La grève de 2021 à John Deere: les leçons pour la classe ouvrière

Mercredi soir, le syndicat United auto Workers (Travailleurs unis de l’automobile – UAW) a déclaré que le contrat qu’il avait proposé avec le fabricant d’équipements agricoles et lourds John Deere avait été ratifié à 61 % contre 39 %, après une campagne de propagande et d’intimidation de plusieurs semaines menée par l’UAW et la direction.

L’UAW a agi rapidement pour mettre fin à la grève, qui a vu 10.000 travailleurs débrayer le 14 octobre dans des usines et des entrepôts de l’Iowa et de l’Illinois, ainsi que dans des installations plus petites du Kansas, de la Géorgie et du Colorado. Les équipes de travail ont commencé à reprendre leurs activités dès 22h30 mercredi soir à l’usine Deere d’Ankeny, près de Des Moines, dans l’Iowa, moins de trois heures après l’annonce des résultats.

Tout au long des cinq semaines de grève et même avant, les travailleurs de Deere ont fait preuve d’un courage, d’une détermination et d’une volonté de sacrifice énormes. Les travailleurs se sont lancés dans la bataille pour récupérer ce que l’entreprise et l’UAW leur avaient précédemment pris. Il y avait un sentiment croissant que les conditions avaient changé par rapport à il y a quelques années et que des possibilités s’étaient ouvertes pour inverser le déclin du niveau de vie des travailleurs qui dure depuis des décennies.

Des travailleurs font grève à l’extérieur d’une usine de John Deere, le mercredi 20 octobre 2021, à Ankeny, dans l’Iowa. (AP Photo/Charlie Neibergall)

Il n’y avait pas seulement une confiance croissante, mais aussi une conscience grandissante des dimensions internationales de la lutte. Les travailleurs étaient de plus en plus conscients que le monde entier les observait.

Si les travailleurs de Deere n’ont pas obtenu la totalité de leurs demandes – des augmentations suffisamment importantes pour compenser des années de stagnation des salaires, le rétablissement des prestations de santé pour les retraités, la fin du système truqué de rémunération incitative du CIPP et des améliorations majeures des heures et des conditions de travail – ce n’est pas parce qu’ils ont été battus par l’entreprise, mais parce qu’ils ont été trahis par l’UAW.

Comme pour tous les votes et élections organisés par l’UAW, l’exactitude des résultats eux-mêmes doit être considérée avec beaucoup de scepticisme, étant donné que les responsables syndicaux ont été inculpés et emprisonnés les uns après les autres pour avoir accepté des pots-de-vin d’entreprises ou pour avoir détourné des cotisations au cours des quatre dernières années, et que les travailleurs ont soulevé à plusieurs reprises des allégations de fraude électorale par des responsables syndicaux lors de luttes précédentes.

Mais même si le décompte des voix était exact, le contrat n’en serait pas moins illégitime. Dès le début, les responsables syndicaux qui prétendaient être les «représentants» des travailleurs ont en fait agi comme des agents de l’entreprise. En mentant à ses membres, en les censurant et en menaçant de représailles ceux qui s’opposaient, les bureaucrates de l’UAW ne ressemblaient à rien d’autres qu’aux voyous engagés par les entreprises et aux mercenaires briseurs de grève des années 1920 et 1930.

Dans la mesure où l’UAW a élaboré un certain plan pour saboter les luttes des travailleurs – chez GM et Mack Trucks en 2019, et chez Volvo Trucks, Dana Inc. et Deere cette année, pour n’en citer que quelques-uns – il est essentiel que les travailleurs étudient soigneusement les tactiques et la stratégie de l’UAW, afin de les voir venir et de les surmonter dans les luttes à venir.

Comment l’UAW a saboté la lutte des travailleurs de Deere

Pendant les mois qui ont précédé l’expiration du précédent contrat de six ans avec Deere, le 1er octobre, l’UAW a tenu les travailleurs dans le noir concernant leurs discussions avec la direction au sujet d’un nouvel accord, dans ce qui est devenu leur procédure opérationnelle standard dans chaque «négociation» de contrat.

Le contrat de 2015 lui-même était une capitulation contenant d’importantes concessions et très probablement le produit d’un trucage des bulletins de vote, le principal «négociateur» de l’UAW, le vice-président Norwood Jewell, ayant par la suite été condamné pour avoir accepté des pots-de-vin de Chrysler.

Cette année, l’UAW a une fois de plus imposé un black-out sur les discussions avec Deere, sur les demandes qu’il était censé formuler ou sur ce qu’ils planifiaient.

