Des enseignants et un scientifique réagissent à la reconnaissance tardive par le gouvernement canadien que la COVID-19 est principalement transmise par les aérosols.

Depuis que le gouvernement fédéral canadien a reconnu au début du mois que les aérosols jouent un rôle majeur dans la propagation de la COVID-19, le World Socialist Web Site a parlé à plusieurs enseignants et scientifiques de la signification de cet aveu tardif. Jusqu’à une série de tweets du 12 novembre de la Dre Theresa Tam, responsable de la santé publique au Canada, le gouvernement fédéral avait passé près de deux ans à insister sur le fait que les gouttelettes respiratoires étaient la principale source d’infections par la COVID.

La minimisation et même le déni de la transmission par voie aérienne vont à l’encontre des preuves scientifiques établies de longue date selon lesquelles la COVID-19 se propage par le biais d’aérosols qui peuvent rester dans l’air comme de la fumée. Les affirmations mensongères du gouvernement canadien étaient nécessaires pour soutenir sa volonté irréfléchie de «rouvrir» l’économie, une politique de «profits avant les vies» en situation de pandémie qui a coûté la vie à 29.500 Canadiens, et pour soustraire les employeurs et les gouvernements à toute obligation d’investir dans des mesures de protection adéquates pour les travailleurs.

Nicolas Smit, ingénieur et scientifique, qui s’est fait le défenseur d’un équipement de protection individuelle (ÉPI) de haute qualité pour les travailleurs tout au long de la pandémie, a déclaré au World Socialist Web Site, dans une longue interview, que le déni par le gouvernement fédéral de la transmission par voie aérienne allait de pair avec le refus de fournir des masques et autres équipements de protection aux travailleurs de première ligne. «L’une des raisons de ce refus est liée à la responsabilité», a-t-il déclaré. «Le gouvernement ne veut pas de responsabilité pour les entreprises. Si les travailleurs sont infectés à cause de la transmission par voie aérienne, une demande d’indemnisation des travailleurs pourrait amener les employeurs à payer des amendes plus élevées.»

Smit a expliqué que, grâce à son travail de plaidoyer, il a convaincu le gouvernement fédéral de recommander l’utilisation de masques respiratoires en élastomère sur les lieux de travail, notamment dans les établissements de soins de santé. Ces masques, qui sont généralement utilisés dans des industries comme l’exploitation minière, ont une classification N99 et N100, ce qui les rend au moins aussi sûrs, sinon plus, que les masques N95. Les respirateurs de ce type peuvent être utilisés de manière répétée, à condition qu’ils soient entretenus correctement. Smit a déclaré qu’un seul masque pouvait être utilisé jusqu’à un an.

Selon Smit, le gouvernement de l’Ontario a acheté 100.000 respirateurs en élastomère à la suite de son plaidoyer. Cependant, le gouvernement de droite dirigé par Doug Ford a refusé de les rendre utilisables. Le refus scandaleux du gouvernement de distribuer les respirateurs a fini par obliger les politiciens de l’opposition à soulever des questions. Le mois dernier, le porte-parole des libéraux de l’Ontario en matière de santé a déposé une question formelle à l’Assemblée législative provinciale, demandant au gouvernement d’expliquer pourquoi les respirateurs restent hors de portée.

Smit pense que la menace de révélations embarrassantes sur le scandale des respirateurs pourrait avoir forcé la main du gouvernement fédéral en reconnaissant la transmission par voie aérienne. «Le gouvernement de l’Ontario doit fournir des réponses détaillées (à la demande des libéraux provinciaux) par écrit, et cela ferait mal paraître le gouvernement. Le Canada était également l’un des rares pays à ne pas admettre que les vaccins seuls ne fonctionnent pas, et que les gens ont besoin d’un masque approprié pour se protéger», a-t-il déclaré. Le gouvernement fédéral pourrait maintenant utiliser son aveu pour rejeter sur les provinces la responsabilité de tout manquement en matière de protection des travailleurs, a averti Smit.

En référence au webinaire du 24 octobre du WSWS, «Comment mettre fin à la pandémie», nous avons demandé à Smit s’il était d’accord avec la déclaration du professeur Jose Luis Jimenez selon laquelle le refus de l’Organisation mondiale de la santé de reconnaître la transmission aérienne de la COVID-19 était l’un des plus grands échecs de l’histoire de la santé publique. «Absolument», a répondu Smit. «Le CDC a utilisé le principe de précaution pour le SRAS et le H1N1. Ils ont expliqué comment les masques chirurgicaux pouvaient laisser passer de l’air. Pendant le SRAS, le Canada a utilisé des masques chirurgicaux, ce qui explique en partie pourquoi la situation a été si mauvaise en Ontario. À Victoria et à Vancouver, on a utilisé des masques N95 pour le SRAS. C’est la première pandémie où le CDC n’a pas utilisé le principe de précaution. Ce n’est pas seulement de la négligence, mais cela implique d’ignorer l’expérience passée. L’annonce (du gouvernement canadien) montre comment le gouvernement essaie de s’en tirer.»

