À leur convention nationale de 2023 qui s’est tenue en personne du 4 au 6 août à Chicago, les délégués des Democratic Socialists of America (DSA) ont réaffirmé l’engagement d’un demi-siècle de leur organisation à promouvoir le Parti démocrate impérialiste.
Par un vote de 704 contre 184, la convention a adopté une résolution sur son travail électoral stipulant qu’«Il n’est pas souhaitable pour nous de former un parti politique indépendant avec une plate-forme électorale distincte en ce moment.»
Sur cette base, les délégués ont décidé que «les DSA s’engagent à faire de la politique électorale une priorité pour les deux prochaines années», que «les DSA continueront à poursuivre une approche de contestation tactique des élections partisanes sur la ligne de vote démocrate» et que «les DSA permettront une plus grande implication des bénévoles dans le travail électoral national» afin de promouvoir le Parti démocrate lors de l’élection nationale de 2024.
La convention a systématiquement rejeté plusieurs amendements qui auraient obligé les élus des DSA à rendre des comptes sur le plan politique, même de façon minimale, montrant ainsi que leur prétention d’être «à gauche» des Démocrates n’est qu’une façade.
Les délégués votent pour permettre aux membres des DSA de continuer à briser les grèves et à soutenir l’impérialisme
Les délégués ont rejeté dans une proportion de 60 contre 40 % une proposition d’amendement à leur résolution électorale se lisant comme suit: «les DSA s’attendent à ce que les socialistes élus votent et agissent en accord avec les principes fondamentaux du mouvement socialiste». Bien qu’un tel amendement reconnaisse également qu’«une majorité de membres des DSA ne pense pas qu’il soit possible, à l’heure actuelle, de former un parti politique indépendant avec une plate-forme électorale distincte», les délégués l’ont manifestement trouvé trop extrême.
En rejetant l’amendement proposé, les DSA ont décidé de soutenir les politiciens du Parti démocrate, quelle que soit leur orientation à droite, et ont explicitement déclaré leur hostilité au socialisme. L’amendement rejeté aurait exigé que les DSA tiennent leurs membres «responsables» advenant qu’ils «votent pour des mesures qui étendent ou renforcent la police», «votent pour toute restriction à l’action indépendante de la classe ouvrière, comme le droit de grève», ou «votent en faveur des budgets militaires, de la machine de guerre impérialiste, ou de l’aide militaire aux États clients des États-Unis, comme l’État d’apartheid d’Israël».
Une autre résolution proposée par les membres aurait exigé que le comité politique des DSA «communique publiquement sa désapprobation aux candidats soutenus et aux membres élus des DSA soutenant explicitement ou tacitement les dirigeants centristes du Parti démocrate», mais cette formulation a été supprimée avant le vote. Le Socialist Majority Caucus, un groupe représentant la faction la plus explicitement à droite des DSA, a tweeté que son caucus était «ravi» que la disposition «qui aurait forcé les DSA à critiquer les élus socialistes soutenant des candidats 'centristes'» ait été éliminée.
Censure de tout débat sur la guerre impérialiste des États-Unis et de l’OTAN contre la Russie
La direction des DSA a également bloqué tout débat lors de plusieurs résolutions proposées par les membres qui auraient exprimé leur hostilité à l’impérialisme américain.
Au début de la convention, la direction des DSA a présenté comme proposition à l’ordre du jour de n’inclure aucun débat sur les résolutions proposées appelant les DSA à s’opposer à la guerre des États-Unis et de l’OTAN contre la Russie et s’opposant au soutien des élus des DSA à l’occupation israélienne de la Palestine. La direction des DSA prétendait qu’il n’y avait pas suffisamment de temps pour tenir de telles discussions. Pourtant l’ordre du jour proposé prévoyait néanmoins amplement de temps pour débattre d’une résolution faisant de l’image d’une rose tenant une pancarte avec l’inscription «Vote» l’«image de marque officielle» des DSA.
