Des autorités belges et européens appellent à ne plus soigner le COVID

Les gouvernements capitalistes laissent déferler sans intervenir la pandémie de COVID-19, avec environ un million de cas quotidiens en l’Europe. Afin de garder les travailleurs au travail pour produire des profits pour les marchés financiers, les gouvernements réduisent la durée d’isolation des infectés et des cas contacts. Ainsi, ils poussent les travailleurs vers les lieux de travail et les jeunes vers les établissements scolaires, sachant que nombre d’entre eux vont accélérer la transmission du virus.

Cette politique de fuite en avant délibérée s’accompagne d’un abandon de toute prétention des gouvernements à tenter de stopper les infections. Avant les fêtes, le ministre de la Santé français Olivier Véran a menacé les non-vaccinés: «Je le dis à celles et ceux qui ne seraient pas vaccinés : il y a vraiment peu de chances que vous puissiez, cette fois, passer entre les gouttes. La circulation du virus est trop forte et les personnes les plus enclines à faire des formes symptomatiques et graves sont celles qui ne sont pas vaccinées».

Hier, le premier ministre espagnol Pedro Sanchez a annoncé que Madrid allait commencer à traiter le coronavirus avec des protocoles sanitaires semblables à ceux utilisés pour la grippe.

En Belgique, la presse a relayée un courrier polémique, envoyé au personnel politique et administratif local et à la presse, par trois médecins responsables au Centre hospitalier universitaire de Namur. Ils disent avoir constaté que du fait que «de très nombreux patients covid nécessitant des soins intensifs sont des patients ayant fait le choix d’être non vaccinés, la priorisation absolue qui semble être donnée aux patients covid au détriment d’autres patients graves, doit faire l’objet d’un réel débat éthique avec toutes les parties concernées.»

Il est évidemment nécessaire de se faire vacciner, afin de limiter ses chances de faire un cas grave de COVID-19. Mais ce document est construit de façon à rendre les non-vaccinés responsables de la politique gouvernementale et de leur refuser les soins alors que les hôpitaux belges ne sont pas débordés.

Si cette lettre demande en passant «Quelles mesures plus globales et radicales comptez-vous prendre afin d’enrayer cette pandémie?», elle n'en suggère aucune et n'a pas un mot pour condamner la politique sanitaire belge et européenne qui provoque la catastrophe en cours.

De façon également significative, alors que cette lettre porte sur la prise en charge hospitalière du covid, aucune leçon n'est non plus tirée du désastre de la première vague, où l'accès à l'hôpital a été refusé aux malades âgés dans les maisons de retraite, alors que les hôpitaux n'étaient pas tous saturés, ce qui a entrainé une surmortalité évitable considérable (lire 'Le sort effroyable des personnes âgées en Belgique face à la Covid-19'). On fait comme si ce drame horrible, qui a ébranlé toute la Belgique n'avait jamais existé.

En France des polémiques similaires ont commencé à circuler. Le Monde a publié une tribune suite à un courriel qu'avait fait circuler un médecin réanimateur à ses confrères d’autres centres hospitaliers, disant: «Est-ce normal de priver des malades de lits de réanimation ou de soins chirurgicaux, même non urgents, pour s’occuper de personnes qui ont choisi de prendre le risque de faire un Covid-19 grave alors qu’on peut l’éviter?»

André Grimaldi, professeur émérite au CHU Pitié-Salpêtrière, est à l'origine d'une tribune dans Le Journal du Dimanche, «Les non vaccinés doivent-ils assumer aussi leur libre choix de ne pas être réanimés?»Grimaldi voudrait que l'on fasse «conseillersystématiquement à toute personne adulte refusant de se faire vacciner de rédiger des directives anticipées pour dire si elle souhaite ou non être réanimée en cas de forme grave de Covid.»

Il ajoute: «La colère de nombre de soignants a deux cibles, les gouvernants et les non-vaccinés». En fait, tous ces textes, qui mettent en cause les non vaccinés d'une façon ou d'une autre, montrent que sous la pression des gouvernements, des fractions significatives du corps médical renoncent à s'opposer à la politique d'immunité collective qui résulte de la logique capitaliste des profits avant les vies.

