Sur fond d’explosion de grèves, Macron appelle à la guerre contre la Russie

Lundi, le président Emmanuel Macron s’est engagé à mettre la France sur le pied de guerre, à augmenter les dépenses militaires et à intensifier drastiquement l’exploitation des travailleurs.

Au salon militaire Eurosatory à Paris, il a dit que la France et l’Union européenne (UE) vivent «une économie de guerre dans laquelle (…) nous allons durablement devoir nous organiser». A propos de la guerre de l’Otan contre la Russie en Ukraine, il a dit: «j’ai demandé au ministre [des armées] et au chef d’état-major des armées de pouvoir mener dans les semaines qui viennent une réévaluation de cette loi de programmation militaire à l’aune du contexte géopolitique».

Alors que le budget militaire français devrait passer de 40,4 à 50 milliards d’euros d’ici 2025, il a déclaré: «Il nous reste beaucoup à faire pour nous adapter aux transformations profondes que nous sommes en train de vivre. Et, pour qui douterait de l’urgence de ces efforts, il suffit de regarder une fois encore vers l’Ukraine, dont les soldats réclament un armement de qualité et qui sont en droit d’avoir une réponse là aussi de notre part … Nous prendrons les décisions des investissements et nous aurons les exigences qui vont avec».

Alors que les grèves se multiplient, Macron persiste et signe dans le militarisme et son agression contre la Russie. Les travailleurs des hôpitaux et des aéroports ont fait grève la semaine dernière, cheminots et routiers devraient faire grève la semaine prochaine, sur fond de colère croissante contre l’inflation et la hausse des prix. Le parti de Macron s’est fait battre en deuxième position lors du premier tour des élections législatives de ce week-end par la NUPES de Jean-Luc Mélenchon.

Le «président des riches» fournit un exemple classique d’un gouvernement désespéré et haï qui utilise les aventures militaires extérieures pour tenter d’étrangler la lutte des classes à l’intérieur. Macron veut faire de la guerre Otan-Russie en Ukraine une justification du programme d’augmentation des dépenses militaires, de 80 milliards d’euros de coupes sociales, et de montée des cadences dans les industries stratégiques — face à une opposition sociale croissante.

Des sources militaires ont révélé au Monde un projet de loi draconien qui permettrait à l’État de réquisitionner la production industrielle et de dicter les cadences dans toute industrie liée à la défense. La Direction générale de l’armement (DGA) coordonne ce plan avec les grandes entreprises de défense, telles que Thales ou Dassault, et leurs fournisseurs.

Le Monde décrit «un texte législatif permettant la réquisition de matériaux ou de compétences d’entreprises civiles sans que la France soit formellement en guerre, comme l’encadre la loi aujourd’hui. … L’Etat pourrait par exemple demander à une PME de mécanique de précision qui ne travaille pas pour le secteur de la défense de se mettre à disposition d’un industriel de l’armement pour accélérer ses cadences.»

Selon le chef de la DGA, Alexandre Lahousse, cela vise à augmenter rapidement les stocks «d’obus, de missiles, d’artillerie et les équipements du fantassin», les équipements utilisés en Ukraine. Cela permet aussi de réquisitionner de grandes quantités de matières premières stratégiques sont le titane, l’acier et les terres rares, ou des pièces critiques comme les semi-conducteurs. «Certains industriels craignent que Washington ne réquisitionne des matériels pour ses propres armées.», note le journal.

Ce n’est pas seulement le danger croissant d’une guerre mondiale qui éclaterait en Europe, mais aussi les rivalités stratégiques et commerciales entre les puissances impérialistes de l’OTAN — notamment entre Washington et l’UE — qui poussent la témérité militaire de Macron.

L’Allemagne, en particulier, a créé un fonds spécial de 100 milliards d’euros pour le réarmement. Berlin renie la politique de retenue militaire adoptée après la chute du régime nazi et cherche à devenir à nouveau la puissance militaire hégémonique de l’Europe. Après deux guerres mondiales qui ont opposé la France et l’Allemagne au 20e siècle, le réarmement explosif de l’Allemagne suscite sans doute la consternation de sections importantes de la hiérarchie militaire française.