Cette tentative de bloquer tout débat était si évidente qu’elle a suscité le mécontentement de certains délégués. Un membre des DSA a écrit dans un tract distribué aux délégués que la direction «place une poignée d’éléments non controversés à l’ordre du jour par consentement» afin de s’assurer que «nous n’aurons que très peu d’occasions de débattre de questions brûlantes pour notre mouvement». Le tract poursuit: «Si ceux qui déplorent le spectacle du conflit qui s’est produit lors de l’affaire [Jamaal] Bowman pensent qu’ils peuvent éviter une reprise de tels événements en bloquant tout débat important lors de la convention, ils vont découvrir que supprimer le pouvoir des membres de façonner notre stratégie politique n’aboutira qu’à des douzaines d’autres explosions du même genre».
Lorsque les membres ont rejeté avec une courte majorité l’ordre du jour proposé par la direction, cette dernière l’a mis à jour, mais sans inclure de discussion sur les résolutions concernant la guerre en Ukraine ou l’occupation israélienne de la Palestine. La direction a plutôt autorisé un débat et une discussion sur une résolution appelant à soutenir les droits des personnes transgenres.
Censure de tout débat sur la question du soutien à la Palestine
La résolution sur Israël que les membres n’ont pas été autorisés à débattre notait que «la fusion fondatrice qui a formé les DSA est fortement axée sur la garantie que la nouvelle organisation maintienne l’une des positions de son prédécesseur, le Democratic Socialist Organizing Committee (DSOC), consistant à soutenir la poursuite de l’aide américaine au projet colonial sioniste d’Israël».
La résolution citait «les écrits racistes et tordus de Harrington» et notait «l’appétit croissant des membres et des chapitres des DSA de demander des comptes aux élus», faisant spécifiquement référence au vote de Jamaal Bowman, membre du Congrès des DSA, en faveur de l’armement de l’armée israélienne en 2021.
La résolution qui a finalement été adoptée sur le travail à l’international des DSA ne fait aucune référence à la guerre des États-Unis et de l’OTAN contre la Russie, que l’ensemble de leurs membres du Congrès (à l’exception d’un seul) ont voté pour financer. La résolution prétend mensongèrement que les DSA s’opposent à «l’augmentation des dépenses militaires», alors que la convention venait tout juste de voter pour ne prendre aucune mesure contre les membres du Congrès ayant voté en faveur de la guerre contre la Russie. La résolution affirme de la même façon l’opposition des DSA aux «dangers croissants de conflit nucléaire», que les DSA ont contribué à promouvoir, et leur prétendue opposition au «recrutement militaire dans les écoles», bien qu’Alexandria Ocasio-Cortez ait organisé un événement de recrutement militaire dans un lycée du Bronx l’année dernière.
Promotion des bureaucraties syndicales et éloge de la tenue d’«élections démocratiques» à l’UAW
Le congrès a également adopté une résolution soutenant le travail des DSA promouvant les factions «réformatrices» au sein des bureaucraties syndicales. La résolution déclare que «les événements survenus au sein de l’UAW et de l’IBT démontrent l’importance d’une plate-forme claire pour promouvoir la démocratie syndicale», citant les «premières élections démocratiques dans l’histoire des United Auto Workers» comme preuve du succès de la «stratégie de la base» des DSA.
Cette résolution est une tentative de blanchir le rôle pro-corporatif des bureaucraties syndicales. L’élection 2022-2023 à l’UAW n’était pas «démocratique». Elle a été la scène de la privation du droit de vote de centaines de milliers de membres, qui n’ont jamais été informés de la tenue d’une élection. L’élection n’a été historique que dans la mesure où le taux de participation de 9 % est le plus bas de l’histoire des États-Unis pour une élection syndicale nationale. Lors des élections à l’UAW, les DSA ont soutenu le bureaucrate de longue date Shawn Fain, bien que ce dernier ait déclaré publiquement qu’il n’était pas socialiste, et ils n’ont pas soutenu la campagne de Will Lehman, un travailleur de la base chez Mack Trucks. Lehman a intenté un procès au ministère du Travail, exigeant que l’élection soit réorganisée et que l’ensemble des membres en soient informés.
