Qu’est-ce qui se cache derrière le soutien de la Ligue internationale socialiste à la campagne de guerre des États-Unis et de l’OTAN contre la Russie?

Les marxistes définissent leur attitude à l’égard d’une guerre donnée en analysant les forces historiques et matérielles profondes qui en sont à l’origine et qui se manifestent dans le développement du conflit. Le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI), tout en s’opposant à l’invasion de l’Ukraine par le gouvernement du président russe Vladimir Poutine, place la guerre actuelle dans le contexte d’une analyse marxiste plus large de l’ensemble du 20e siècle, en particulier des processus historiques déclenchés par la dissolution de l’Union soviétique et des trois décennies de guerre impérialiste menées subséquemment par les États-Unis et l’OTAN.

Les opportunistes petits-bourgeois adoptent une attitude diamétralement opposée. Ils fondent leurs points de vue sur la surface des événements et sur les limites de leur propre orientation vers le capitalisme et son système d’État national.

L’une des expressions les plus frappantes de cette attitude est illustrée par un amalgame moréniste et shachtmaniste appelé la Ligue internationale socialiste (LIS). Au cours des derniers mois, la LIS a publié des déclarations portant des titres tels que «Non à l’agression impérialiste russe contre l’Ukraine! L’OTAN et États-Unis hors de l’Europe de l’Est! Assez des guerres au service des impérialistes!» et «L’impérialisme russe, hors d’Ukraine! Solidarité avec les travailleuses, les travailleurs et le peuple ukrainiens! Stop aux guerres impérialistes!»

Ces pseudo-gauchistes cherchent à camoufler leur soutien aux politiques impérialistes des États-Unis et de l’OTAN par de faux slogans «anti-impérialistes». Se joignant à la propagande de guerre frénétique des médias bourgeois occidentaux dans la promotion de la «résistance ukrainienne», sans égard à son caractère largement d’extrême droite et au fait qu’elle est appuyée par l’OTAN, la LIS présente le prétendu expansionnisme agressif de «l’impérialisme russe» comme le facteur déterminant dans le déclenchement de la guerre. Dans la mesure où la participation de l’OTAN est mentionnée, ils affirment que sa présence «n’est pas une garantie de paix» et «fournit des excuses à Poutine».

La LIS a soutenu avec enthousiasme les manifestations «contre l’agression russe» qui ont eu lieu en Allemagne et dans d’autres pays européens, camouflant le rôle de leurs directions bourgeoises, qui exigent une escalade militaire de la part de leurs États impérialistes, distillent la haine contre la population russe et encouragent le chauvinisme ukrainien.

Manifestation du MST/LIS devant l’ambassade de Russie à Buenos Aires, Argentine (Twitter)

En Amérique latine, où la bourgeoisie nationale a adopté une attitude plus réticente à l’égard du conflit en Ukraine, la LIS elle-même a organisé de telles manifestations qui font appel aux sentiments réactionnaires de la classe moyenne aisée. En Argentine, le principal parti de la LIS, le Movimiento Socialista de los Trabajadores (Mouvement socialiste des travailleurs, MST), a organisé une manifestation devant l’ambassade de Russie à Buenos Aires, dans laquelle les drapeaux de la LIS étaient mélangés à des pancartes de droite dépeignant Poutine comme Hitler et portant le slogan «Slava Ukraini» (Gloire à l’Ukraine).

Le 4 mars, la LIS a publié ses «Chroniques de Kiev», une série de commentaires sur la guerre par Oleg Vernyk (ou Vernik), le leader de son groupe affilié en Ukraine, la Ligue socialiste ukrainienne (USL). Parlant le langage d’un chauvin petit-bourgeois, il a proclamé: «L’armée ukrainienne est beaucoup plus petite en composition et moins préparée. Nous ne sommes pas un État impérialiste. Mais hier, nos hommes ont fait des miracles d’héroïsme. Et ils résistent! ... Longue vie à l’Ukraine!»

La conférence pro-OTAN de la LIS

Ces points de vue ont été développés lors d’un événement en ligne organisé par la LIS le 9 mars intitulé «Conférence internationale de Kiev», avec Vernyk comme principal intervenant. La conférence a complètement confirmé que la prétendue opposition de la LIS à l’OTAN est un canular.

