La grève des travailleurs de la gare Union de Toronto sabotée par le syndicat de la FIOE

Vous êtes un travailleur à la gare Union, au Canadien Pacifique ou au Canadien National? Contactezle Comité des travailleurs de la base du CP pour partager votre point de vue sur la dernière capitulation syndicale et pour vous engager dans la lutte pour l’amélioration des salaires, des pensions et des conditions de travail dans les chemins de fer.

***

La grève des 95 responsables des signaux et des communications et de la circulation des trainsà la gare Union de Toronto a été brusquement interrompue mardi par la Fraternité internationale des ouvriers en électricité (FIOE). Capitulant devant les opérations de briseur de grève de la direction, la FIOE a accepté de soumettre toutes les questions en suspens à un arbitrage exécutoire, privant ainsi les travailleurs de tout droit de vote sur leurs futures conditions d’emploi ou de mener des actions collectives de travail pendant des années.

Les travailleurs en grève– employés par l’opérateur privé Toronto Terminals Railway (TTR) – sont responsables du contrôle des trains, de la signalisation et de la maintenance des outils de communications au principal centre ferroviaire de la ville. Avant le lancement de la grève le 20 avril, ils travaillaient sans contrat depuis décembre 2019. Les travailleurs ont répudié de manière décisive un accord de capitulation soutenu par la FIOE l’automne dernier. Cela a sans doute été un facteur important dans la décision des bureaucrates syndicaux de se passer de tout vote démocratique cette fois-ci, et leur empressement de permettre à un arbitre nommé par le gouvernement de déterminer les conditions d’emploi des travailleurs.

Les travailleurs du Toronto Terminals Railway en grève à la gare Union au centre-ville de Toronto. (FIOE Canada)

Alors que l’employeur a combattu la grève bec et ongles avec toutes les ressources à sa disposition, la FIOE a contraint les travailleurs de la signalisation en grève à entrer dans la lutte bâillonnés et avec les mains liées dans le dos. Une opération massive de briseur de grève a été lancée dès le moment où les travailleurs ont débrayé, avec la présence de la police pour s’assurer que les sous-traitants, les gestionnaires et les travailleurs redéployés pouvaient franchir les lignes de piquetage. Unifor, qui représente les travailleurs de la voie ferrée à la gare Union et des milliers de travailleurs du rail à travers le pays, a supervisé une énorme opération de briseur de grève en permettant aux travailleurs de la voie ferrée d’être employés par TTR comme opérateurs et comme techniciens de signalisation tout au long de la grève.

Lundi, Metrolinx, l’agence provinciale qui gère le réseau de lignes de bus et de trains dans la région du Grand Toronto (GTA), a déposé une injonction contre la grève «pour éviter d’autres perturbations de service». Le jour suivant, TTR, propriété conjointe du Canadien National et du Canadien Pacifique, a annoncé qu’un «accord de principe» avait été conclu avec la FIOE et que toutes les questions en suspens seraient soumises à un arbitrage exécutoire. Les travailleurs ont été contraints de reprendre le travail le soir même.

La grève de la gare Union met une fois de plus en évidence le rôle traitre des syndicats qui, au cours des quatre dernières décennies, ont été transformés en police industrielle au service de la grande entreprise. La FIOE a délibérément isolé la grève à la gare Union de Toronto des autres travailleurs de la région de Toronto, rendant leurs lignes de piquetage pratiquement inutiles. Unifor et la FIOE ont fait en sorte que les négociations pour les travailleurs de la voie ferrée et les responsables des signaux restent séparées, puis ont rejeté tout appel à l’unification de leur lutte pendant la grève. Bien conscients qu’un appel puissant lancé par les travailleurs du rail en faveur d’une lutte de masse menée par les travailleurs pour obtenir des augmentations de salaires et d’avantages sociaux dans des conditions d’inflation galopante aurait été accueilli avec enthousiasme dans la région du Grand Toronto – où plus de 15.000 travailleurs de la constructionont déclenché une grève sur ces mêmes questions lundi dernier – et dans tout le Canada, les deux syndicats se sont catégoriquement opposés à l’expansion de la grève au-delà de la gare Union.

L’approbation de l’arbitrage exécutoire par la FIOE fait suite à une série d’actions similaires menées par les syndicats pour saboter les luttes des travailleurs. À la mi-mars, une grève potentielle de 16.000 professeurs des 24 collèges publics de l’Ontario a été empêchée après que le Syndicat des employés de la fonction publique de l’Ontario (SEFPO) ait comploté avec le Conseil des Employeurs des collèges (CEC), mandaté par le gouvernement, pour soumettre toutes les questions en suspens à l’arbitrage exécutoire.

