Des millions de travailleurs en France mobilisés une troisième fois contre la réforme des retraites

Des manifestants défilent lors d'une manifestation contre le projet de repousser l'âge de la retraite en France, le 7 février 2023 à Paris. [AP Photo/Michel Euler]

Mardi était la troisième journée d’action contre la réforme des retraites d’Emmanuel Macron. Selon les sources syndicales, plus de 400.000 personnes ont défilé à Paris et 2 millions dans tout le pays. Les syndicats ont fait état de grandes manifestations dans de nombreuses villes, dont 180.000 à Marseille, 80.000 à Toulouse, 70.000 à Lille et 50.000 à Bordeaux.

Étudiants et lycéens étaient mobilisés. Il y avait 15 facultés occupées et 200 lycées mobilisés, selon la France insoumise (LFI), le parti de Jean-Luc Mélenchon. Mardi matin, les forces de l’ordre ont attaqué et gazé les jeunes au Lycée Racine à Paris.

La colère sociale gronde contre Macron, qui s’obstine à imposer l’austérité en dépit de l’opposition écrasante des Français, afin de détourner 413 milliards d’euros vers la guerre et la livraison de chars à l’Ukraine pour faire la guerre à la Russie. Macron compte manifestement 'intensifier la guerre et l'attaque contre le niveau de vie des travailleurs, avec un mépris total pour la majorité de la population qui s'oppose à lui. Il réagit à l'opposition de masse à la guerre impérialiste et à l'austérité en envoyant les forces de l’ordre tabasser tous ceux qui manifestant.

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Des échauffourées ont éclaté à Nantes, à Rennes et à Paris, où la police a chargé et agressé des manifestants pacifiques. Des unités de police ont même attaqué le service d’ordre syndical en tête du cortège à Paris, après quoi elles ont affronté des unités de pompiers grévistes qui ont revêtu leurs uniformes pour résister aux lacrymogènes.

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Le WSWS a interviewé des manifestants à Paris et à Nice. A Paris, le WSWS a interviewé Simon, un soutien de LFI qui à titre personnel distribuait un tract appelant à constituer des caisses de grève pour financer des grèves reconductibles contre Macron. Les syndicats français, malgré leurs budgets annuels de milliards d'euros, ne versent jamais d'indemnités de grève. Ainsi les travailleurs sont pris au cou financièrement dès qu’ils font grève, et les appareils syndicaux avec la complicité de LFI forcent les travailleurs à reprendre le travail, pour que État puisse imposer ses politiques.

Simon a critiqué le rôle des appareils syndicaux dans la lutte contre Macron: «L’intersyndicale appelle à la grève à l’unisson, mais j’ai le sentiment que déjà ils ne font pas leur travail jusqu’au bout. Il devrait y avoir une vraie campagne de levée de fonds massive, à l’intention des 72 pour cent des Français qui rejettent la réforme, pour alimenter les caisses de grève pour couvrir les pertes de salaires encourues par les travailleurs dans des postes à enjeu stratégique et qui vont partir en grève reconductible. Ils auront un impact sur l’économie.»

Simon

Le «dialogue social» entre les appareils syndicaux, l’État et les organisations patronales sont, a-t-il ajouté, un «entre-deux consensuel, comme ils le sont depuis des décennies … J’ai le sentiment de devoir m’exprimer par rapport à ça, pour qu’on sorte des sentiers battus syndicaux».

Simon a aussi dénoncé la campagne de réarmement massif engagée par Macron et la livraison d'armes aux forces ukrainiennes: «On parle de 400 milliards investis dans l’armée alors qu’on nous demande de travailler 2 ans de plus. Ce sont des choix politiques. Les intérêts de la France, d’une certaine France, de l’impérialisme français, priment. Nous n’avons pas, nous citoyens, notre mot à dire là-dedans. C’est inadmissible, insupportable.»

Simon a souligné son soutien pour la construction d’un mouvement international des travailleurs contre la guerre OTAN-Russie en Ukraine: «Bien sûr, évidemment je suis solidaire de tous les travailleurs. Je sais qu’il y a une bonne partie des travailleurs en Russie qui s’insurgent face à la politique de Poutine, qui se mobilisent aussi pour rejeter cela. Il faut être solidaire.»

A propos de l’appel du Parti de l’égalité socialiste à construire des comités de la base à l’échelle internationale, il a dit: «C’est absolument nécessaire, il n’y a pas un moyen d’action qui prévaut sur un autre. La nécessité de construire un mouvement international me paraît primordial.»

Il a ajouté qu’il faudrait «déclarer une guerre économique, nous les travailleurs contre l’aristocratie financière, bloquer les institutions et mettre un coup au PIB … Je suis pour tout mouvement de reprise du pouvoir par le peuple. La question est de savoir jusqu’où le peuple est prêt à aller.»