Au nom de la LIS, Vernyk a fait l’éloge de l’État ukrainien et du gouvernement de droite de Volodymyr Zelensky, qu’il a félicité pour avoir «montré des caractéristiques personnelles très positives». Il a affirmé que la présence de forces d’extrême droite et fascistes dans l’appareil d’État ukrainien et dans l’armée n’était rien de plus qu’un «mythe», et a demandé en pratique que les États-Unis et l’OTAN s’engagent dans une confrontation militaire directe avec la Russie, ce qui provoquerait probablement une guerre nucléaire. Selon les mots de Vernyk:

De nombreuses organisations de gauche disent qu’«il y a un conflit entre deux impérialismes, mais nous ne sommes pas prêts à soutenir l’un ou l’autre camp.» Mais nous devrions examiner la situation réelle: qui a commencé une guerre contre qui? L’impérialisme russe. ... Avant la guerre, les États-Unis n’avaient envoyé qu’une centaine d’armes antichars à l’Ukraine, mais il y a eu un énorme scandale, comme s’ils avaient envoyé beaucoup d’armes. Depuis deux semaines, notre président Zelensky demande à l’OTAN de fermer l’espace aérien ukrainien et de défendre le peuple ukrainien. Mais que nous répond l’OTAN? «Chers amis, c’est votre conflit, et nous ne voulons pas y prendre part.»

Contrairement à ce que la LIS prétend de manière trompeuse, l’engagement des États-Unis (ainsi que des puissances impérialistes européennes) dans la guerre contre la Russie en Ukraine va bien au-delà du déploiement de quelques armes. La quantité d’armes américaines et européennes déversées dans le pays, avant et après l’invasion, a en fait été massive et continue de croître. Comme l’a rapportéle World Socialist Web Site, l’administration Biden est en train de faire passer une enveloppe de 40 milliards de dollars d’aide militaire et financière à l’Ukraine, ce qui «porte le total alloué à la guerre en Ukraine en moins de trois mois à un stupéfiant 53 milliards de dollars». De plus, les démarches de la Finlande et de la Suède pour rejoindre l’OTAN sont les dernières provocations impérialistes et préparatifs d’une guerre directe contre la Russie, ce qui donne totalement raison à l’analyse faite par le CIQI.

Mais ce ne sont là que les épisodes les plus récents de l’avancée systématique des États-Unis et de l’OTAN en Europe de l’Est depuis la dissolution stalinienne de l’Union soviétique en 1991. L’objectif est d’encercler et ultimement de transformer la Russie en colonie.

Ces efforts ont été considérablement intensifiés par le coup d’État d’extrême droite soutenu par les États-Unis à Kiev en 2014, qui a transformé l’Ukraine en une base militaire de facto pour les ambitions impérialistes de l’OTAN. Depuis lors, les puissances de l’OTAN se sont livrées à des provocations toujours plus belliqueuses contre la Russie, avec des exercices militaires conjoints avec l’armée ukrainienne et des traités diplomatiques tels que le partenariat stratégique États-Unis-Ukraine, qui brandissait directement la menace d’une guerre contre Moscou.

Le point de départ supposé de la position de la LIS – «qui a commencé une guerre contre qui» – est fondamentalement anti-marxiste. Pour les internationalistes révolutionnaires, la question déterminante n’est pas «qui a tiré le premier», mais plutôt quel est le caractère général d’une guerre donnée et des forces sociales qui l’animent. Dans ses écrits sur la première guerre impérialiste, Lénine a souvent rappelé le célèbre dicton de Clausewitz, «La guerre est une poursuite de l’activité politique par d’autres moyens», affirmant que «les marxistes ont toujours considéré avec juste raison cette thèse comme la base théorique de l’interprétation de chaque guerre donnée.»

Comme Lénine l’a dit, «si vous n’avez pas étudié les politiques des deux groupes belligérants sur une période de plusieurs décennies – afin d’éviter les facteurs accidentels et la citation d’exemples aléatoires – si vous n’avez pas montré quelle incidence cette guerre a sur les politiques précédentes, alors vous ne comprenez pas ce que cette guerre représente» [«Guerre et révolution», mai 1917]. L’attitude critiquée par Lénine, transformée en une méthode systématique de dissimulation politique, est précisément ce qui guide la réponse de la LIS à la guerre.

Les origines pitoyables de la thèse de «l’impérialisme russe»

Cela est particulièrement vrai dans la caractérisation par la LIS de la Russie comme un pays impérialiste, qui arrache le concept d’impérialisme complètement de son contexte historique. Pour le marxisme, l’impérialisme est l’époque du stade de développement le plus élevé du capitalisme, marqué par la domination du capital financier, qui est apparu à la fin du 19e siècle et s’est étendu à notre époque. Que ce soit en temps de guerre ou de paix, les grandes puissances capitalistes poursuivent des politiques impérialistes dans le sens où elles cherchent à résoudre la contradiction entre la croissance des forces productives mondiales et les contraintes des frontières des États nationaux par la volonté de dominer le monde.

