2 millions de travailleurs se mobilisent contre la réforme des retraites de Macron

2 millions de personnes étaient mobilisées hier dans des grèves et des manifestations contre la réforme des retraites de Macron. Selon les sondages, 80 pour cent des Français rejettent cette réforme, qui ferait passer l’âge minimum de la retraite à 64 ans et la durée de cotisation à 43 ans. Cheminots, travailleurs de la RATP, personnels de l’éducation nationale, et travailleurs de l’électricité et des raffineries se sont largement mobilisés; 200 cortèges se sont lancés à travers la France.

Selon les syndicats, ils étaient 400.000 à Paris, 140.000 à Marseille, 38.000 à Lyon, 60.000 à Bordeaux, 50.000 à Toulouse et à Lille, 55.000 à Nantes et 35.000 à Strasbourg. De nombreuses villes plus petites ont vu de larges mobilisations qui ont surpris les préfectures de police. Il y a eu 25.000 manifestants à Orléans, 21.000 au Mans, 20.000 à Nice, 19.000 à Clermont-Ferrand, 15.000 à Tours, 13.000 à Pau, 10.000 à Chartres, 9.000 à Angoulême et 8.000 à Châteauroux.

La police a attaqué des manifestants à Lyon et à Paris, où 3.500 policiers entouraient les cortèges.

Plus de 140 000 personnes ont défilé à Marseille contre la baisse des retraites décidée par Macron.

La politique de Macron est impopulaire et illégitime. Alors que des grèves se répandent en Europe et internationalement contre l’austérité et l’inflation, un conflit explosif émerge entre la classe ouvrière et l’oligarchie financière. Des ministres sont allés hier soir sur les plateaux de télévision annoncer qu’ils passeraient en force pour imposer la réforme aux travailleurs.

Le ministre de la Fonction Publique Stanislas Guérini a dit à TF1 que Macron ne changerait pas le contenu essentiel de la réforme. «Il y a eu du monde aujourd'hui, il ne faut pas le minimiser», a-t-il dit, pour ensuite souligner que la réforme était «le fruit du dialogue social» entre Macron et les appareils syndicaux. «La mobilisation ne change pas le projet», a-t-il conclu.

Le «président des riches» veut éliminer 13 milliards d’euros du budget annuel des retraites, alors que les États de l’UE dépensent des milliers de milliards d’euros sur des plans de relance pour les banques et les grandes sociétés, et pour armer l’Ukraine avec des chars contre la Russie.

Les manifestants qui ont parlé au WSWS ont abordé le rapport d’Oxfam sur l’inégalité produite par le capitalisme. Ce rapport, qui révèle que les deux-tiers des richesses produites depuis 2020 sont accaparées par le 1 pour cent les plus riches, a aussi révélé que les 10 premiers milliardaires de France ont augmenté leur patrimoine de 189 milliards d’euros depuis 2020. La fortune de Bernard Arnault, actuellement l’homme le plus riche du monde, s’élève à 213 milliards d’euros.

Une statistique révèle le caractère oligarchique de Macron: les 13 milliards qu’il veut enlever aux retraites des Français sont moins que les profits annuels qu’Arnault a ajoutés à sa fortune personnelle chaque année depuis 2020, quand elle s’élevait à 79 milliards d’euros.

Priscillia [Photo: WSWS]

Priscillia, aide-soignante, a dénoncé la réforme aux reporters du WSWS à Paris: ««Avec la pénibilité, ce n’est pas possible. On n’est pas dans des bureaux, on n’est pas au gouvernement, on est des soignants. On ne tiendra pas jusqu’à 64 ans, physiquement, psychologiquement c’est impossible. J’utilise beaucoup mon corps pour soulever des personnes, même s’il y a des aides techniques, on utilise quand même notre force. On a déjà beaucoup d’arrêts maladie à cause de ça.»

Elle a aussi souligné son «dégoût» face à la montée de l’inflation qui appauvrit les travailleurs autour du monde: «Tout est cher, l’essence est chère, et les salaires n’augmentent pas. On fait attention à l’alimentation, on réduit les petits plaisirs, les restos, les sorties, les vacances.»

A propos de la décision de Macron d’envoyer des chars contre la Russie, elle a dit: «Je m’inquiète de ce qui se peut se passer entre la Russie et la France, et je m’inquiète aussi des Français.»

