Les appareils syndicaux français réduisent systématiquement les niveaux de vie

Alors que les travailleurs s’apprêtent à entrer en lutte contre la réforme des retraites d’Emmanuel Macron jeudi, il faut ôter la direction de cette lutte aux appareils syndicaux qui ont négocié cette réforme. Il est à présent avéré qu’ils participent à la réduction systématique du niveau de vie des travailleurs.

2022 aura été marqué par une poussée mondiale de l’inflation à 9 pour cent, 10,1 pour cent dans la zone euro selon Eurostat. La France a connu une inflation de 6,2 pour cent en 2022, un pic est attendu en début d’année 2023 avec 7 pour cent selon l’Insee.

Les travailleurs sont les principales victimes de l’inflation et de la crise économique. En plus des difficultés à se nourrir et à se chauffer, les travailleurs connaissent collectivement une baisse de salaire réel de plus de 2 pour cent, même selon les statistiques officielles. Dans le cadre des négociations annuelles obligatoires (NAO)où la bureaucratie syndicale négocie avec le patronat les grilles salariales, les travailleurs n’ont obtenu en moyenne que 3,7 pour cent d’augmentation en 2022, bien en-dessous de l’inflation.

Les travailleurs sont entrés en lutte contre l’inflation, mais pour ce faire ils devront s’opposer aux NAO négociées entre les appareils syndicaux, l’État et le patronat en 2023. En septembre-octobre, les travailleurs des raffineries de TotalÉnergie et Esso réclamaient 7 pour cent d’augmentation de salaires. Isolés par les appareils syndicaux et réquisitionnés par l’État, les travailleurs des raffineries n’ont obtenu que ce qui avait été initialement négocié par les appareils syndicaux.

En 2022, les appareils syndicaux dans de multiples industries imposent à nouveau des augmentations nettement en-deçà de l’inflation. Chez Stellantis, malgré plusieurs débrayages et une demande d’augmentation de 8,3 pour cent des salaires, l’appareil syndical FO s’est félicité des 5,3 pour cent obtenus: «nous sommes arrivés à un niveau de négociation correct, et surtout applicable tout de suite pour les augmentations générales, alors que la direction voulait au départ les échelonner sur l’année.»

L’intersyndicale chez Sodexo n’a obtenu que 4,5 pour cent d’augmentation salariale pour 2023.

Le directeur général délégué de Decathlon, Jean-Marc Lemière, annonçait qu’au vu «des performances économiques et de la stabilité de sa situation financière», il avait été décidé en juin de distribuer 453 millions d’euros de dividendes aux actionnaires, ce qui témoignait «de la bonne santé économique» de l’entreprise. Cependant, les travailleurs se sont vus proposer une humiliante augmentation de 1,8 pour cent, soit 24 euros bruts.

A la RATP, FO et l’UNSA ont négocié une augmentation de 372 euros brut par mois en contrepartie d’une augmentation du temps de travail des conducteurs. Cela se traduira par une réduction du nombre de jours de repos de 121 à 118 en 2023, puis à 115 l'année suivante.

En 2022, les entreprises du CAC-40 ont enregistré des bénéfices annuels record. Selon les estimations compilées par FactSet, la somme des profits des 40 plus grosses sociétés cotées à Paris devrait atteindre 172 milliards d'euros. C’est en hausse de 34 pour cent par rapport aux 128 milliards de 2021. Par rapport à 2019, dernier exercice «avant Covid», le compte serait plus que doublé.

Les quarante entreprises du CAC 40, principal indice boursier français, ont distribué le montant record de 80,1 milliards d'euros à leurs actionnaires en 2022, en dividendes ou en rachats d'actions. Selon la lettre financière spécialisée Vernimmen.net, les dividendes versés atteignent 56,5 milliards d'euros, contre 45,6 milliards en 2021 et 28,6 milliards en 2020, durant la pandémie.