La résolution de la direction des DSA sur la question des relations de travail énonce un «ensemble minimum de principes démocratiques» qui, selon elle, sont nécessaires «afin de guider les membres des DSA lorsque ces questions se posent». Parmi ces principes, «tous les membres doivent recevoir une copie de la proposition de convention collective, avant tout vote sur celle-ci, une copie complète (et pas seulement les 'points saillants') des changements proposés à celle-ci devant être disponible pour tous les membres, avec le temps nécessaire pour en prendre connaissance».
Le syndicat des UAW, que les DSA présentent comme un exemple de démocratie syndicale, viole systématiquement ce principe «minimal», comme l’a montré la grève de 500 travailleurs chez le fabricant de batteries Clarios de la région de Toledo, en Ohio, survenue en début d’année. La bureaucratie des UAW, sous la direction de Fain, a en effet refusé de donner aux travailleurs une copie de la convention collective proposée, ne leur fournissant que les grandes lignes de l’entente et ne leur donnant pas le temps d’examiner ou de discuter le contenu avant de voter. De la même façon, la faction «réformiste» à la tête du syndicat des Teamsters tente actuellement de faire accepter une convention collective de capitulation aux 350.000 travailleurs d’UPS dont le contrat a expiré le 31 juillet, là aussi avec le soutien actif des DSA.
Le directeur régional de l’UAW pour la région 9A, Brandon Mancilla, a tweeté son soutien à la résolution sur la «démocratie syndicale», évitant bien sûr de condamner le fait que son directeur adjoint, Vail Kohnert-Yount, a été nommé à un poste à 175.000 dollars par année après avoir fait un don de 25.000 dollars à la campagne de Shawn Fain. Vail Kohnert-Yount a également été actif sur Twitter pendant la convention en promouvant la résolution des DSA sur la question des relations de travail.
Aucun débat sur une résolution sur le COVID et la question sanitaire
La convention des DSA s’est tenue en personne, malgré le fait que plus de 400 membres des DSA aient signé une résolution demandant que les DSA organisent l’activité à distance ou en mode hybride. Les cas de COVID sont en augmentation aux États-Unis, et des reportages indiquent que la convention des DSA pourrait très bien avoir été une activité super-propagatrice.
De nombreux délégués ont en effet été filmés en train de participer à une fête dans une salle bondée, où personne ne porte de masque. Par la suite, un délégué a tweeté dès lundi: «J’entends des témoignages épars de délégués qui ne se sentent pas très bien, en particulier ceux qui sont allés à la grande fête...» Ce même délégué avait précédemment tweeté que «Les DSA auraient pu facilement offrir un mode hybride, je connais des délégués immunodéprimés qui n’ont pu participer. Le COVID est également en hausse en ce moment».
La direction des DSA n’a prévu aucun temps dans l’ordre du jour pour débattre une résolution sur le COVID et la question sanitaire, ce qui aurait également établi des mesures de suivi des contacts pour protéger les délégués et leurs proches revenant de la convention. Cette approche est également conforme au soutien des DSA au Parti démocrate qui, tout comme le Parti républicain, a abandonné toute mesure sanitaire qui servait à freiner la propagation du COVID-19.
Lors de leur convention, les DSA ont continué de se présenter comme une faction du Parti démocrate et des partisans de la guerre impérialiste. Leur objectif est de piéger l’opposition sociale au capitalisme et de toujours la détourner vers le système bipartite où elle peut être étouffée. C’est là le rôle que les DSA ont toujours joué depuis leur fondation et c’est le rôle qu’ils vont continuer de jouer dans l’avenir.
(Article paru en anglais le 8 août 2023)