La position de la Russie dans cette lutte internationale est celle d’une économie subordonnée, principalement basée sur l’exportation de marchandises (et non de capitaux). Les puissances impérialistes de l’OTAN financent leur guerre par procuration en Ukraine dans le but de prendre le contrôle de la vaste masse continentale russe, qui contient les plus grandes réserves de pétrole, de gaz et de minéraux stratégiques du monde. De plus, cette campagne impérialiste menée par les États-Unis fait partie de préparatifs de guerre plus larges contre la Chine. La Russie, en revanche, intervient militairement à l’étranger en cherchant non pas des colonies à exploiter, mais des garanties géostratégiques contre l’intervention des impérialistes.

La LIS est particulièrement incapable d’expliquer comment la Russie a émergé de la dissolution de l’Union soviétique en tant que nouvelle puissance impérialiste. Cette position n’est en aucun cas une continuation de la tradition du trotskisme, qui a historiquement expliqué que la restauration du capitalisme en URSS entraînerait la transformation de la Russie en un pays semi-colonial. La position de la LIS est un développement, en fait, des positions de l’opposition petite-bourgeoise dirigée par Max Shachtman et James Burnham, qui ont rompu avec la Quatrième Internationale dès 1939-40.

La base de l’opposition shachtmaniste était la répudiation de la définition de Trotsky de l’Union soviétique comme un état ouvrier dégénéré et de sa bureaucratie comme une caste, et non une classe sociale. Des variantes du shachtmanisme – comme celle représentée par C.L.R James (tendance Johnson-Forrest) – proposaient que l’Union soviétique représentât une nouvelle forme de «capitalisme d’État» aux tendances impérialistes. Dans sa rupture complète et ouverte avec les perspectives de la Quatrième Internationale, James s’est exclamé: «Le trotskisme orthodoxe ne peut trouver aucune nécessité objective à une guerre impérialiste entre la Russie stalinienne et l’impérialisme américain. C’est la seule tendance politique au monde qui ne peut reconnaître que le conflit est une lutte entre deux puissances pour la domination du monde.» [Capitalisme d’État et révolution mondiale, 1950]

La caractérisation par la LIS de la Russie actuelle comme une puissance impérialiste contient en elle-même la supposition que l’Union soviétique ne constituait pas un État ouvrier dégénéré, mais une sorte de développement à mi-chemin vers un État capitaliste impérialiste. La dissolution de l’URSS n’aurait représenté que l’achèvement de ce processus. La signification historique de la révolution d’Octobre, au lieu de marquer le coup d’envoi de la révolution socialiste internationale, est réduite à un simple raccourci dans le développement du capitalisme national russe.

Dans sa défense réactionnaire de l’État national ukrainien, la LIS révèle davantage les implications de sa conception historique pitoyable. Prônant la collaboration avec les forces militaires de Zelensky, Vernyk affirme que le régime ukrainien devrait être soutenu parce que, prétendument en opposition au «totalitarisme» russe, il n’est qu’une «démocratie bourgeoise ordinaire». Dans sa déclaration du 21 janvier mentionnée précédemment, la LIS déclare que «L’obstacle à l’établissement du contrôle complet et total de l’impérialisme russe sur le territoire de l’ex-URSS a été l’Ukraine.»

De ces affirmations, on peut conclure que l’éclatement de l’Union soviétique – un événement historique progressiste selon le point de vue politique réactionnaire de la LIS – a abouti à deux produits distincts: la «Russie impérialiste» d’une part, et «l’Ukraine démocratique» de l’autre. Le corollaire logique de cette perspective est que, pour éliminer «l’impérialisme russe» et donner naissance à d’autres «démocraties bourgeoises ordinaires», la Russie doit à nouveau être écrasée et partitionnée.

Les fausses conceptions de «l’impérialisme russe» et de «l’Ukraine démocratique» doivent être rejetées par les marxistes. Les États russe et ukrainien ont des caractéristiques fondamentalement communes en tant que produit réactionnaire de la dissolution de l’Union soviétique. Tous deux sont dirigés par des oligarchies capitalistes en faillite – les descendants de la bureaucratie stalinienne et les héritiers de la propriété volée à l’État soviétique – qui sont fondamentalement incapables d’affirmer leurs intérêts indépendamment de l’impérialisme.