Les seules exceptions au black-out de l’UAW ont été clairement coordonnées avec Deere à l’avance. À la mi-septembre, lors de votes d’autorisation de grève quasi unanimes, l’UAW a soudainement annoncé, après des semaines de pourparlers officiels, que Deere cherchait à mettre fin à un moratoire sur les fermetures d’usines, à faire passer de zéro à 20 % la part des travailleurs dans les primes d’assurance maladie et à mettre fin au paiement des heures supplémentaires au-delà de huit heures de travail. Comme l’écrivait le WSWS à l’époque, «Le syndicat tente sans doute d’atténuer le choc en proposant d’abord le pire contrat possible et en procédant par étapes.»

Au même moment, l’UAW a déclaré aux travailleurs que les votes de ratification étaient déjà prévus pour le 10 octobre, «si» un accord avec Deere était conclu à temps. En fait, l’UAW avait déjà un accord, mais il ne le disait pas aux travailleurs.

Le silence de l’UAW a ensuite repris jusqu’à la date limite d’expiration du contrat, le 1er octobre à minuit. Quelques minutes après l’échéance, il a déclaré une prolongation de deux semaines du contrat précédent, provoquant une indignation générale parmi les travailleurs, un torrent de commentaires furieux sur les médias sociaux et des appels à des actions de grève sauvage.

Fait significatif, les travailleurs de certaines usines ont arrêté le travail à l’expiration de minuit, a rapporté le Des Moines Register à l’époque, pour se voir ordonner de poursuivre la production par les responsables syndicaux quelques minutes plus tard.

À la suite de cette réaction massive, l’UAW a mis en place une censure générale des pages Facebook des sections locales de l’UAW chez Deere, désactivant presque universellement les commentaires sur les publications afin d’empêcher les travailleurs d’exprimer leur opposition et de communiquer entre eux.

Le premier accord de principe

Visiblement surpris par le niveau de colère et inquiet de ne pas pouvoir retenir les travailleurs plus longtemps, l’UAW a réagi rapidement pour annoncer un accord de principe moins de 24 heures plus tard.

Étant donné le rejet massif de l’accord par les travailleurs par la suite, il convient de citer les mensonges que les responsables de l’UAW ont proférés à ce moment. Le président de l’UAW, Ray Curry, a déclaré: «Notre équipe de négociation nationale de l’UAW John Deere a travaillé sans relâche pour obtenir des gains substantiels pour les membres.» Le vice-président et chef du département des équipements agricoles de l’UAW, Chuck Browning, a déclaré: «Des gains et des protections substantiels durement disputés ont été obtenus grâce aux efforts des négociateurs de l’UAW soutenus par la solidarité de nos membres.» Et ainsi de suite ad nauseum, avec seulement des variations mineures dans les adjectifs («substantiel», «significatif», etc.)

Sachant qu’il jouerait avec le feu s’il tentait de donner aux travailleurs uniquement ses «points saillants» hautement sélectifs au début des votes, comme il l’avait fait en 2015, l’UAW a plutôt déversé les quelque 300 pages de langage contractuel sur les travailleurs deux jours seulement avant le vote.

Le contrat a révélé ce que les travailleurs avaient soupçonné: l’UAW proposait encore un autre accord de capitulation. De manière significative, l’accord visait à créer encore une fois une nouvelle catégorie de travailleurs, en élargissant les divisions en matière de salaires et d’avantages sociaux acceptées pour la première fois par le syndicat en 1997, après lequel le salaire des nouveaux employés a été réduit de moitié. L’accord aurait éliminé complètement les pensions pour les travailleurs embauchés après octobre 2021. Et comme l’entreprise réalise des bénéfices records, les augmentations générales de salaire – 11 à 12 % seulement sur six ans – ont été considérées comme insultantes.

Un travailleur de l’un des sites de Deere dans l’Illinois a déclaré au WSWS après la publication du contrat: «C’est ce que Deere nous propose? C’est de la folie, nous méritons plus. Une prime à la signature de 3500 dollars? Personne n’en veut. Plus d’argent, c’est ce que nous voulons. On aurait dû être en grève la semaine dernière.»

Les travailleurs ont rejeté l’accord entre l’UAW et Deere à 90 %. Le Comité de la base des travailleurs de John Deere, organisé par les travailleurs après l’annonce du contrat, a publié une déclaration appelant à son rejet et a joué un rôle important dans sa défaite.