Ceci n’est pas un phénomène isolé à la France mais le produit d’une crise mondiale du système capitaliste, qui produit des niveaux d’inégalité astronomiques et insoutenables. Portées par la flambée des cours de la Bourse, les grandes fortunes se sont envolées au cours des dix dernières années. Selon le rapport sur les inégalités de l’ONG Oxfam, sur 100 dollars de richesse créée, 54,4 dollars sont allés dans les poches des 1 pour cent les plus aisés, tandis que 70 centimes ont profité aux 50 pour cent les moins fortunés.

L’inflation des prix de l’alimentation et de l’énergie provient en grande partie du pillage de la classe ouvrière internationale par les marchés financiers et les grandes sociétés. Selon Oxfam, «Les entreprises des secteurs de l'alimentation et de l'énergie enregistrent des bénéfices record et versent des sommes sans précédent à leurs riches actionnaires et propriétaires milliardaires».

Oxfam poursuit: «A ce titre, la fortune de Bernard Arnault, l'homme le plus riche du monde, a par exemple doublé depuis le début de la pandémie, passant de 85,7 milliards d'euros en 2020 à 179 milliards d'euros en 2022. Le PDG du groupe LVMH possède ainsi ‘une fortune équivalente à celle de 20 millions de Français». A titre d'exemple, l'ONG estime que «2 pour cent de la fortune actuelle des milliardaires français (544,5 milliards d'euros) suffirait à financer le système des retraites, sans avoir à passer par une réforme et un recul de l'âge légal de départ.»

Au Royaume-Uni, le dividende total versé par l’indice FTSE-100 devrait atteindre la somme record de79,1 milliards de livres en 2022, contre 78,5 milliards en 2021, hors dividendes spéciaux. La bourgeoisie britannique, qui tente avec les appareils syndicaux d’étouffer une vague de grèves, compte ainsi continuer son pillage, selon le site d’analyse AJBell: «Le bénéfice avant impôts devrait augmenter de 10 pour cent en 2023, tandis que les dividendes ordinaires devraient augmenter de 8 pour cent pour atteindre 85,8 milliards de livres sterling.»

En Espagne, pays gouverné par une alliance PSOE-Podemos, le bénéfice commun de l’indice Ibex atteindra 56.321 millions d’euros en 2022. Selon FactSet, ce n’est que 2,5 pour cent de moins que l’année 2021qui était une année historique. Selon une étude BME, «Dans ce contexte, il y a une lecture positive pour le marché boursier espagnol, puisque le groupe d’entreprises de l’Ibex-35 présente une structure sectorielle défensive contre des environnements d’inflation et de hausse des taux d’intérêt réels».

On ne peut stopper le creusement des inégalités en élisant des gouvernements capitalistes «de gauche». Élue en 2015 en Grèce, Syriza (la «Coalition de la gauche radicale») a trahi l’opposition des travailleurs grecs au mémorandum de l’UE lors d’un référendum. Malgré l’opposition de masse des travailleurs grecs à l’austérité, le gouvernement Syriza d’Alexis Tsipras a imposé la politique d’austérité de l’Union européenne et des banques.

En Espagne, le parti de pseudo gauche Podemos met en place la politique d’achats d’actifs et de création de liquidités pour renflouer les grandes sociétés et les entreprises, dont beaucoup ont reçu des milliards d’euros en aides directes. Cet argent gratuit a alimenté une inflation massive de la valeur de tous les actifs financiers et de la richesse des classe possédantes. En contrepartie, Podemos fait peser sur le dos des travailleurs cette crise inflationniste et la récession créée par l’aristocratie financière.

Les syndicats et la pseudo gauche participent au transfert de richesse records des travailleurs vers une élite dirigeante parasitaire. Dans le même temps la réduction du niveau de vie sert à dégager des dizaines et centaines de milliards d’euros pour financer la guerre entre l’Otan et la Russie.

L’intensité des inégalités et des tensions de classe augurent l’éruption de lutte révolutionnaires. Mais pour cela, le contrôle de la lutte contre l’inflation, la crise économique et la guerre doit être retiré des appareils syndicaux et de leurs alliés de pseudo-gauche. Les travailleurs doivent créer leurs propres organisations indépendamment des vieux appareils syndicaux, et bâtir l’Alliance ouvrière internationale des comités de la base pour lutter contre les inégalités sociales et pour l’abolition du système capitaliste et la construction du socialisme.

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