Le gouvernement de droite de la Coalition Avenir Québec (CAQ) du premier ministre multimillionnaire François Legault est engagé dans une course effrénée pour éliminer les dernières mesures de santé publique contre la COVID-19 le plus rapidement possible.
Le premier ministre a donné le ton lors d’une conférence de presse le 8 février où il a annoncé un «plan de déconfinement» en vertu duquel «l’essentiel» des mesures sera éliminé au plus tard le 14 mars.
Dès le samedi 12 février, à temps pour l’organisation de soirées d’infections de masse pour le Super Bowl du lendemain, le gouvernement a permis les rassemblements privés de 10 personnes et une augmentation de la capacité dans les restaurants. Le 14 février a vu la réouverture à 50% de leur capacité des centres de conditionnement physique et la reprise des activités sportives intérieures, y compris au niveau parascolaire. Le télétravail obligatoire prendra fin le 28 février. À compter du 7 mars, les élèves au primaire et au secondaire n’auront plus à porter le masque en classe. Finalement, le 14 mars verra la fin des limites de capacités dans les restaurants, salles de spectacles et autres établissements commerciaux.
Signe de la témérité du gouvernement, la plupart des mesures visant à limiter les contacts dans les centres pour personnes âgées, théâtre d’une véritable hécatombe durant la première vaguede la pandémie, ont aussi été éliminées.
Au cours de sa conférence de presse, le premier ministre a répété que les Québécois allaient devoir «apprendre à vivre avec le virus». En janvier, Legault a admis que cette expression signifiait accepter plus d’hospitalisations, de morts et une probable 6e vague. Démontrant encore une fois son indifférence totale à la vie humaine, il a présenté son plan comme un «risque calculé», c’est-à-dire que le gouvernement est prêt à accepter un nombre inconnu de décès en échange de l’élimination de toute mesure freinant l’accumulation des profits privés.
Legault peut bien nier la réalité et ordonner aux Québécois de «reprendre une vie normale», le fait demeure que la pandémie continue de plus belle alors que les gouvernements capitalistes à travers le monde – y compris le gouvernement libéral canadien de Justin Trudeau – laissent le coronavirus se propager librement en levant toutes les restrictions sanitaires.
Le 8 février, lorsque la CAQ a annoncé son plan d’élimination des mesures, 56 personnes sont décédées de la COVID-19. Près de 2.400 personnes étaient toujours hospitalisées en raison de la maladie, plus de trois fois la capacité hospitalière évoquée par le gouvernement au début de la vague Omicron et 400 de plus que le «seuil critique».
Malgré une lente tendance à la baisse, la moyenne quotidienne de décès sur 7 jours est actuellement de 25 et près de 1.800 personnes demeurent hospitalisées.
Par ailleurs, même si le gouvernement a limité l’accès aux tests PCR de dépistage, le taux de positivité se situe à environ 9%, près du double du seuil auquel l’Organisation mondiale de la santé considère que la pandémie est sous contrôle.
Le 10 février, le directeur de la santé publique par intérim Dr Luc Boileau a révélé que plus de 2 millions de Québécois – près d’un quart de la population de la province – auraient été infectés depuis le début de la 5evague en décembre 2021. Cette statistique effarante a été accueillie positivement par les autorités sur la base non-scientifique qu’on approcherait ainsi de l’immunité collective, alors qu’en réalité c’est la mort de masse et la COVID «longue durée» débilitante qui se répandent massivement dans la population.
Pour la même période, le gouvernement a enregistré 440.000 cas officiels, démontrant que les autorités volent à l’aveugle en pleine pandémie et qu’elles se préparent à éliminer toutes les mesures sans connaître la véritable ampleur de la contamination.
Selon des chiffres publiés récemment par l’Institut de la statistique du Québec, la province a enregistré plus de 1.800 décès depuis le 1er décembre qui coïncide avec le début de la vague Omicron, soit un bond de 16% de la mortalité causée par la COVID-19 en moins de trois mois. C’est le chiffre le plus élevé depuis la première vague en 2020, alors que les vaccins n’étaient pas disponibles et que le Québec avait l’un des taux de mortalité par habitant les plus élevés au monde.
Non seulement la vague Omicron est-elle loin d’être terminée, mais des études préliminaires mettent en garde contre le sous-variant Omicron BA.2 qui pourrait être encore plus contagieux et plus mortel. Ce variant est déjà bien présent au Québec.
Malgré cette situation catastrophique, le plan téméraire de Legault n’était pas suffisamment effréné pour la classe dirigeante, bien décidée à en finir une fois pour toutes avec les mesures susceptibles de ralentir son exploitation de la classe ouvrière et la canalisation de profits faramineux dans les poches des riches.