L’UAW a répondu par une déclaration éclaire indiquant qu’un délai de grève était fixé à 23h59 le mercredi 13 octobre. Il allait rencontrer l’entreprise au cours des trois jours suivants, sans rien dire aux travailleurs de ses discussions, tout en cherchant désespérément un prétexte pour annuler la grève.

L’UAW a estimé qu’il n’avait pas d’autre choix que d’autoriser la grève étant donné le niveau d’opposition des travailleurs. Mais une fois la grève lancée, l’UAW a fait tout son possible pour l’affamer et l’isoler, tout en élaborant avec Deere, à huis clos, une stratégie visant à imposer un accord acceptable pour ses actionnaires.

Comme chez Volvo Trucks au début de l’année, l’UAW a maintenu les travailleurs sur une indemnité de grève de seulement 275 dollars par semaine, qu’il n’a pas commencé à distribuer avant près de deux semaines, bien qu’il ait conservé un fonds de grève de près de 800 millions de dollars, constitué des cotisations des travailleurs. Pendant ce temps, le syndicat a fait de son mieux pour que ses centaines de milliers d’autres membres de l’industrie automobile et des pièces ne sachent rien de la grève.

Le cas de Dana, un fabricant mondial de pièces automobiles et un important fournisseur de Deere, est particulièrement important à cet égard: l’UAW, ainsi que le syndicat des Métallos, ont maintenu environ 3500 travailleurs de Dana au travail avec des prolongations de contrat au jour le jour pendant les deux premières semaines de la grève de Deere, bien que les travailleurs aient également rejeté à 90 % un accord de capitulation soutenu par le syndicat au début du mois. Vers la fin du mois d’octobre, l’UAW et les Métallos (USW) ont utilisé des mensonges et des menaces pour imposer une version remaniée de l’accord chez Dana. Si les travailleurs de Dana avaient fait grève en même temps que ceux de Deere, la position des deux sections de travailleurs s’en serait trouvée considérablement renforcée.

Le deuxième accord de principe

Quelques jours après le passage forcé de l’accord avec Dana, l’UAW a annoncé un autre accord de principe avec Deere, le samedi 30 octobre. L’UAW a planifié les votes sur le contrat quatre jours plus tard, le mardi 2 novembre.

Cette fois-ci, au lieu de publier le texte intégral du contrat, il n’a distribué que cinq pages de «points saillants», afin de pousser les travailleurs à accepter l’accord. Une fois de plus, l’UAW a affirmé qu’il y avait des «gains économiques accrus», et une fois de plus, les travailleurs ont rejeté ces affirmations. «Pas d’assurance pour les retraités, pas de vote», a déclaré un travailleur de l’usine Deere d’Ottumwa, dans l’Iowa. «Nous voulons cela et plus d’argent, pas des jeux de crayon, pour compenser les salaires perdus pendant 20 ans et pour suivre l’inflation.»

La campagne d’intimidation menée par l’UAW au nom de l’entreprise s’est intensifiée, les responsables syndicaux affirmant à nouveau, de manière absurde, qu’il n’y avait plus d’argent disponible et que les travailleurs perdraient le soutien des communautés et seraient considérés comme «avares» s’ils n’acceptaient pas l’offre.

Néanmoins, les travailleurs ont une fois de plus défié les tentatives de l’UAW de faire passer en force son accord avec l’entreprise, le rejetant par 55 % dans toutes les usines, et par une avance nettement plus élevée de 71 % à Waterloo, dans l’Iowa, qui a été le centre de l’opposition et du militantisme tout au long de la lutte.

La compagnie, qui perdait patience du fait que les représentants de l’UAW n’avaient pas réussi à faire adopter l’accord comme ils l’avaient promis, a répondu au deuxième rejet de la convention par une campagne médiatique éclair. Ses cadres multimillionnaires ont déclaré qu’ils n’avaient «plus rien» à donner, que l’offre était «la meilleure et la dernière» et qu’ils passaient à la phase suivante de leur plan d’urgence, à savoir les opérations pour briser la grève.

Au même moment, Deere a fait des déclarations exagérées sur le caractère «révolutionnaire» de l’accord, qui laissait toujours les travailleurs derrière, en termes économiques réels, là où ils se trouvaient avant 1997. L’UAW, qui coordonnait la campagne de relations publiques avec Deere, est resté silencieux alors que les travailleurs étaient de plus en plus indignés par les mensonges de l’entreprise.

