la COVID-19 nécessite toutefois une stratégie globale, comme le démontrent les épidémies continues en Chine, notamment du variant Delta, extrêmement contagieux. Cependant, le régime du PCC, qui cherche à obtenir un soutien sur la scène internationale pour contrer les menaces des États-Unis, ne mène pas de campagne en faveur de mesures mondiales similaires, ni même ne critique les autres gouvernements.

La seule force sociale capable de lutter pour l’élimination mondiale de la pandémie est la classe ouvrière internationale qui trouvera un large soutien parmi les travailleurs et les jeunes en Chine. Le World Socialist Web Site et l’Alliance internationale des travailleurs des comités de base ont élaboré la base scientifique de la politique d’élimination et la nécessité pour la classe ouvrière de lutter pour elle dans son webinaire en ligne du 24 octobre. Nous encourageons tous les travailleurs et les jeunes à le visionner (en anglais) et à nous contacter.

(Article paru d’abord en anglais le 3 novembre 2021)

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