Elon Musk défie l’UAW de syndiquer Tesla

Le 3 mars, le PDG de Tesla, Elon Musk, a publié une série de tweets provocateurs mettant au défi le syndicat United Auto Workers (UAW) de syndiquer l’usine Tesla située à Fremont, en Californie. Les remarques de Musk sont intervenues après que le président Biden a snobé Tesla lors de son discours sur l’état de l’Union du 1er mars tout en félicitant GM et Ford pour leurs investissements dans la production de véhicules électriques et la création de milliers d’emplois «Made in America».

Le PDG de Tesla, Elon Musk (Photo: Wikipédia)

Les constructeurs automobiles de Detroit collaborent depuis longtemps avec le syndicat UAW, tandis que Tesla résiste à la syndicalisation. Dans sa proposition qui fait du surplace «Build Back Better» (pour relancer l’économie), le président Biden a incorporé un crédit d’impôt de 4500$ pour les véhicules électriques construits avec des composants produits aux États-Unis et assemblés par des travailleurs syndiqués. Musk a publiquement dénoncé l’exigence de syndicalisation de Biden.

Musk, l’une des personnes les plus riches du monde, a commencé son tweet du 3 mars en suggérant de manière absurde que les travailleurs de Tesla étaient satisfaits de leurs salaires et conditions. «Notre véritable défi est que [la] Bay Area a un chômage négatif, donc si nous ne traitons pas et ne rémunérons pas bien nos gens (géniaux), ils auront beaucoup d’autres offres et partiront tout simplement! Je voudrais par la présente inviter l’UAW à organiser un vote de syndicalisation à leur convenance. Tesla ne fera rien pour les arrêter.»

Pour provoquer davantage l’UAW, Musk a partagé une vidéo de 2010 de la chaîne YouTube du World Socialist Web Site des travailleurs de l’automobile de l’usine NUMMI dénonçant l’UAW pour les avoir trahis. L’usine de New United Motor Manufacturing Inc. (NUMMI) – une joint-venture entre General Motors et Toyota – a fermé ses portes en 2010 sans la moindre opposition de l’UAW, laissant 4700 travailleurs sans rien de plus que de maigres indemnités de départ. Tesla a acheté l’usine plus tard cette année-là et, avec le financement et l’aide de Toyota, l’a convertie en la première usine de véhicules électriques de l’entreprise naissante. L’usine de Fremont emploie maintenant 10.000 travailleurs horaires.

La vidéo du WSWS a été prise lors d’une réunion de la section locale 2240 de l’UAW pour discuter de la fermeture de l’usine et des indemnités de départ. Lorsque des travailleurs de l’automobile de la base, qui avaient été tenus dans l’ignorance des négociations entre le syndicat et la direction, ont insisté sur leur droit de parole, les responsables de l’UAW les ont insultés et ont appelé la police.

En d’autres termes, la colère des travailleurs était dirigée contre l’UAW parce qu’il les avait trahis à la direction de l’entreprise. C’était l’aboutissement de décennies de «partenariat patronal-syndical» mis en valeur à l’usine NUMMI, qui comprenait la suppression des droits d’ancienneté, des classifications d’emploi et d’autres protections des conditions de travail au nom de «mettre fin aux relations conflictuelles» et d’augmenter la productivité et les bénéfices.

Musk tente de profiter de l’hostilité des travailleurs envers les syndicats pro-patronat pour promouvoir son propre modèle d’entreprise de droite et libertaire, qui repose sur le paternalisme et une hostilité virulente envers les travailleurs qui s’organisent pour s’opposer à l’exploitation capitaliste. Comme son compatriote milliardaire Jeff Bezos, Musk pense que ses opérations peuvent fonctionner plus facilement sans avoir recours aux syndicats pour maintenir les travailleurs dans les rangs. Cela est particulièrement vrai compte tenu du fait que l’UAW fait un mauvais travail pour réprimer l’opposition aux directions des grandes entreprises, comme en témoigne la vague de révoltes de la base au cours des dernières années, y compris plus récemment chez Volvo Trucks , Dana inc. et John Deere.