Le but est de dévoyer la colère des soignants en Belgique, en France et au-delà contre le désastre produit par les politiques sanitaires officielles, et désigner les non-vaccinés en boucs émissaires. Ces prises de positions suscitent des réactions très vives et indignées, notamment parmi les personnels médicaux en première ligne contre le virus.

Ouest France remarque que «sur Twitter, des soignants ont fait part de leur «étonnement»face à cette prise de position [de Grimaldi]. ‘J’ai honte qu’un confrère puisse tenir des propos pareils’, note un médecin. ‘Le vaccin n’est pas obligatoire. Les non vaccinés n’ont rien commis d’illégal, contrairement aux automobilistes accidentés, ivres, que l’on réanime sans se poser de question,’ poursuit une internaute. ‘C’est un festival! C’est à qui aura l’idée la plus débile’, réagit l’urgentiste Mathias Wargon».

Mais la surenchère récente de Macron à propos des non vaccinés montre que d'énormes forces sociales sont en mouvement derrière ces prises de positions sur l'éthique médicale. Le capitalisme titube de crises en crises et est maintenant profondément déstabilisé par la crise du covid.

Les acquis sociaux qui ont été concédés dans les pays développés lors de la reprise économique d'après-guerre vont faire l'objet d'attaques sans précédent dans les années qui viennent. Pour se faire, la classe dirigeante se prépare à un affrontement violent avec la classe ouvrière et favorise le renouveau des mouvements fascistes et prépare systématiquement la mise en place d'un Etat policier et le démantèlement des droits démocratiques.

Les attaques sur les comportements socialement «irresponsables» de la classe ouvrière sont un classique du discours de la bourgeoisie pour refuser la mise en place des droits sociaux de base ou lorsqu'il s'agit de se préparer à les démanteler.

Comme l'a rappelé la Perspective du Nouvel An du WSWS, «la conviction qu’il y avait un lien profond entre la santé physique de la population d’un pays et la qualité de son organisation sociale et politique» remonte aux Lumières du XVIIIe siècle. Cette conception a été depuis systématiquement confirmée et étayée par les recherches en anthropologie médicale. Mais les réformes sociales qui ont permis d'améliorer sensiblement la condition de la classe ouvrière ont été arrachées de haute lutte à la bourgeoisie. «Le lien entre la croissance de la classe ouvrière industrielle en tant que force sociale, politique et potentiellement révolutionnaire de plus en plus puissante et l’émergence de la santé publique en tant que question centrale dans la société moderne est un fait historique indiscutable. Les progrès réalisés par la classe ouvrière se sont reflétés dans l’amélioration de la santé publique. La plus importante de ces avancées a été la Révolution d’octobre 1917.»

Les polémiques en cours visant à refuser des soins essentiels aux malades non vaccinées ne doivent pas être prises à la légère. Elle sont le signe des préparatifs en cours pour des attaques majeures contre les droits sociaux et le droit à la santé.

Comme l'écrit la Perspective précitée, «La mise en œuvre d’une réponse à la pandémie progressiste et guidée par la science n’est possible que dans la mesure où cette politique trouve la base sociale nécessaire dans un mouvement de masse de la classe ouvrière à l’échelle mondiale.» «Des milliards de travailleurs à l’international ne vont pas accepter passivement que des millions de personnes meurent d’une mort tout à fait évitable.» «Il faut donner à ce processus objectif une forme organisationnelle et le rendre politiquement conscient. Au cours de l’année écoulée, le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) a lancé deux initiatives essentielles en réponse à la pandémie: l’Alliance ouvrière internationale des comités de base (IWA-RFC) et l’Enquête mondiale des travailleurs sur la pandémie de COVID-19.»

Ces initiatives sont essentielles pour mobiliser les travailleurs et les libérer de la paralysie qu'induit le soutient des forces de la pseudo-gauche et des syndicats à la politique d'immunité collective de la classe dirigeante. Nous appelons les travailleurs, les jeunes et les intellectuels à nous rejoindre pour les mettre en œuvre.

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