Des contrôleurs SNCF non-syndiqués font grève à Noël malgré l’opposition des appareils syndicaux

Face à l’hostilité du gouvernement et des syndicats, un collectif de contrôleurs non-syndiqués de la SNCF lance un mouvement de grève pour le week-end de Noël, réclamant une revalorisation salariale et une meilleure reconnaissance de leur métier.

Selon la SCNF, deux TGV sur cinq seront supprimés samedi et dimanche. Deux TGV sur trois devraient circuler sur les axes Atlantique et Méditerranée, un train sur deux sur l'axe Nord (le Paris-Lille est annoncé quasiment normal).Trois trains sur cinq devraient circuler sur les axes Est et Sud-Est/Méditerranée. Seulement deux Ouigo sur trois circuleront. Les TGV entre gares de province seront beaucoup touchés avec un train sur deux seulement.

Les Intercités rouleront à une fréquence de trois trains sur quatre. Il n'y aura qu'un train sur deux vers l'Espagne, deux sur trois vers l'Italie et trois sur quatre sur le Lyria (entre la France et la Suisse).

Cette grève impacte 200.000 voyageurs et coûtera à la compagnie ferroviaire 20 millions d’euros par jour. Sur RTL, le président de la SNCF Jean-Pierre Farandou en a appelé ce jeudi à «la responsabilité des chefs de bord TGV» pour qu'ils ne maintiennent pas leur mouvement de grève le week-end du Nouvel an»: «Pour ce week-end, c'est malheureusement trop tard (...) mais il n'y a pas de raison de punir deux fois les Français. Je ne comprends pas cette grève. Il n'y a aucun appel à la grève d'aucun syndicat».

Le patron de la SNCF compte sur les appareils syndicaux pour isoler et étouffer le mouvement de grève de ce collectif de contrôleurs, précisant qu'il recevrait les syndicats dès vendredi pour tenter de trouver une issue pour stopper la grève.

Le même jour, le porte parole du gouvernement Olivier Véran a sommé les contrôleurs de renoncer à la grève: «Nous demandons à l’ensemble des personnes qui ont annoncé vouloir faire grève de renoncer à cette grève et d’entendre la demande légitime des Français de pouvoir retrouver leurs familles dans de bonnes conditions. L’ensemble du gouvernement est totalement mobilisé, d’abord pour accentuer le dialogue social à la SNCF. Mais nous rappelons que nous avons, dans un passé récent, totalement effacé la dette de la SNCF et que des hausses de salaires conséquentes ont déjà été annoncées et mises en place pour certaines d’entre elles.»

Preuve de la nervosité de la situation, Emmanuel Macron aurait poussé un coup de colère à l’encontre de ses ministres pour empêcher au maximum cette grève. Interrogé par Apolline de Malherbe pour BFMTV, le secrétaire de la CFDT affirme que «la CFDT ne soutient pas cette grève». La directrice du groupe de réflexion ultra-libéral iFRAP, Agnès Verdier-Molinié, s’est plainte que «la grève n’est pas contrôlée».

Les contrôleurs de la SNCF réclament une augmentation de salaire et une reconnaissance de leur travail. Malgré l’inflation record de cette année, la direction de la SNCF ne leur propose une humiliante augmentation de 2 pour cent sur l’année 2023 à tous les salariés, avec une prime de 600€ brut par an. À destination uniquement de ces contrôleurs, la SNCF propose une augmentation de leur prime de chef de bord d’un montant de 600€.

Pour le collectif, ce montant est trop faible puisque cela ferait 38 euros net par mois. Le collectif réclame que les primes qui représente un quart de leur salaire soient intégrées au salaire pour compter en cas d’arrêt-maladie ou de départ à la retraite. A l’origine de ce collectif, un groupe de discussion sur la messagerie WhatsApp créé par une dizaines de contrôleurs de Marseille qui a grossi pour compter plus de 1000 personnes. Ensuite un groupe Facebook s’est formé comptant 3500 personnes, soit un contrôleur sur deux. Ce collectif rejette toute accointance avec les appareils syndicaux, même s’il a dû s’appuyer sur ces dernières pour déposer les préavis de grève.

Un des fondateur du collectif explique: «On veut que les contrôleurs puissent aller en haut de la grille de déroulement de carrière. Actuellement, on ne peut pas atteindre l’échelon maximal en fin de carrière. Ce qui a un impact sur nos salaires et retraites. Par exemple, moi je suis contrôleur TGV depuis vingt-cinq ans et je gagne 2.050€ brut par mois. Le reste, ce sont des primes. Or les primes ne comptent pas pour la retraite. On est en moyenne dix nuits par mois en déplacement, on travaille en horaires décalés, on nous impose nos vacances… En contact direct avec la clientèle, parfois on peut se faire agresser ou insulter. Cette grève à Noël est un appel à l’aide. On en arrive à cette catastrophe parce qu’on n’a pas obtenu la réponse de la part de la direction à nos attentes.»

Le gouvernement et de la SNCF craignent cette grève car elle n’est pas contrôlée par une bureaucratie syndicale qui dans le cadre du dialogue sociale impose la politique de l’État et de l’entreprise aux salariés. La crainte c’est que les syndicats ne puissent pas reprendre la main et que cette grève encourage d’autres sections de la classe ouvrière en France et en Europe.

La grève des contrôleurs s’inscrit dans une montée de la lutte des classes à l’international. En 2018, le mouvement des gilets jaunes contre les inégalités sociales personnifiées par le président des riches Macron, s’était développé par opposition à la bureaucratie syndicale. En 2019, des grèves sauvages avaient éclaté à la RATP contre la réforme des retraites du duo Philippe-Macron. Cette année, la candidature socialiste de Will Lehman à la présidence de l’UAW pour mettre fin à la bureaucratie a reçu le soutien de larges sections de travailleurs.

Au Royaume-Uni, en Belgique, en Italie, ont eu lieu des grèves des travailleurs du rails. Au Royaume-Uni, les travailleurs du rail ont entraîné des millions de travailleurs dans la rue derrière eux contre le gouvernement Johnson.

Aux Etats-Unis, après avoir rejeté la nouvelle convention collective négociée entre les syndicats et la Maison Blanche, des centaines de milliers de travailleurs du rail ont voulu faire grève en décembre. Il aura fallu l’intervention du gouvernement Biden avec la complicité des appareils syndicaux et pour interdire une grève trop puissante qui terrifiait Wall Street et le Parti démocrate.

En France, cette grève organisée en dehors des organisations syndicales confirme l’analyse du WSWS et du Parti de l’égalité socialiste: les travailleurs cherchent une alternative aux appareils syndicaux discrédités par des années de trahisons pour défendre les acquis sociaux et leurs revendications. La tâche des travailleurs est de construire leur propre organisations de lutte, indépendantes des organisations syndicales et de leurs alliés de pseudo-gauche.

Les contrôleurs sont engagés dans une lutte objective contre la politique inflationniste et militariste du gouvernement Macron et de l’aristocratie internationale. Les contrôleurs ont raison de chercher à rompre avec les appareils syndicaux qui policent les entreprises dans l’intérêt de la bourgeoisie. La question décisive à présent est l’unification de leurs luttes avec celles d’autres travailleurs en France et à l’international.

Pour cela il faut construire l’Alliance ouvrière internationale des comités de la base pour rompre l’isolement que leur impose les appareils syndicaux et lutter contre la SNCF, le gouvernement Macron et sa politique de guerre, d’infection de masse et d’inflation.

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