En 2016, le président de l’UAW, Dennis Williams – qui par la suite fut envoyé en prison dans le cadre de la poursuite d’une douzaine de responsables fédéraux de l’UAW et de proches qui ont accepté des pots-de-vin de l’entreprise ou participé à d’autres actes de corruption syndicale – rencontra Musk et le félicita pour être «quelqu’un de très unique». Williams a déclaré que l’UAW tentait de syndiquer Tesla mais «n’abordait pas cela de manière conflictuelle». En d’autres termes, l’UAW a proposé à Tesla un traitement de faveur pour maintenir les coûts de main-d’œuvre «compétitifs» en échange de la neutralité lors d’un vote de reconnaissance syndicale. De tels accords, conclus dans le dos des travailleurs, ont été le modus operandi des campagnes «d’organisation» de l’UAW chez Freightliner , VW (articles en anglais) et de nombreuses autres entreprises.

Musk rejeta l’appel de l’UAW et utilisa des tactiques anti-démocratiques et illégales pour l’empêcher d’y prendre pied. En 2018, Musk a tweeté que ses employés perdraient leurs stock-options s’ils votaient pour un syndicat. L’entreprise a également interdit aux travailleurs de distribuer de la documentation pro-syndicale dans le parking en dehors des heures de travail et aurait licencié des travailleurs impliqués dans des efforts de syndicalisation.

Dans le cadre des efforts de l’administration Biden pour promouvoir les syndicats, le Conseil national des relations de travail (NLRB) a statué l’année dernière que la Tesla violait la loi en raison des tweets menaçants de Musk et des efforts visant à discipliner les travailleurs impliqués dans des campagnes de syndicalisation.

En provoquant l’UAW, Musk pense probablement qu’une campagne de syndicalisation par l’UAW ne serait pas plus fructueuse que la défaite stupéfiante l’année dernière du syndicat de la grande distribution (RWDSU) à l’entrepôt d’Amazon à Bessemer, en Alabama. Même si l’UAW était en mesure d’obtenir de justesse un vote de reconnaissance syndicale, Musk sait qu’il pourrait faire affaire avec eux. Le syndicat allemand des travailleurs de l’automobile IG Metall cherche également à syndiquer près de 12.000 travailleurs dans une nouvelle usine de Berlin, qui n’a pas encore démarré la production.

L’UAW ne représente aucune menace pour Musk et ses affaires de maximisation de profit. Après avoir passé des décennies à collaborer avec les patrons de l’automobile dans la destruction des emplois, des conditions de travail et du niveau de vie des travailleurs, l’UAW a déjà donné le feu vert à GM et Ford pour créer un nouvel échelon de travailleurs dans les usines de voiture électrique et chez les fournisseurs sur la base de rémunérations et avantages considérablement inférieurs.

Biden, qui se présente régulièrement comme le «président le plus pro-syndical» de l’histoire des États-Unis, cherche à intégrer pleinement les syndicats dans sa stratégie corporatiste et nationaliste contre la Chine. Lors d’une réunion en ligne le 22 février avec des dirigeants syndicaux, des PDG et militaires, Biden a déclaré que la sécurisation des matières premières stratégiques était la clé de la «sécurité nationale» pour contester la domination de la Chine sur la production de batteries de véhicules électriques.

Au cours de cette réunion, Biden a félicité le syndicat United Steelworkers pour son accord avec Talon Metal Corporation pour «former» conjointement les travailleurs à l’extraction de nickel dans le nord du Minnesota et fournir à Tesla un approvisionnement de six ans en métal essentiel pour la production de batteries électriques. En échange d’un traitement de faveur de la part du syndicat, Talon a accepté d’adopter une position de neutralité dans toute campagne de syndicalisation.

Dans le même temps, Biden a clairement indiqué au président de l’USW, Tom Conway, qu’il n’accepterait pas une grève nationale de 30.000 travailleurs des raffineries de pétrole et de la pétrochimie alors que l’administration accélère la production nationale parallèlement à la nouvelle escalade du conflit militaire avec la Russie.