La «dernière, meilleure et ultime offre»

Après avoir donné à Deere le champ libre pendant une dizaine de jours pour mener sa campagne de propagande et «expliquer la valeur» de l’offre rejetée aux travailleurs, l’UAW a annoncé le vendredi 12 novembre que la compagnie avait fait sa «dernière, meilleure et ultime offre», déclarant qu’elle ne contenait que de «modestes modifications» à l’accord que les travailleurs avaient rejeté le 2 novembre. Ces modifications concernaient le système régressif de rémunération au rendement CIPP et seraient liées à des objectifs de production encore plus élevés, ce qui signifie que l’entreprise compenserait facilement toute augmentation marginale de salaire par une augmentation de la production.

La tentative finale de faire passer l’accord – essentiellement un nouveau vote sur le deuxième contrat que les travailleurs avaient rejeté – a eu lieu à un tournant clé pour la grève, avec un soutien croissant pour les travailleurs aux États-Unis et dans le monde, et Deere et l’UAW devenant de plus en plus désespérés.

D’une part, des reportages de Bloomberg et d’autres indiquaient que la grève avait un impact significatif sur les opérations de Deere, causant des retards de plusieurs semaines dans les expéditions de pièces, qui arrivent habituellement en un ou deux jours seulement.

D’autre part, les travailleurs de Deere au niveau international, notamment en Allemagne et en France, ainsi que les travailleurs de l’automobile aux États-Unis, soutenaient de plus en plus la grève et appelaient à une lutte commune. La création, le 6 novembre, du Comité de solidarité avec les travailleurs en grève chez Deere, qui réunit des travailleurs de Deere, des travailleurs de l’automobile et des pièces, des éducateurs et d’autres travailleurs, a constitué une étape décisive dans l’organisation et les efforts visant à mobiliser ce soutien.

L’UAW, pour sa part, a dû faire face à une nouvelle éruption de son scandale de corruption: il a été révélé que le président de l’UAW, Ray Curry, faisait l’objet d’une enquête pour avoir accepté des cadeaux de grande valeur de la part d’un fournisseur, et un secrétaire-trésorier local, Timothy Edwards, a été inculpé pour avoir détourné 2 millions de dollars de cotisations pour les dépenser dans des jeux d’argent.

L’UAW reprenait ses opérations de briseurs de grève chez Volvo plus tôt dans l’année, où il avait également forcé les travailleurs à revoter sur la supposée «dernière et meilleure offre finale» de cette entreprise, suggérant faussement qu’elle était légalement tenue de le faire.

L’UAW a mené une campagne tous azimuts pour garantir l’adoption de l’accord, se faisant le messager des menaces de Deere d’engager des remplaçants et d’imposer unilatéralement ses conditions si le contrat était à nouveau rejeté.

Dans l’exemple le plus effronté et le plus brutal d’intimidation des électeurs, les responsables de l’UAW à Davenport, Iowa, ont ouvertement menacé les travailleurs qui s’opposaient au contrat. Le président des élections de la section locale 281, Phil Gonterman, a déclaré dans des commentaires sur Facebook qu’il utiliserait sa position d’inspecteur pour rendre la vie difficile à ceux qui s’opposent au contrat. Le vice-président de la section locale, Brian Ripple, a demandé que le travail de Waterloo soit délocalisé au Mexique, car c’est l’usine qui a le plus résisté à l’accord entre l’UAW et l’entreprise. Il ne fait aucun doute qu’il ne s’agissait là que de la partie émergée de l’iceberg des méthodes de gangsters utilisées par l’UAW pour forcer les travailleurs à accepter l’accord.

Dans de telles conditions, bon nombre des travailleurs qui ont voté oui ne l’ont pas fait parce qu’ils soutenaient le contrat, mais plutôt parce qu’ils n’avaient pas confiance dans le fait que l’UAW chercherait à obtenir quelque chose de mieux. D’autres ont estimé qu’ils n’avaient pas d’autre choix que de retourner au travail sous la pression économique accrue de l’indemnité de grève de l’UAW avant les vacances de Thanksgiving.

Néanmoins, l’opposition à l’accord est restée importante, les travailleurs de Waterloo, la plus grande section locale, ayant à nouveau voté contre, et les travailleurs d’autres usines ayant également exprimé leur détermination à poursuivre la lutte et à aller de l’avant pour obtenir les revendications des travailleurs.

Quelles leçons faut-il en tirer?

La «ratification» du contrat ne résout aucune des questions brûlantes auxquelles sont confrontés les travailleurs. Pour l’UAW, elle a été obtenue au prix d’une destruction encore plus grande du peu de crédibilité qu’il lui reste auprès des travailleurs.