L’orientation traître de la LIS vers l’État bourgeois ukrainien et l’OTAN n’est pas simplement platonique. Leurs partisans en Ukraine s’assoient à des tables de négociation avec des agents impérialistes, prennent des engagements avec des politiciens d’extrême droite et construisent leur électorat parmi les forces paramilitaires fascistes.

Le sale bilan de la LIS en Ukraine

La LIS n’offre aucune explication sur les origines et la trajectoire politiques des forces qui ont fondé sa Ligue socialiste ukrainienne (USL). C’est compréhensible, car un examen de ses antécédents et de ses liens révèle un bilan politique des plus sordides.

Sur son site Internet, la LIS indique que la fondation de l’USL a eu lieu il y a un peu plus d’un an, en avril 2021. Le discours d’ouverture de l’événement a été prononcé par le leader du groupe, Oleg Vernyk, présenté comme le président du syndicat Zakhyst Pratsi (Défense du travail). Affichant la marque de toute tendance politique opportuniste, Vernyk a déclaré que l’USL répudie les «conflits traditionnels dans le milieu marxiste» et propose au contraire «l’unification des efforts» de «toutes les organisations et tous les cercles marxistes qui existent en Ukraine.»

Tandis que les divisions de principe qui ont émergé au sein du mouvement marxiste tout au long du 20e siècle – la plus décisive étant la «rivière de sang» séparant le trotskisme et le stalinisme – n’intéressent pas l’USL, elle est encline à diviser les tendances politiques en fonction de leur orientation vers les différents États nationaux bourgeois. Dans une récente interview accordée au site russe Levoradikal, Vernyk définit «moi-même et mes camarades de l’USL» comme la «gauche pro-ukrainienne», par opposition à la «gauche pro-russe [qui], bien sûr, domine la gauche en Ukraine». Il prétend que sa position se résume à «combattre systématiquement l’impérialisme russe en Ukraine et l’impérialisme occidental en même temps.» C’est un mensonge flagrant.

Les liens entre Vernyk, ses syndicats (il est également à la direction des Syndicats démocratiques d’Ukraine) et les forces politiques pro-impérialistes qui ont promu le coup d’État de Maidan sont flagrants. Dans l’une de ses déclarations de 2014, les Syndicats démocratiques d’Ukraine affirment: «L’Union panukrainienne des Syndicats démocratiques d’Ukraine, représentée par ses dirigeants et ses membres syndicaux, est présente au Maidan européen dans la capitale ukrainienne, Kiev, depuis le premier jour des manifestations de masse contre la violence brutale du gouvernement visant à annuler le choix historique du peuple ukrainien: intégrer l’Europe».

Révélant son rôle d’agent des puissances impérialistes européennes et sa perspective nationaliste purement bourgeoise, la déclaration appelle à la «[f]ormation d’un gouvernement pro-européen de confiance populaire» et à «un large débat public impliquant les politiciens, la société civile et les partenaires européens sur la manière de mettre en œuvre l’accord». Ce programme réactionnaire aura lieu par la suite, avec Vernyk assis à la tabledes représentants des classes dirigeantes européennes et ukrainiennes pour discuter de l’avenir capitaliste du pays.

Plusieurs photos sur la page Facebook des Syndicats démocratiques d’Ukraine – désormais dédiée au partage des déclarations de la LIS et de l’USL – montrent leurs drapeaux levés aux côtés de ceux du parti fasciste Svoboda (Liberté), l’une des principales forces du coup d’État d’extrême droite de 2014. Dans l’une d’elles, les deux drapeaux sont suspendus ensemble sur un mur de ce qu’ils prétendent être «l’occupation de la mairie de Kiev» en décembre 2013.

Glorifiant l’Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA) et son chef Stepan Bandera, qui a aidé les nazis dans les horribles massacres de la population juive pendant la Seconde Guerre mondiale, Svoboda a publié une déclaration en 2010 où l’on peut lire: «Pour créer une Ukraine véritablement ukrainienne dans les villes de l’Est et du Sud... il faudra annuler le parlementarisme, interdire tous les partis politiques, nationaliser toute l’industrie, tous les médias, interdire l’importation en Ukraine de toute littérature en provenance de Russie... remplacer complètement les dirigeants de la fonction publique, la direction de l’éducation, l’armée (surtout à l’Est), liquider physiquement tous les intellectuels russophones et tous les ukrainophobes (rapidement, sans procès. L’enregistrement des ukrainophobes peut être fait ici par n’importe quel membre de Svoboda), exécuter tous les membres des partis politiques anti-ukrainiens...»