Elle a aussi évoqué sa colère au gouffre qui sépare Arnault des travailleurs qui luttent pour survivre: «C’est dégueulasse, c’est nous les petits pauvres qui allons payer pour des gens comme ça. Aujourd’hui si on n’est pas deux à travailler dans un couple, on ne s’en sort pas. Même étant fonctionnaire, on a énormément de mal à trouver un appartement. On est trop riche pour trouver un logement social et trop pauvre pour trouver un appartement particulier.»

Ludovic [Photo: WSWS]

A Paris, le WSWS a aussi parlé à Ludovic, qui a dit: «Je suis sapeur-pompier professionnel, j’ai un système de retraite, et là j’apprends qu’on m’ajoute deux ans de plus pour mon départ à la retraite. J’ai un métier physique, je suis sûr de ne pas tenir physiquement jusqu’au bout. … Le travail de nuit, le travail de jour, les systèmes de garde en 24-48, le côté physique de la profession font qu’on a par rapport à la moyenne des Français sept ans de moins d’espérance de vie.»

Il a averti que la réforme forcerait beaucoup d’ouvriers à travailleurs jusqu’à ce qu’ils meurent: «Juste dans ma caserne, je n’ai jamais fait de pot de départ. Mes deux derniers collègues qui sont partis, ils sont partis au cimetière avant de partir à la retraite. J’ai un collègue qui a fait un AVC massif une semaine après son départ à la retraite, un deuxième qui lui a déclaré un cancer. On est une profession reconnue sensible par rapport à tout ce qui est fumée toxique».

«J’ai commencé à 19 ans, j’ai envie d’avoir du temps libre à ma retraite et pas juste du temps mort», a-t-il poursuivi, critiquant l’oligarchie financière. «Ça paraît totalement aberrant qu’on nous demande des efforts, que ce soit au quotidien ou plus tard, quand on part en retraite, et ces gens sont sans limite dans leur capacité d’absorber du patrimoine.»

Catherine, assistante sociale, a dit au WSWS à Marseille: «Tout ce que nos parents ont obtenu est dézingué … droit chômage, le RSA, l’hôpital qui se casse la gueule, on ne fait rien pour les maintenir et maintenant les retraites.» Elle a ajouté: «Les syndicats ne sont plus représentatifs des travailleurs, ils ont accepté des compromissions. … Les syndicats se réveillent, mais on ne peut pas compter que sur les syndicats ce n’est plus possible. On est attaqué de partout il faut que l’on se révolte tous ensemble.»

Des manifestants à Marseille tiennent une pancarte disant 'Macronie = mensonges, corruption, racket et oppression' [Photo : WSWS].

Les huit confédérations syndicales nationales dont la CGT, CFDT et FO se sont réunies hier soir et ont annoncé de nouvelles grèves le 23 janvier et une nouvelle journée d’action le 31 janvier. Conscients de la colère sociale explosive contre Macron, les bureaucrates veulent se présenter en tant qu’opposants de Macron, alors même qu’ils ont négocié les réformes avec lui.

Les travailleurs ne peuvent accorder aucune confiance aux appareils syndicaux. Ils ont isolé la grève des cheminots en 2019-2020 contre cette réforme, ce qui a permis à Macron de l’imposer en mars 2020. Il a seulement abandonné la réforme après, alors que la colère ouvrière explosait en une série de grèves contre l’inaction officielle face à la pandémie, craignant une explosion sociale incontrôlable. A présent, Macron revient à la charge.

Une longue et amère expérience démontre que la façade d’«unité» syndicale s’effondrera face à l’escalade de la lutte entre travailleurs et l’oligarchie financière.

Les meilleurs alliés des travailleurs en France en lutte contre des problèmes internationaux – guerre, inflation, pandémies, austérité sociale – sont leurs frères et sœurs de classe dans les autres pays. Leurs luttes explosent à travers le monde. Une grève nationale des infirmières, appuyée par des appels à la grève dans l’éducation et les transports, touche le Royaume-Uni, alors que le Portugal voit une grève nationale des enseignants.

Alors qu’infirmières et enseignants se mobilisent aux USA, un mouvement des cheminots se développe pour une grève contre une convention collective imposée par la Maison Blanche.

Pour les travailleurs, il faut ôter la lutte des mains des appareils syndicaux nationaux, et bâtir un puissant réseau de comités de la base pour unifier les travailleurs au-delà des frontières nationales, en un mouvement pour faire chuter des régimes capitalistes corrompus comme celui de Macron et détruire le pouvoir de l’oligarchie financière à travers une lutte pour le socialisme.

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