«Je me suis réveillé aujourd’hui en colère de venir travailler», a déclaré au WSWS un travailleur du centre de distribution de pièces de Milan, dans l’Illinois, le premier jour de son retour. «Comment pouvions-nous rester là pendant deux semaines de plus pour nous faire balancer le même contrat? Je n’arrivais pas à y croire.»

«On a été TRAHI», a déclaré un travailleur de Harvester Works à East Moline. «Les choses ne seront plus jamais les mêmes. J’ai honte de l’UAW.»

C’est devenu une sorte d’habitude parmi les travailleurs que l’UAW les oblige à voter encore et encore sur des contrats au rabais jusqu’à ce que le vote sorte dans le «bon» sens. Les invocations rituelles de l’UAW au «processus démocratique» et au fait que «les membres décideront» sont une inversion grotesque de la réalité. Les travailleurs sont privés des droits les plus élémentaires dans ces soi-disant «syndicats», qu’il s’agisse de l’information, de la liberté d’expression, de la protection contre les abus et le harcèlement, ou de la reconnaissance de leur volonté démocratique.

Le manque de démocratie au sein de l’UAW et d’autres syndicats est le reflet du manque de démocratie pour les travailleurs dans la société capitaliste dans son ensemble. Dans les conditions d’une nouvelle croissance stupéfiante des inégalités sociales depuis le début de la pandémie, où quelques centaines de milliardaires américains ont augmenté leur richesse de 2000 milliards de dollars, le maintien des droits démocratiques est de plus en plus intenable.

Alors que divers experts des médias bourgeois accusent de plus en plus hystériquement et sans fondement les rivaux de l’impérialisme américain d’«ingérence électorale», on ne dit pratiquement rien des campagnes flagrantes d’intimidation des électeurs menées à plusieurs reprises par l’UAW et d’autres syndicats lors de la ratification des contrats. Cela s’explique par le fait que cette «ingérence électorale», qui existe réellement, sert les intérêts des entreprises américaines, qui s’appuient sur les syndicats pour faire passer en force les contrats au rabais les uns après les autres depuis 40 ans.

Quelles leçons faut-il tirer de l’expérience de la grève et de sa trahison, non seulement par les travailleurs de Deere mais partout ailleurs?

1. Il existe un conflit irréconciliable entre les syndicats et les travailleurs qu’ils prétendent représenter.

L’appareil de l’UAW fonctionne, depuis le siège mal nommé de la «Solidarity House» (Maison de solidarité) jusqu’au niveau local, comme une force de police industrielle pour les entreprises. Les centaines de cadres et de bureaucrates de la classe moyenne supérieure, qui touchent des salaires à six chiffres, n’ont qu’une haine venimeuse pour les travailleurs qu’ils prétendent représenter, comme le révèlent les commentaires des responsables de la section 281.

Les activités propatronales de l’UAW sont reproduites dans l’AFL-CIO et d’autres syndicats. Alors même que l’UAW s’efforçait de trahir la lutte chez Deere, les grèves de dizaines de milliers de travailleurs étaient bloquées dans l’industrie du cinéma et de la télévision par le syndicat IATSE, et chez Kaiser Permanente par une coalition de syndicats de la santé.

Les syndicats se sont efforcés d’empêcher ou de faire échouer les grèves qui se sont succédé cet automne, en proposant à chaque fois des contrats qui ne répondaient pas aux demandes des travailleurs en matière d’amélioration des salaires, des avantages sociaux et des conditions de travail. Tout comme Wall Street et l’establishment politique et patronal, les bureaucraties syndicales craignent une éruption incontrôlable des luttes des travailleurs si une grève individuelle remporte une victoire décisive.

Contrairement à ce que prétendent les partisans «syndicaux» de la speudo-gauche, tels que le Labor Notes, les Socialistes démocrates d’Amérique et le magazine Jacobin, l’UAW et les autres syndicats ne sont pas aujourd’hui des organisations de travailleurs, mais des auxiliaires de la direction, et des entreprises à part entière.

Le remplacement de tel ou tel responsable, ou même de toute une liste de cadres, ne changera pas ce fait. Cela est déterminé par les intérêts matériels et sociaux de ces institutions, qui sont fortement investies en bourse et bénéficient de l’exploitation de leurs membres.

2. Le comité de la base des travailleurs de Deere et les autres organisations de la base des usines doivent être étendus aux États-Unis et à l’échelle internationale.