Lors des élections locales ukrainiennes de 2020, Vernyk a fait une déclaration officielle soutenant le candidat de droite Yuriy Levchenko et son parti People’s Power, qui avait accepté des dirigeants de son syndicat comme candidats. Vernyk a écrit: «Au nom du Comité central du VNPS “Labor Defense”, j’exprime ma gratitude envers le parti politique “l’équipe de Levchenko du People’s Power”, qui démontre en fait le soutien pour les syndicats indépendants d’Ukraine et nomme avec audace et principe ses militants aux gouvernements locaux.»

Le parti People’s Power soutenu par Vernyk a été fondé en 2020 par Levchenko peu après sa rupture avec Svoboda, qu’il représentait en tant que député à Kiev. Un épisode représentatif de sa carrière politique s’est produit en octobre 2017, lorsque Levchenko a admis avoir lâché une bombe fumigène à l’intérieur du parlement pour perturber le vote d’un projet de loi pour un «Règlement pacifique de la situation dans certaines zones des régions de Donetsk et de Louhansk».

L’orientation sinistre de l’USL vers l’extrême droite ukrainienne est également mise en évidence par une publication sur la page Facebook de Vernyk. Sur une photo, datée de novembre 2017, il pose aux côtés de policiers en uniforme décrits comme des membres de la patrouille de police spéciale, parmi lesquels il serait en train de fonder une section syndicale. Il écrit dans la légende: «Le temps est venu où les soldats du régiment, sur les épaules desquels repose le dur quotidien de l’opération antiterroriste, commenceront de manière indépendante et responsable à lutter pour leurs droits du travail et socio-économiques dans les rangs de notre syndicat militant indépendant.»

La patrouille de police spéciale est un produit direct du coup d’État de 2014. Sous le nouveau régime, elle a été créée sous la forme d’un réseau de «bataillons de volontaires» formés par des forces paramilitaires, dont certaines sont ouvertement fascistes, comme le tristement célèbre bataillon Azov, qui porte comme emblème une variante de la croix gammée nazie. Yuriy Bereza, un politicien fasciste et commandant du bataillon Dnepr-1, a expliqué l’importance de ces milices: «Les bataillons de volontaires, qui ont été créés au sein de la structure du ministère de l’Intérieur, sont probablement l’une des réformes les plus significatives qui ont amené de vrais patriotes dans la police.»

Vernyk (à gauche) se tient aux côtés d’agents de la patrouille de police spéciale (Source: Facebook)

L’homme de la LIS en Ukraine, Oleg Vernyk, a un passé extrêmement douteux. En 2003, il était au centre d’accusations d’une «fraude politique et financière» en Ukraine impliquant «au moins 12 et probablement beaucoup plus (plus de 20) organisations dans le monde entier», selon la League for the Revolutionary Party (Ligue pour le parti révolutionnaire, LRP) aux États-Unis, l’une des organisations qui sont tombées dans le panneau.

Alors qu’ils dirigeaient la section ukrainienne du Comité pour une Internationale ouvrière (CWI), Vernyk et ses collègues se seraient présentés sous différentes identités à diverses «organisations occidentales», déclarant leur intérêt pour la création d’un groupe affilié en Ukraine et, sous ce prétexte, recueillant le soutien financier de chacune d’entre elles. Ces opérations frauduleuses et les faux partis politiques qu’elles ont créés ont duré des années, révélant par la même occasion la corruption des relations «internationales» recherchées par ces diverses organisations de la pseudo-gauche. Le scandale a conduit le CWI à publier une déclarationen août 2003 annonçant sa décision de «Suspendre immédiatement Oleg Vernik, membre de l’IEC du CWI, et de recommander son expulsion à la prochaine réunion de l’IEC.»

Une autre personnalité qui aurait participé à cette fraude est Ilya Budraitskis, alors représentant de la section russe du CWI, aujourd’hui dirigeant du Russian Socialist Movement pabliste (Mouvement socialiste russe) et, comme Vernyk et l’USL, apologiste du coup d’État de Maidan.

Qu’est-ce que la LIS?

La LIS est un amalgame politique de tendances nationales aux origines anti-trotskistes différentes, qui ont en commun le besoin de cacher leurs bilans d’opportunisme et de trahisons de la classe ouvrière sous une nouvelle façade politique.