Déterminé à éviter une lutte politique avec le gouvernement Ford à l’approche des élections provinciales de juin prochain, le SEFPO a fait pression en faveur de l’arbitrage exécutoire, conscient que les questions clés concernant la charge de travail et la protection du personnel contractuel ne seraient pas abordées. C’est ce qu’avait déjà fait comprendre un médiateur nommé par le gouvernement, qui avait affirmé avec arrogance en octobre dernier, à l’expiration du contrat, que les propositions du syndicat étaient «très ambitieuses et complètement irréalistes».

À la fin du mois de mars, la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada (CFTC) a brusquement annoncé une entente avec le Canadien Pacifique (CP) pour soumettre toutes les questions relatives à leur différend contractuel à un arbitrage exécutoire. L’entente mettait fin au lock-out de 3.000 chefs de train, mécaniciens et agents de triage, et soulignait le mépris de la CFTC à l’égard des membres qui avaient voté à 97% en faveur de la grève quelques semaines auparavant.

Les travailleurs n’auront pas le droit de voter sur l’accord final, qui les privera de leurs droits légaux de faire grève, de négocier collectivement ou d’entreprendre d’autres moyens de pression pour les années à venir.

Les conditions finales de l’arbitrage du conflit contractuel de la gare Union n’ont pas encore été déterminées. Mais les principaux griefs des travailleurs ne seront pas abordés.

Les «questions en suspens» comprennent les demandes des travailleurs pour des augmentations des salaires et des avantages sociaux afin de compenser des années de stagnation et l’actuelle inflation galopante.

TTR est déterminé à imposer aux travailleurs de la signalisation un contrat calqué sur celui qu’Unifor a réussi à faire accepter aux travailleurs de la voie ferrée en septembre dernier. Ce contrat prévoyait une «augmentation» salariale de 12,5 % sur 5 ans, ce qui représente une augmentation moyenne de seulement 2,5 % par an, dans des conditions où l’inflation augmente actuellement à un taux annuel de 6,7 %.

L’imposition d’un arbitrage exécutoire par la FIOE signifie que les travailleurs seront légalement interdits de tout moyen de pression jusqu’à l’expiration du contrat de cinq ans décidé par l’arbitre.

De tels processus antidémocratiques et pseudo-légaux, mis en œuvre dans le dos des travailleurs, s’inscrivent dans le cadre de la guerre de classe que l’élite dirigeante de tous les pays mène contre les travailleurs. Au début du mois de février, les cheminots de BNSF, le plus grand chemin de fer américain, se sont vus interdire par une injonction du tribunal de mener toute action syndicale contre la politique draconienne d’assiduité «Hi Viz». Le syndicat n’a pas contesté cette décision. Il a préféré soumettre le différend à un arbitre choisi par le National Mediation Board (NMB), une agence gouvernementale américaine qui a l’habitude d’imposer les diktats de la grande entreprise et de bloquer les grèves des travailleurs du rail et des compagnies aériennes.

Le fait que les syndicats aient trahi toutes ces grèves en acceptant des procédures d’arbitrage favorables aux entreprises souligne l’impasse politique dans laquelle se trouvent les organisations «syndicales» pro-employeurs et le cadre «légal» qu’elles respectent et appliquent. Les travailleurs de Toronto Terminals Railway doivent rejeter l’autorité des syndicats pro-patronaux et des partis politiques établis, qui ont l’intention de leur imposer essentiellement le même contrat rempli de concessions qu’ils ont rejeté il y a sept mois.

Les travailleurs doivent former leur propre organisation de lutte pour faire valoir des demandes fondées sur ce dont les travailleurs ont réellement besoin, et non sur ce que la direction des entreprises et les représentants du gouvernement prétendent être «réaliste.» Le CP et le CN ont connu une hausse fulgurante de leurs profits pendant la pandémie, le PDG du CP, Keith Creel, ayant amasséprès de 27 millions de dollars en rémunération personnelle l’an dernier seulement. Cette richesse, accumulée sur la base d’une exploitation de classe brutale et de la suppression des salaires et des avantages sociaux des travailleurs, doit être expropriée et déployée pour garantir des emplois décents et sécuritaires pour tous.

Les travailleurs de TTR doivent lier leur lutte à celle du Comité des travailleurs de la base du CP, qui a été fondé fin mars en opposition à la trahison des travailleurs du rail par les syndicats corporatistes. Le Comité des travailleurs de la base du CPse bat pour mobiliser les cheminots dans toute l’Amérique du Nord afin de mettre fin à la dictature que les compagnies avides de profits, et leurs laquais au gouvernement et dans les syndicats, exercent sur tous les aspects de la vie des travailleurs par le biais de régimes de travail brutaux et de procédures disciplinaires arbitraires. Ces luttes doivent s’étendre au-delà des chemins de fer aux travailleurs dans d’autres industries au Canada et à l’étranger qui souffrent des mêmes conditions d’exploitation, et devenir une contre-offensive mondiale de la classe ouvrière qui lutte pour un programme anticapitaliste et socialiste.

(Article paru en anglais le 6 mai 2022)

Loading