Le comité de la base des travailleurs de Deere était la seule organisation parmi les travailleurs qui s’est constamment opposée aux manoeuvres de l’UAW et de Deere et a lutté pour unir tous les travailleurs. Le comité a donné une impulsion à la lutte, en formulant les revendications des travailleurs et en élaborant une stratégie pour gagner la grève, en mobilisant les travailleurs aux États-Unis et au niveau international pour la défendre.

Lors d’une série de luttes majeures cette année – chez Volvo, Dana, Deere et ailleurs – les travailleurs sont entrés en conflit frontal avec les syndicats et, en réponse, ont entamé le difficile processus de formation de nouvelles organisations qui répondent réellement à leurs intérêts.

Chez Volvo et maintenant chez Deere, les comités de la base ont fait appel directement aux travailleurs d’outre-mer pour obtenir du soutien. Ces appels ne sont pas restés sans voix. Les travailleurs de Volvo en Australie et en Belgique ont exprimé leur solidarité avec les travailleurs américains – et dans ce dernier cas, ils ont déclenché leur propre grève sauvage. Chez Deere, les travailleurs d’Allemagne et de France ont exprimé le vif désir d’une lutte commune, renforçant et encourageant les travailleurs de Deere aux États-Unis et sapant les efforts de l’entreprise et de l’UAW pour dresser les travailleurs les uns contre les autres au niveau international.

Cette solidarité internationale initiale a révélé à l’état embryonnaire la possibilité de comités de la base unissant les travailleurs dans un mouvement mondial, ce qui est absolument nécessaire étant donné le caractère transnational et la stratégie mondiale des géants modernes des entreprises tels que Deere, Volvo et les constructeurs automobiles.

Il est donc essentiel que les comités de la base se développent avant les prochaines luttes, en attirant des sections toujours plus larges de travailleurs, en formant des réseaux de communication au sein des usines et entre elles, en reliant les travailleurs de différentes industries et de différents pays.

3. La pandémie alimente la croissance de la lutte des classes

La lutte chez Deere ne portait pas simplement sur un contrat. Plus profondément, elle était motivée par une colère sociale croissante face à la détérioration incessante du niveau de vie des travailleurs depuis des décennies. Ces revendications ont été énormément intensifiées par les politiques criminelles de la classe dirigeante en réponse à la pandémie, qui ont fait des millions de morts dans le monde entier, et d’innombrables millions d’autres menacés d’une débilitation de leur santé potentiellement à vie.

Alors que les départements de communication des entreprises ont salué le caractère «essentiel» des travailleurs, ces derniers ont été traités comme de la marchandise jetable, forcés de travailler dans des milieux de travail mortels et des ateliers de misère, avec des salaires de misère et pendant des heures interminables.

Les médias bourgeois ont commencé à reconnaître cette dynamique, reflétant les préoccupations croissantes au sein de la classe dirigeante. Comme l’a écrit le Washington Post dans les jours qui ont précédé le nouveau vote sur les contrats, «Les girations que le coronavirus a provoquées dans le commerce mondial bouleversent non seulement l’offre et la demande mais aussi l’attitude des travailleurs, amenant beaucoup d’entre eux à s’interroger pour la première fois depuis des décennies sur ce qu’ils sont prêts à tolérer.»

4. Une nouvelle direction politique dans la classe ouvrière doit être construite

Les travailleurs de Deere se sont trouvés dans une lutte non seulement contre une entreprise particulièrement impitoyable, mais contre un ordre social et économique entier – le capitalisme – qui subordonne chaque question à l’accumulation du profit privé.

Tant les démocrates que les républicains représentent les intérêts politiques des géants de l’industrie tels que Deere et Wall Street. Au cours de la grève, Deere a démontré une fois de plus que les tribunaux et l’État sont des instruments de la classe dirigeante capitaliste, en obtenant facilement une injonction manifestement illégitime contre les piquets de grève à Davenport.

Pour que les travailleurs puissent défendre et faire avancer leurs intérêts, ils doivent avoir une direction politique et un parti qui leur sont propres. Tout au long de la grève, le WSWS et le Parti de l’égalité socialiste ont cherché à fournir cette direction, en fournissant aux travailleurs des informations véridiques, en démasquant les mensonges de l’UAW et de Deere, et en luttant pour un programme visant à unifier les travailleurs au niveau international autour de leurs intérêts communs.

Nous invitons les travailleurs qui partagent cette perspective à prendre la décision de joindre le Parti de l’égalité socialiste dès aujourd’hui.

(Article paru en anglais le 20 novembre 2021)

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