Elle a été fondée en 2019 à l’initiative du MST argentin, un parti issu d’une scission du Movimiento al Socialismo (Mouvement vers le socialisme, MAS) de Nahuel Moreno en 1992. S’il est impossible de trouver une explication aux raisons politiques qui les ont poussés à rompre avec le MAS et son groupement international, la LIT-CI, leur bilan ultérieur n’a fait que renforcer les aspects les plus corrompus du morénisme.

Entre 1997 et 2005, le MST s’est présenté dans l’alliance électorale «Izquierda Unida» (Gauche unie, IU) avec le Parti communiste stalinien d’Argentine. Ils ont emprunté le nom d’une des alliances opportunistes établies entre le MAS de Moreno et le PC déjà discrédité au lendemain de la dictature militaire argentine. Et, même après la rupture de leur alliance avec les staliniens en 2005, le MST a continué à la défendre comme son modèle politique fondamental. En 2015, il a rejoint le Frente de Izquierda y de Trabajadores (Front de gauche et des travailleurs, FIT), dirigé par le Partido Obrero (Parti ouvrier, PO) et le Partido de los Trabajadores Socialistas (Parti des travailleurs socialistes, PTS), où il est resté jusqu’à aujourd’hui. Le PO a lancé une initiative avec le Parti révolutionnaire des travailleurs (EEK) en Grèce et le Parti des travailleurs révolutionnaire (DIP) en Turquie pour «refonder» la Quatrième Internationale en alliance avec les staliniens russes.

La Marea Socialista vénézuélienne (Vague socialiste, MS), une autre section fondatrice de la LIS, a été créée lors de l’arrivée au pouvoir du gouvernement nationaliste bourgeois d’Hugo Chavez, qu’elle a défini comme une révolution. En 2008, le MS a rejoint le Partido Socialista Unido de Venezuela (Parti socialiste uni, PSUV) de Chavez au pouvoir, pour le quitter plus tard en 2015 tout en prétendant représenter le «vrai chavisme» contre les «déviations» commises par le nouveau président Nicolás Maduro.

L’orientation vers leurs propres États nationaux bourgeois et leurs établissements politiques est ce qui définit les politiques de chaque section de la LIS. Cela génère le potentiel permanent d’une implosion organisationnelle. L’élection présidentielle de l’année dernière au Chili l’a clairement démontré: les sections chilienne et turque de la LIS ont publié des déclarations contradictoires sur la victoire du candidat de la pseudo-gauche Gabriel Boric sur son rival d’extrême droite José Antonio Kast. Alors que le Movimiento Anticapitalista (Mouvement anticapitaliste) chilien a «lancé un appel clair à voter contre Kast» en faveur de Boric et a célébré «la défaite du pinochetisme», le Sosyalist Emekçiler Partisi turc (Parti socialiste des travailleurs, SEP selon l’acronyme turc) a déclaré que les «révolutionnaires» ne devraient pas «se réjouir de la victoire de Boric à la présidence».

La LIS n’a pas été et ne pouvait pas être créé sur la base d’une analyse critique de sa propre expérience politique, et encore moins par une appropriation de principe des 80 ans d’histoire du mouvement trotskiste, avec lequel il a rompu tous les liens. Elle part plutôt d’une tentative de falsifier cette histoire et prétend que la Quatrième Internationale n’a en fait jamais existé, n’étant qu’un projet avorté avec l’assassinat de Trotsky en 1940.

En 2020, la LIS a organisé un événement intitulé «Série Léon Trotsky», censé célébrer la vie du grand révolutionnaire russe. Le dirigeant de la LIS, Alejandro Bodart, a résumé la vision frauduleuse de son organisation sur l’histoire de la Quatrième Internationale après la mort de Trotsky:

[La] distance entre l’expérience et les capacités [de Trotsky] et celles des cadres qui ont poursuivi son travail était énorme. ... La Quatrième Internationale a été décimée et effectivement paralysée pendant la guerre. Et quand elle s’est réorganisée à la fin, ses dirigeants se sont avérés ne pas être à la hauteur des circonstances difficiles. ... Ces circonstances difficiles ont été aggravées par une série d’erreurs énormes commises par les dirigeants de la Quatrième Internationale, qui ont fini par diviser et disperser le mouvement trotskiste. ... Ceux d’entre nous qui ont continué la lutte pour construire un parti révolutionnaire mondial l’ont fait séparément, en construisant des courants internationaux centrés sur un parti plus développé avec des groupes partageant les mêmes idées dans d’autres pays.