Manifestation en Colombie-Britannique contre la réouverture dangereuse des écoles par le gouvernement provincial néo-démocrate pour l’apprentissage en personne cet automne

Des membres du Comité de sécurité pancanadien du personnel scolaire de la base (CSPPB) ont également parlé au WSWS. Le CSPPB a été créé par des travailleurs de l’éducation pour lutter en faveur d’un programme d’élimination de la COVID-19, notamment en exigeant la fermeture de toutes les écoles pour l’apprentissage en personne et de tous les lieux de travail non essentiels jusqu’à ce que le virus soit supprimé. Le CSPPB demande que ces mesures soient combinées à un salaire complet pour tous les travailleurs affectés et à un programme complet de tests, d’isolement des personnes infectées, de recherche des contacts et de vaccination afin de réduire la transmission communautaire à zéro.

Michael, un enseignant de la région de York, a déclaré: «Mes collègues et moi savons depuis un certain temps que la COVID se propage par transmission aérienne. D’une part, il s’agit évidemment d’un développement positif pour la sécurité des éducateurs qui travaillent dans des écoles surpeuplées où la ventilation adéquate est encore un problème (beaucoup d’entre nous ne travaillent pas dans des bâtiments récents). Mais d’autre part, je suis furieux qu’il ait fallu au gouvernement fédéral tout ce temps pour admettre la vérité.»

«Il y a des questions auxquelles il faut répondre. Je veux savoir combien de temps ils ont gardé ces connaissances pour eux. Pourquoi a-t-il fallu presque deux ans pour admettre que la COVID se transmet par aérosol? Combien de Canadiens ont été inutilement malades et ont péri à cause que le public n’a pas été informé sur la nature de la propagation de la COVID? Plus important encore, qu’est-ce que le gouvernement sait d’autre qu’il ne dit pas au public?»

«Je veux aussi savoir ce que toutes les commissions scolaires du Canada attendent. Équipez immédiatement tous les élèves et le personnel de masques N95! Mettez à jour nos MAUVAIS protocoles de santé et de sécurité qui désinforment encore le personnel, les élèves et les parents. Quand les commissions scolaires et les syndicats admettront-ils que nos masques sont inférieurs et que nous sommes envoyés au travail pratiquement sans protection? Arrêtez le théâtre! Laissez les concierges tranquilles avec l’essuyage inutile des poignées de porte et des interrupteurs qui ne sert absolument à rien! Installez des filtres HEPA dans chaque salle de classe! Investissez massivement dans l’éducation publique! Ne coupez pas 500 millions de dollars dans les budgets scolaires comme le fait Doug Ford!»

Malcolm, un enseignant de l’île de Vancouver, a ajouté: «L’annonce par Tam que le virus est effectivement transmis par l’air n’est pas une surprise pour quiconque a prêté attention à la science. Bien entendu, elle n’a été suivie d’aucune action. Il est clair, deux ans après le début de la pandémie, que les gouvernements ne prendront de telles mesures que lorsqu’ils y seront contraints par les demandes coordonnées de la classe ouvrière internationale.»

Passant à la dissimulation des implications de l’aveu de Tam, Malcolm a poursuivi: «Le WSWS et le Parti de l’égalité socialiste est la seule organisation politique de tout l’éventail politique qui analyse haut et fort la pandémie d’un point de vue de classe et exige la fin des conditions de travail dangereuses et mortelles auxquelles est confrontée la classe ouvrière canadienne, en particulier les éducateurs. Pour cela, ils ont ma gratitude éternelle».

Un autre membre du CSPPB nous a dit: «Je ne suis pas surpris par l’aveu de la Dre Tam selon lequel la COVID est transmise par l’air. L’implication est que pratiquement tous les espaces intérieurs sont dangereux. En tant que concierge à Toronto, je suis anxieux et inquiet pour tous les membres du personnel et les élèves car les écoles ne sont pas sûres.»

«Les médias bourgeois couvrent l’aveu de la Dre Tam afin de protéger la conspiration de l’élite dirigeante: les profits des sociétés avant les vies. Les syndicats et la commission scolaire ne font rien pour protéger le personnel ou les élèves des dangers de la COVID depuis le début de la pandémie. Nous sommes abandonnés à notre sort.»

«Les travailleurs de l’éducation doivent prendre le contrôle en formant des comités de base dans toutes les écoles pour exiger la fermeture de toutes les écoles et de la production non essentielle. C’est essentiel pour sauver la vie de nos amis, collègues et voisins. Nous exigeons également un soutien financier pour tous les travailleurs pendant le confinement. Il doit être équivalent à un salaire de subsistance, et non au soutien pathétique du niveau de pauvreté que le (gouvernement fédéral a fourni) avec la PCU et ensuite la PCRE.»

Le World Socialist Web Site encourage vivement les éducateurs, le personnel de soutien, les scientifiques et tous les autres travailleurs à nous contacter pour nous faire part de vos commentaires sur les dangers posés par la transmission aérienne de la COVID-19 et de vos expériences pendant la pandémie. Vous pouvez également suivre le CSPPB sur Twitter et sur sa page Facebook, et rejoindre la lutte pour mobiliser la classe ouvrière afin d’imposer une stratégie fondée sur la science pour éliminer la COVID-19 qui donne la priorité à la protection des vies et non aux profits.

(Article paru en anglais le 23 novembre 2021)

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