Alors que Legault, son ministre de la santé Christian Dubé et le Dr Boileau ont affirmé lors du dévoilement du «plan de déconfinement» et dans les jours suivants que le passeport vaccinal était là pour rester, le gouvernement a rapidement fait volte-face et annoncé le 15 février que cette mesure serait aussi levée au plus tard le 14 mars. Le Dr Boileau a justifié cette décision par une série de mensonges sur Omicron, affirmant que celui-ci est «moins virulent» et qu’il y a «un avant et un après Omicron».
Poursuivant le complot de l’élite dirigeante pour préparer la levée des mesures, Boileau a alors répété qu’aucun changement n’était prévu pour le port du masque, affirmant que «la situation épidémiologique ne nous permet pas de retirer le masque à ce stade-ci». Il s’agissait d’un autre mensonge.
Le 19 février, le quotidien montréalais La Presserapportait que «les autorités de santé publique analyseront sérieusement ce week-end la possibilité d’annoncer la fin du port du masque obligatoire dans les écoles primaires et secondaires». Au soutien de ce revirement, le Dr Boileau a récité une litanie de faussetés anti-scientifiques utilisées à travers le monde pour attaquer l’obligation de porter le masque: les millions de personnes récemment contaminées, dont des centaines de milliers d’enfants, seraient peu susceptibles d’être infectées de nouveau et le masque «incommodant» freine le développement des enfants.
Comme dans pratiquement tout le monde occidental, la classe politique québécoise attaque les mesures sanitaires visant à protéger la population du virus débilitant et potentiellement mortel de la COVID-19. La classe dirigeante et son gouvernement capitaliste ont adopté la politique «des profits avant les vies» et prônent un retour à la «vie normale» dans laquelle la classe ouvrière se tue au travail pour enrichir les banques, la grande entreprise et les riches investisseurs.
La campagne intense menée par la CAQ depuis le début février pour imposer cette politique n’est pas un hasard. Elle coïncide avec l’occupation d’Ottawa par le soi-disant «convoi de la liberté», mouvement d’extrême droite qui réclame la fin de toutes les mesures de lutte contre la COVID-19. Ce mouvement a été promu et encouragé par de puissantes sections de l’élite dirigeante canadienne parce qu’il leur sert de bélier contre l’opposition généralisée de la classe ouvrière, vaste majorité de la population, à leur politique meurtrière.
Au Québec, un «convoi de la liberté» composé d’éléments marginaux et dans certains cas criminels a tenu des manifestations au centre-ville de Québec, encouragé par les sections très à droite de la classe dirigeante québécoise. Le chef du Parti conservateur du Québec (PCQ) Éric Duhaime, proche des milieux conspirationnistes et anti-vaccins, appuie les manifestations et les utilise pour réclamer la fin immédiate de toutes les mesures sanitaires en déclarant: «s’il n’y a plus de passeport vaccinal et qu’il n’y a plus d’urgence sanitaire, je pense que la manifestation viendrait de perdre beaucoup de sa pertinence».
Duhaime, jusqu’alors à la tête d’un parti presque invisible, est maintenant promu par les grands médias et la classe politique en raison de son opposition aux mesures sanitaires. Cette promotion a provoqué une augmentation significative des intentions de vote du PCQ qui servira la classe dirigeante à pousser la politique nettement vers la droite.
Legault utilise aussi l’agitation de l’extrême droite pour justifier l’élimination des mesures sanitaires, déclarant lors de sa conférence de presse du 8 février: «au-delà de la manifestation, je pense qu’il faut quand même constater, là, qu’il y a de plus en plus de Québécois qui trouvent qu’il y a trop de contraintes suite à la COVID».
Il s’agit d’un renversement de la réalité. Les sondages démontrent tous un fort appui populaire pour le maintien des mesures sanitaires. Si elles suscitent néanmoins un certain malaise parmi une section de travailleurs, c’est à cause de la désorientation causée par (i) l’abolition de tout soutien gouvernemental aux travailleurs et petites entreprises touchés par la pandémie; et (ii) la politique de mitigation et du «vaccin seul» qui, par son rejet catégorique de l’objectif tout à fait réalisable du «Zéro COVID», a causé cinq vagues d’infection et la mort de masse.
Comme le démontre l’absence de toute critique fondamentale par les partis d’opposition et les syndicats pro-capitalistes, la classe dirigeante et les couches aisées de la classe moyenne sont unies dans leur volonté d’un retour à la normalité capitaliste. C’est le cas du parti «de gauche» Québec Solidaire qui a critiqué l’état d’urgence sanitaire décrété au début de la pandémie par le gouvernement Legault – non pas parce qu’il constitue un prétexte pour attaquer les conditions de travail des employés du secteur public, mais depuis la droite en tant que mesure trop restrictive qui aurait dû être levée dans le cadre du «plan de déconfinement».
Seule la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière sur la base d’un programme socialiste et internationaliste peut mettre fin au cauchemar pandémique qui continue de couvrir la planète d’un voile de mort, de maladie et de misère sans fin en vue.