Soulignant les conclusions politiques tirées de cette fabrication historique, Bodart poursuit: «[L]a découverte de l’héritage [de la Quatrième Internationale] exige que nous dépassions les limites que nous avons eues. C’est le défi que relève la LIS en essayant de regrouper les révolutionnaires qui viennent de différentes expériences et traditions, de différents courants du trotskisme sur la base d’un programme de principe pour la révolution socialiste.»

Le refus de la LIS d’aborder les luttes internes qui se sont développées au sein de la Quatrième Internationale pendant et après la Seconde Guerre mondiale remplit un rôle politique essentiel. En effaçant et en falsifiant l’histoire de la lutte prolongée du trotskisme orthodoxe contre toutes sortes de révisionnisme, elle tente d’éviter l’identification évidente de la politique opportuniste qu’elle poursuit à celle des renégats anti-trotskistes de la Quatrième Internationale. Bodart lui-même et son MST étaient jusqu’à récemment représentés au Secrétariat unifié pabliste avec un statut d’observateur.

Dans son document «De quel type d’organisation internationale avons-nous besoin?», la LIS prône un «modèle différent de construction internationale», rejetant ouvertement les principes sur lesquels la Quatrième Internationale a été fondée, et déclare que «la LIS n’est pas construite sur une similitude à 100%».

Expliquant le type d’hétérogénéité politique qu’elle préconise, il est dit que «les différences partielles, telles que la nature de classe de l’URSS, qui est une discussion très classique du passé, ne peuvent pas être une raison de séparation.»

La «discussion très classique du passé» à laquelle ils font référence, loin d’être une question ouverte pour le mouvement trotskiste, a été la cause d’une scission définitive entre le trotskisme et l’opportunisme petit-bourgeois. La voie empruntée par ceux qui se sont opposés à la désignation par la Quatrième Internationale de l’URSS comme un État ouvrier, comme Max Shachtman, a abouti à une collaboration directe avec l’impérialisme américain: où la LIS se trouve aujourd’hui.

Un autre ancêtre historique des sections de la LIS, Tony Cliff, a rompu avec la Quatrième Internationale en 1950 sur la base de la «théorie» shachtmaniste du capitalisme d’État, proclamant que l’Union soviétique était une nouvelle forme de société de classes et la bureaucratie stalinienne une nouvelle classe dirigeante. Rejetant la défense de l’URSS contre l’impérialisme, il lance le slogan «ni Washington ni Moscou».

Rejetant tous les fondements historiques de la Quatrième Internationale et se basant sur le révisionnisme shachtmaniste et pabliste, la LIS est l’une des nombreuses organisations anti-trotskistes de classe moyenne qui abusent de la dignité du trotskisme et invoquent la nécessité d’une organisation «internationale» uniquement pour camoufler leurs programmes nationaux opportunistes.

Les avertissements clairvoyants du CIQI et son attitude révolutionnaire internationaliste face à la guerre

Comme nous soulignons que la guerre actuelle en Ukraine est enracinée dans les conséquences de la dissolution de l’Union soviétique, une position révolutionnaire de principe par rapport à la guerre actuelle doit découler d’une évaluation politique correcte de l’événement historique majeur de 1990-91.

Dans son document, «Notre vision du monde. Notre stratégie», la LIS proclame que «Ce n’était pas une contre-révolution triomphante qui a ouvert la voie à la restauration capitaliste, mais une révolution démocratique après l’autre qui a mis fin à la domination du stalinisme sur un tiers de la planète». Avec cette célébration réactionnaire, la LIS revendique sa place dans la sale tradition des morénistes et d’autres organisations pablistes qui ont donné une couverture politique à la restauration stalinienne du capitalisme en Union soviétique.

Le CIQI a clairement vu la dissolution de l’Union soviétique et la restauration du capitalisme par la bureaucratie soviétique comme le point culminant de la contre-révolution stalinienne, confirmant pleinement le pronostic et la perspective de la Quatrième Internationale. Les morénistes, cependant, prétendaient que cela représentait un nouveau type de «révolution démocratique» non envisagé par Trotsky qui réfutait fondamentalement le programme de la Quatrième Internationale.

Luttant pour jeter la lumière sur les illusions promues par la bureaucratie stalinienne et ses apologistes pablistes, le CIQI a averti la classe ouvrière soviétique et internationale que la dissolution de l’Union soviétique n’ouvrirait pas la voie à l’épanouissement du capitalisme et à une coexistence pacifique avec l’impérialisme. Au contraire, elle conduirait à la fragmentation du territoire de l’URSS et à l’intensification de l’agression par les puissances impérialistes, sans parler d’une baisse sans précédent du niveau de vie de la classe ouvrière soviétique. Telles sont les tendances qui se sont manifestées au cours des 30 années de guerres menées par les États-Unis et l’OTAN, dont la guerre actuelle en Ukraine est la continuation.