Après s’être appuyé sur les syndicats pour appliquer sa politique de retour au travail pendant la pandémie, le président cherche à utiliser à nouveau les syndicats comme gendarme sur les lieux de travail pour réprimer les grèves et la dissidence interne suite à la mort évitable de près d’un million de victimes de la COVID-19, l’inflation galopante et les demandes de «sacrifice» sans fin dans le but de mobiliser les États-Unis pour de nouveaux affrontement économiques et militaires.

Alors que les syndicats pro-patronat n’offrent aucune perspective progressiste aux travailleurs, les travailleurs de Tesla doivent certainement s’organiser pour faire valoir leurs intérêts. Musk a ramassé sa vaste fortune personnelle en imposant une exploitation extrême et des conditions de travail dangereuses chez Tesla.

En 2018, le Conseil national pour la sécurité et la santé au travail (COSH) a classé Tesla et Amazon parmi les lieux de travail les plus dangereux. Dans un rapport du National COSH, des blessures graves à l’usine étaient presque quotidiennes et les blessures rapportées chez Tesla étaient 31 pour cent plus élevées que dans le reste de l’industrie automobile entre 2015 et 2016.

En février dernier, le département californien de l’Emploi et du Logement équitables a intenté une action en justice contre l’entreprise pour «racisme systémique», sur la base d’allégations d’employés afro-américains de l’usine de Fremont qui ont déclaré être la cible d’insultes racistes régulières et se voyaient souvent attribuer les tâches les plus physiquement exténuantes.

En mai 2020, Musk a ordonné le redémarrage de la production à l’usine de Fremont en violation directe d’une ordonnance de santé publique du comté en raison de la COVID-19. Lorsque les travailleurs de Tesla ont protesté contre la réouverture dangereuse, l’entreprise a licencié plusieurs travailleurs pour ne pas être retournés au travail. Le département de la santé publique du comté d’Alameda, qui a capitulé devant Musk, a rapporté plus tard qu’entre mai et décembre 2020, environ 440 travailleurs de l’usine de Fremont avaient été infectés par la COVID-19. Musk n’a jamais été puni pour cet acte illégal et s’est vu plutôt récompensé par  le marché en devenant l’homme le plus riche du monde en 2020 avec une fortune personnelle nette de 189 milliards de dollars. Selon Forbes, sa fortune se chiffre maintenant à plus de 229 milliards de dollars.

Les travailleurs, qui cherchent un moyen de lutter contre Tesla, devraient tirer les leçons de ces luttes et rejoindre le réseau grandissant de travailleurs qui ont formé des comités d’usine et de travail de la base. Ces comités, dirigés démocratiquement par les travailleurs eux-mêmes, fournissent aux travailleurs les informations et la direction dont ils ont besoin pour se mobiliser dans leurs secteurs et au-delà pour combattre les politiciens capitalistes, les multinationales géantes et les syndicats à leur botte qui se liguent contre eux.

Ces comités sont basés sur les méthodes de la lutte des classes, et non sur la collaboration des classes, et luttent pour les revendications dont les travailleurs ont besoin, et non pour ce que les dirigeants des entreprises et des syndicats prétendent être raisonnable. Il s’agit notamment d’augmentations salariales substantielles et d’ajustements en fonction du coût de la vie pour protéger les travailleurs contre les ravages de l’inflation, le rétablissement de la journée de huit heures, des soins de santé et des retraites entièrement pris en charge par l’employeur, et le contrôle des travailleurs sur le rythme de production et les questions de santé et sécurité.

Le développement des véhicules électriques et d’autres nouvelles technologies est utilisé pour restructurer l’industrie automobile mondiale et mener une attaque internationale contre les travailleurs. C’est pourquoi les comités de la base rejettent le nationalisme de l’UAW et d’autres syndicats et luttent pour l’unité internationale de la classe ouvrière contre l’austérité et la guerre. Le développement de tels comités fait partie du processus de construction d’une puissante contre-offensive de la classe ouvrière mondiale contre le capitalisme, et pour la saisie des gains mal acquis des oligarques comme Musk et Bezos et la réorganisation socialiste de l’économie mondiale basée sur la production pour les besoins humains, et non le profit privé.

Le WSWS encourage les travailleurs de Tesla à nous contacter pour obtenir de l’aide afin d’établir un comité de la base dans leur usine.

(Article paru en anglais le 15 mars 2022)

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