Les promoteurs de la théorie du complot du «laboratoire de Wuhan» fulminent alors que leurs allégations s’effondrent

Le 5 décembre dernier, le journaliste Glenn Greenwald a publié un article [en anglais] accusant le New York Times et le Washington Post de ne pas être suffisamment fidèles à la théorie du complot selon laquelle le SRAS-CoV-2, le virus à l’origine de la COVID-19, proviendrait d’un laboratoire chinois.

Pendant des mois, Greenwald a promu la théorie du complot sur Twitter, partageant le point de vue des fascistes tels que Steve Bannon, Raheem Kassam et Tucker Carlson, personnalité de droite de Fox News.

Mais Greenwald n’est qu’une des nombreuses personnalités précédemment associées à l’opposition à la guerre en Irak qui ont adopté la théorie du complot de la «fuite du laboratoire» qui est au cœur de la campagne américaine pour préparer une guerre contre la Chine. «Arrêtez avec la ... logique», s’est emporté le comédien Jon Stewart en juin, en proclamant que la pandémie de COVID-19 était «causée par la science». Bill Maher, l’ancien critique de la guerre en Irak, a également fait la promotion de cette théorie du complot.

Mais tout comme ces personnalités sont attirées par la campagne de droite du gouvernement américain contre la Chine, elles ont été tout aussi décontenancées lorsque les mensonges auxquels elles adhéraient se sont effondrés face à de nouvelles découvertes scientifiques majeures et à la détermination des scientifiques à résister à une campagne de droite visant à faire d’eux les boucs émissaires de la pandémie.

Greenwald (à droite) lors d’une apparition à l’émission de Tucker Carlson sur Fox News.

Dans son article paru sur Substack la fin de semaine dernière, Greenwald allègue que le 18 novembre, le New York Times a publié un article qui était «conçu pour confirmer l’affirmation selon laquelle des preuves avaient à nouveau émergé montrant que la COVID était d’origine naturelle».

Le problème pour Greenwald, cependant, n’est pas de la faute du Times. Le Times n’a pas «conçu» son reportage pour réfuter la théorie du complot de Greenwald. Au contraire, les recherches innovatrices dont le Times fait état et les déclarations du scientifique qui les a menées portent un coup très dur à cette théorie.

L’article révisé par les pairs dont fait état le Times, publié dans Science [article en anglais] par le biologiste Michael Worobey, a démontré que la première personne actuellement connue pour avoir contracté la COVID-19 était en fait un vendeur du marché de fruits de mer et d’animaux sauvages de Huanan, et non un comptable sans lien avec le marché, comme on l’avait cru auparavant.

Worobey a montré que la majorité des patients atteints de la COVID-19 lors de la première éclosion avaient un lien direct avec le marché, et non une minorité, comme les scientifiques le pensaient auparavant. Ces résultats sont «une donnée de plus qui pointe vers l’origine soi-disant 'naturelle' dans les fermes d’élevage et le système de marché», a déclaré à l’époque au WSWS une source proche de l’étude conjointe de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et de la Chine sur les origines de la COVID-19.

En outre, Worobey a condamné les «commentaires antiscientifiques» des partisans de la «théorie» de la fuite de laboratoire et leur «volonté de minimiser, de dénigrer ou de rejeter les preuves qui ne correspondent pas aux désirs des défenseurs d’une hypothèse particulière.»

En réaction aux conclusions de Worobey, le Times a cité, entre autres, le président d’EcoHealth Alliance, Peter Daszak. En plus de son statut d’expert sur les origines des coronavirus, Daszak était membre de l’enquête de l’OMS sur les origines de la COVID-19, qui a conclu qu’il était «extrêmement improbable» que la COVID-19 provienne d’un laboratoire.

Un graphique accompagnant l’article de Michael Worobey, intitulé «La carte montre que la plupart des premiers cas de COVID-19 se trouvaient à proximité du marché Huanan, même s’ils n’étaient pas directement liés au marché par le travail ou une visite.» [Photo: Michael Worobey]

Mais le plus important, c’est que Daszak est la voix scientifique la plus éminente qui a dénoncé les allégations que la COVID provient d’un laboratoire comme étant une «théorie du complot» et une «attaque contre la science» – des affirmations qui sont corroborées par les résultats de Worobey.

Selon Greenwald, il est toutefois inapproprié de citer Daszak, que Greenwald accuse d’être un «scientifique discrédité, en proie à des conflits» dont les références sont entachées de «conflits d’intérêts et de tromperies répétées, voire de mensonges.»

Greenwald écrit: «Dire que Daszak avait un conflit d’intérêts gigantesque mais non divulgué en diffusant ce récit sur les origines naturelles de la COVID est un euphémisme.»

Greenwald, qui se définit comme un libertaire, affirme que citer Daszak est inapproprié parce qu’il a intérêt à se défendre des accusations selon lesquelles il aurait personnellement créé la pandémie la plus meurtrière du dernier demi-siècle. Le citer est doublement inapproprié car il a, par le passé, exprimé des opinions sur la validité des accusations portées contre lui.