Après le putsch d’août 1991 en URSS, David North s’est rendu à Kiev au nom du Comité international de la Quatrième Internationale et a donné une conférence dans un club ouvrier. Dans cette conférence, basée sur l’analyse trotskiste de l’économie mondiale et du danger de la restauration capitaliste en Union soviétique, il a déclaré: «Alors que la Russie et l’Ukraine tentent de s’intégrer dans les structures de l’impérialisme mondial sur une base capitaliste, elles se trouveront rapidement confrontées non seulement à tous les problèmes massifs auxquels sont confrontées toutes les autres nations du tiers monde – dont aucune n’a trouvé de réponse satisfaisante à ses problèmes – mais aussi à des difficultés supplémentaires et particulièrement pénibles.»

Comme l’explique North, «la seule solution qui peut être trouvée est celle qui est basée sur le programme de l’internationalisme révolutionnaire.» Il poursuit:

Le retour au capitalisme, pour lequel les campagnes chauvines des nationalistes ne sont qu’un prétexte, ne peut que conduire qu’à une nouvelle forme d’oppression. Au lieu que chacune des nationalités soviétiques approche les impérialistes séparément, la tête baissée et les genoux pliés, en quémandant des aumônes et des faveurs, les travailleurs soviétiques de toutes les nationalités devraient forger une nouvelle relation, basée sur les principes de l’égalité sociale et de la démocratie réelle, et sur cette base entreprendre la défense révolutionnaire de tout ce qui vaut la peine d’être conservé de l’héritage de 1917.

Les 30 dernières années d’expansion de l’OTAN vers l’est et d’encerclement incessant de la Russie, provoquant une invasion désespérée en Ukraine, ont confirmé ces avertissements. Le récit des morénistes et d’autres groupes de la pseudo-gauche d’une «Russie impérialiste» menant une guerre expansionniste non provoquée, de l’autre côté, n’a aucune base historique ou matérialiste.

Comme le WSWS l’a précédemment expliqué, même si cette définition était correcte (ce qui n’est pas le cas), cela ne justifie pas le soutien des morénistes à l’OTAN et à l’État national ukrainien. Le «défaitisme» socialiste s’applique à toutes les parties lors d’un conflit inter-impérialiste.

Il y a près de 90 ans, Trotsky expliquait qu’«Un “socialiste”qui prêche la défense nationale est un réactionnaire petit-bourgeois au service du capitalisme en décomposition.» La tâche des marxistes en Ukraine n’est pas de défendre leur «propre» État national soutenu par l’impérialisme contre la Russie dans la guerre, mais de faire avancer une perspective révolutionnaire internationaliste basée sur le défaitisme socialiste pour unifier et mobiliser la classe ouvrière ukrainienne, russe et internationale contre les puissances de l’OTAN, ainsi que les régimes de Kiev et du Kremlin.

Les marxistes russes doivent également baser leur perspective sur le défaitisme socialiste, en mobilisant les masses de travailleurs et de jeunes contre le régime de Poutine avec la demande d’une fin immédiate de l’invasion réactionnaire. Les seuls alliés des travailleurs russes sont leurs sœurs et frères de classe ukrainiens et à travers le monde. Cette position fait partie intégrante d’un programme unique pour la classe ouvrière ukrainienne et internationale basé sur une stratégie révolutionnaire socialiste mondiale. Cela signifie construire des sections du CIQI en Ukraine, en Russie et dans le monde entier.

Les explications de la pseudo-gauche sur la guerre actuelle taisent également le fait qu’elle tire ses racines de la crise insoluble du capitalisme mondial, portée à un niveau explosif par la pandémie de COVID-19. En plus de la guerre, la réponse criminelle de la classe dirigeante capitaliste à la pandémie chamboule le niveau de vie de centaines de millions de personnes dans le monde et pousse les masses prolétariennes sur la voie de la révolution socialiste.

La grande vague de protestations et de grèves qui éclate dans le monde entier, du Sri Lanka à la Turquie, au Brésil et sur tous les continents, constitue la base d’un mouvement international contre la guerre, les inégalités sociales et la politique de la mort de masse face à la pandémie: un mouvement luttant pour le socialisme.

(Article paru en anglais le 17 mai 2022)

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