Un manifestant à Paris tient une pancarte

A Paris, le WSWS a aussi interviewé Jordan Robichon, un délégué de la CGT dans le secteur de l'énergie. Il a dit: «La ligne rouge, elle a déjà été franchie il y a un moment: l’inflation, les problèmes de logement. Les Français ne font que subir depuis un moment. La réforme des retraites, c’est le coup de grâce pour ainsi dire. … Nous décidons nous-mêmes de notre avenir, et on n’est pas du tout sur la ligne du gouvernement de nous imposer deux ans de plus de travail. La vie n’a pas de prix. On se battra jusqu’au bout.»

A propos de la guerre de l’OTAN contre la Russie en Ukraine, il a dit: «Ce que je dirai à notre président, c’est qu’il s’occupe … des préoccupations des Français, avant de se mêler à des choses qui ne le regardent pas et où le peuple français n’est pas forcément d’accord avec sa posture. Je ne suis ici pour critiquer ni le gouvernement russe ni le gouvernement ukrainien. Par contre je pense à tous ceux qui sont massacrés, qui n’ont rien demandé et qui subissent ça. C’est toujours ça aujourd’hui, c’est les puissants qui décident et les faibles qui en pâtissent.»

Il a averti: «Aujourd’hui nous sommes sur des manifestations pacifiques, mais s’ils n’entendent pas la mobilisation des Français, on verra jusqu’où ça nous mènera. Mais parfois quand on est face à un mur, il faut savoir le défoncer parfois.»

A Nice, le WSWS a interviewé Marie, salariée d’une association qui travaille avec les enfants. Elle a dit: «On a un gouvernement qui, loi après loi, détruit les systèmes de protection sociale pour lesquels les générations précédentes se sont battues, et qui permettent de bâtir une société plus juste. Cette société dévient de plus en plus inégalitaire.» Elle a ajouté, «Le problème il est mondial … Le problème c’est la répartition des richesses à l’échelle de chaque pays, et bien évidemment à l’échelle de la planète.»

Un manifestant à Nice

Josette, retraitée, a dit au WSWS: «J’ai 77 ans et je suis dans la rue pour mes enfants et mes petits-enfants, pour que leurs retraites ne soient pas celles décidées par le gouvernement actuel, c’est-à-dire amputées de plusieurs années.» Interrogée à propos de la guerre OTAN-Russie, elle a répondu: «l’Éducation nationale, la fonction publique, les hôpitaux, les services publics sont très malades. Ça va devenir une guerre interne au pays contre Macron.»

Les appareils syndicaux et leurs soutiens politiques, comme Mélenchon, insistent dans les médias qu’ils convaincront Macron de revenir sur sa réforme. Le patron de la CGT, Philippe Martinez, a imputé la lutte à l’«ego surdimensionné» de Macron sur RTL mardi matin, puis est allé sur BFM-TV hier soir pour reprocher à Macron de faire de sa réforme «une affaire personnelle.»

De même, mardi après-midi Mélenchon a appelé Macron à être «raisonnable» et à se préparer à retirer sa réforme.

Ce ne sont que des mensonges pour endormir les travailleurs. En réalité, la France et toute l'Europe sont plongées dans une guerre de l'OTAN contre la Russie, une crise économique qui s'aggrave avec une vaste poussée de l'inflation, et une croissance rapide de la lutte des classes. Dans ces conditions, il est inutile d'appeler Macron à changer d'avis. Ses attaques contre les travailleurs sont poussées par une crise mortelle du capitalisme mondial, et la détermination unie de toutes les grandes puissances de l'OTAN à mener la guerre impérialiste à l'étranger et la guerre de classe à l'intérieur.

Ces dernières semaines, la classe ouvrière européenne mène une offensive politique qui s’accélère. Il y a eu des grèves de masses des soignants en Belgique et en Espagne et des informaticiens en Finlande, une manifestation antiguerre au Danemark, et une mobilisation massive d’un demi-million de travailleurs en Grande-Bretagne.

Il faut ôter le contrôle de la lutte contre Macron des mains des appareils syndicaux et de leurs soutiens politiques de pseudo-gauche. Ils divisent les luttes sur des lignes nationales, négocient les réformes et les accords salariaux au rabais et bloquent l’opposition ouvrière à la guerre en Ukraine. La voie à suivre est de construire des comités de la base dans la classe ouvrière, indépendants des appareils syndicaux, pour unifier les travailleurs en lutte et aussi les relier à une perspective trotskyste pour une lutte pour le pouvoir ouvrier et la construction du socialisme en Europe.

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