Lors des élections présidentielles, la candidate néofasciste Marine Le Pen a dénoncé l’Allemagne comme «le négatif absolu de l’identité stratégique de la France». Elle a également appelé à «un rapprochement stratégique entre l’OTAN et la Russie» une fois la guerre en Ukraine terminée et a critiqué la politique étrangère américaine envers la Chine, «trop agressive.» D’apparence moins agressive contre la Russie et la Chine, Le Pen a toutefois appelé à menacer l’Algérie et à mener des guerres impérialistes dans l’ancien empire colonial français en Afrique.

Macron parle, cependant, pour les forces de la bourgeoisie française qui, malgré des conflits avec Berlin, veulent travailler avec elle pour construire l’UE comme contrepoids à Washington. Macron n’a pas dénoncé Berlin, mais l’a implicitement critiqué pour avoir acheté trop d’armes américaines, chasseurs F-35 et hélicoptères Chinook, plutôt qu’à des projets pour un nouveau char et un nouvel avion de combat franco-allemand.

«On dépense beaucoup beaucoup mais on va acheter ailleurs», a-t-il regretté, appelant à une «préférence européenne.» Il a ajouté: «Nous avons besoin de renforcer une industrie et une base industrielle et technologique de défense européenne beaucoup plus forte et beaucoup plus exigeante [...], sinon nous construirons les dépendances de demain».

Les propos bellicistes de Macron reflètent la crise mortelle du système capitaliste. Pendant les deux premières années de la pandémie, les autorités européennes et américaines ont dépensé des milliers de milliards d’euros et de dollars pour sauver les banques et les super-riches – tout en insistant qu’une stratégie scientifique pour stopper le virus coûterait trop. Ceci alimente l’inflation qui dévaste maintenant le niveau de vie des travailleurs et provoque une vague de grève croissante.

Comme d’autres chefs d’État de l’Otan, Macron réagit en attisant la guerre avec la Russie et en s’apprêtant à réimposer une forme d’état d’urgence. Il le fait sous le prétexte frauduleux qu’il mène une guerre de défense nationale. Mais la principale menace qui pèse sur la vie et les salaires des travailleurs en France et en Europe ne vient pas de la Russie. Cela vient surtout des politiques sociales et militaires irresponsables des gouvernements impérialistes de l’OTAN.

Lors du second tour des élections présidentielles entre Macron et Le Pen en avril, le Parti de l’égalité socialiste (PES) a appelé à une campagne dans la classe ouvrière pour boycotter le second tour, rejeter les deux candidats, et préparer un mouvement contre le candidat qui l’emporterait. Il a souligné que Macron ne serait pas une alternative à Le Pen, et marcherait aussi vers la dictature et la guerre. Les appels de Macron à mettre la France sur le pied de guerre confirment cette évaluation.

Cela témoigne de la faillite de la stratégie avancée par Mélenchon, de demander aux électeurs de lui donner une majorité à l’Assemblée nationale pour qu’il devienne Premier ministre. Mais ceci laisserait au président Macron un contrôle total sur la politique étrangère. Macron pourrait imposer le réarmement militaire et de faire pression pour des réductions de salaires et de dépenses sociales, faisant fi des promesses de Mélenchon d’augmenter les salaires et les pensions.

La décision de Mélenchon de s’aligner sur le flot de dénonciations de la Russie par Macron et les médias doit être prise comme un avertissement: lui et les appareils syndicaux français capituleront devant les appels de Macron à réduire le niveau de vie pour favoriser l’effort de guerre.

La défense des salaires et des acquis sociaux contre Macron, comme la lutte pour empêcher une guerre totale de l’OTAN avec la Russie, dépend du mouvement indépendant et international de la classe ouvrière contre l’inflation et la guerre.

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