Greenwald ne cherche pas à convaincre un observateur impartial sur la base de la force de ses arguments mais simplement à faire appel à des préjugés fascistes. Une évaluation de ses méthodes a été fournie par la virologue Angela Rasmussen:

On dirait que le vieux Glenn a fini par comprendre que le fait de répéter comme un perroquet les plus grands succès des deux dernières années des «enquêtes Twitter» sur la fuite de laboratoire lui permettrait de gagner quelques clics, mais [cela] ne signifie pas que son analyse est originale, informative ou vraie.

L’argument central de Greenwald est plus important que la répétition des allégations contre Daszak: en rapportant de nouvelles découvertes scientifiques, le Washington Post et le New York Times ont «conçu» de saper la théorie du laboratoire de Wuhan.

La réalité est tout autre. Le Times et le Post ont investi un capital politique important dans la promotion de la théorie du complot du laboratoire de Wuhan, et son implosion a causé des dommages considérables à la réputation des deux journaux. Ils ont publié un nombre incalculable d’articles d’opinion, d’éditoriaux et de colonnes de «vérification des faits» soutenant les affirmations des partisans de la théorie du complot et soutenant que la théorie de la fuite du laboratoire est «plausible».

Sans doute malgré les objections d’au moins quelques rédacteurs, la page d’opinion du Times a permis aux chroniqueurs de droite Ross Douthat et Bret Stephens de citer Nicholas Wade, raciste et menteur en série, partisan [article en anglais] de la fuite du laboratoire, sans expliquer ses antécédents de falsification de la science pour promouvoir des points de vue antisémites.

Après que le World Socialist Web Site a attiré l’attention sur les affirmations racistes et la falsification de la science de Wade, les articles du Times ont cessé de le citer sans critique. Mais cela n’a pas empêché la chroniqueuse du Times, Zeynep Tufekci, de réutiliser [article en anglais] les arguments de Wade et d’établir des liens directs avec ses sources, le tout sans attribution, comme l’a montré le WSWS.

Quant au Washington Post, il mise encore plus sur la théorie du complot. C’est le Post qui a déclaré [article en anglais] la théorie de la «fuite du laboratoire» «crédible» dans un article de «vérification des faits» publié le 25 mai. Le Post a publié cette chronique deux jours seulement après que Michael R. Gordon, auteur de l’article discrédité du Times qui a contribué à déclencher la guerre en Irak, a rapporté les affirmations de responsables américains anonymes selon lesquelles des scientifiques de l’Institut de virologie de Wuhan seraient tombés malades en 2019.

Puis le Post a révisé le titre d’un article de février 2020, intitulé «[Tom] Cotton continue de répéter une théorie du complot sur le coronavirus qui a déjà été démystifiée», déclarant [article en anglais]: «Le terme 'démystifié' et l’utilisation par le Post de 'théorie du complot' ont été supprimés car, à l’époque comme aujourd’hui, rien n’a été déterminé quant aux origines du virus.»

Plus significatif encore, en octobre, le Post a publié un éditorial intitulé «Questionnez M. Daszak: il pourrait savoir ce qui s’est réellement passé à Wuhan», qui demandait que «des efforts soient faits pour découvrir si une fuite ou une infection en laboratoire a conduit à la pandémie.»

Les efforts visant à légitimer le canular du laboratoire de Wuhan et la chasse aux sorcières contre Daszak ont été démolis par une série de percées scientifiques, dont les conclusions de Worobey ne sont que les dernières. En septembre, des scientifiques ont découvert au Laos un ensemble de virus dont les domaines de liaison aux récepteurs sont plus proches de ceux du SRAS-CoV-2 de type sauvage que de ceux de ses variants. Le même mois, Daszak et d’autres scientifiques ont publié de nouvelles preuves que les coronavirus de type SRAS se répandent constamment [article en anglais] dans la population humaine à travers l’Asie.

Si le Times et le Post sont maintenant obligés d’écrire sur ces percées, c’est pour reconnaître que la théorie du complot qu’ils ont promue s’est effondrée. C’est ce qui motive la vitupération dérangée de Greenwald envers Daszak.

Greenwald, qui critiquait auparavant l’impérialisme américain, se révèle être le principal défenseur des complots et des conspirations de Washington, aussi sales et discrédités soient-ils.

Plus tôt cette année, Greenwald a exigé des politiques COVID-19 qui «tueront des gens», affirmant que le public ne met pas suffisamment l’accent sur les «coûts» pour sauver des vies. Tout comme les exigences de Greenwald étaient une formulation encore plus brutale de la politique meurtrière de l’establishment politique américain, dans ce cas, la critique de Greenwald à l’égard des médias américains tourne autour de l’affirmation selon laquelle ils ne promeuvent pas avec suffisamment de conviction un mensonge de droite, dont un objectif principal est de justifier les préparations militaires américaines contre la Chine.

Mais Greenwald peut bien fulminer. Un mensonge reste un mensonge, et la vérité reste la vérité. La campagne immonde visant à salir le nom des scientifiques qui ont consacré leur vie à l’étude des maladies infectieuses et qui cherchent à avertir la société des dangers qu’elles représentent s’est effondrée.

Tous ceux qui l’ont promue seront définitivement discrédités par leurs actions honteuses.

(Article publié en anglais le 8 décembre 2021)

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