L’Inde et le Sri Lanka «soutiennent» l’État d’Israël dans son attaque barbare contre Gaza

Les gouvernements droitiers de l’Inde et du Sri Lanka alignés sur les États-Unis ont rejoint leurs maîtres impérialistes en dénonçant le soulèvement palestinien contre des décennies d’occupation brutale et en soutenant l’assaut barbare du gouvernement Netanyahou contre la population de Gaza.

Samedi, quelques heures seulement après que les combattants du Hamas eurent brisé le blocus de Gaza imposé par Israël depuis plus de 15 ans, le Premier ministre indien Narendra Modi a publié un tweet déclarant: «Nous sommes solidaires d’Israël en cette heure difficile».

Modi, qui dirige un gouvernement synonyme d’incitation et de violence communautaristes et qui, en tant que ministre en chef du Gujarat, a présidé au pogrom antimusulman dans cet État en 2002, s’est joint au président américain Joe Biden, au premier ministre britannique Rishi Sunak et au chancelier allemand Olaf Scholz pour dénoncer hypocritement le «terrorisme». Il a déclaré que l’Inde était «profondément choquée par la nouvelle des attaques terroristes en Israël. Nous sommes solidaires d’Israël en ce moment difficile».

Le Premier ministre indien Narendra Modi salue son homologue israélien, Benjamin Netanyahu, à son arrivée pour une visite d'État en janvier 2018. [Photo: Government of Israel ]

Trois jours plus tard, suite à un appel téléphonique du Premier ministre israélien, Modi a indiqué que son gouvernement soutenait sans réserve les mesures criminelles prises par le régime de Netanyahou — le blocage pour la frange de Gaza de toute nourriture, eau, énergie et médicaments; son bombardement aérien massif au cours duquel des quartiers entiers ont été rasés; et les préparatifs d’une attaque terrestre génocidaire sur la minuscule enclave qui abrite 2,3 millions de Palestiniens.

«Je remercie le Premier ministre Netanyahu», a tweeté Modi dans une brève déclaration publiée ensuite par son bureau, «pour avoir fait le point sur la situation actuelle. Le peuple indien se tient fermement aux côtés d’Israël en ces temps difficiles. L’Inde condamne fermement et sans équivoque le terrorisme sous toutes ses formes et manifestations».

Le soutien de Modi à un gouvernement Netanyahou en train de commettre d’horrifiants crimes de guerre, témoigne des liens militaro-stratégiques très étroits et totalement réactionnaires que New Delhi a noués avec Tel-Aviv sous son gouvernement BJP, en place depuis près d’une décennie. Dans leur animosité commune envers les musulmans, il y a également un lien fort d'affinité idéologique entre les suprémacistes hindous du BJP et Netanyahou et ses partenaires de la coalition d’extrême-droite.

Mais le soutien indéfectible de l’Inde à Israël dans sa guerre unilatérale contre le peuple palestinien est avant tout le résultat de son «partenariat stratégique global» avec l’impérialisme américain et de son intégration toujours plus profonde dans l’offensive économique, diplomatique et militaro-stratégique unilatérale que Washington mène contre Pékin. Indication effrayante de la mesure dans laquelle l’Inde a été transformée en État américain de première ligne contre la Chine, l’armée indienne a récemment révélé qu’elle élaborait d’urgence des plans sur comment aider les États-Unis si et quand Washington entrera en guerre avec la Chine.

Depuis des décennies, Israël est le partenaire stratégique le plus important de l’impérialisme américain au Moyen-Orient. Il lui sert de chien d’attaque contre les différents régimes nationalistes bourgeois qui ont porté atteinte à ses intérêts, et contre les travailleurs et les ouvriers opprimés de la région. Washington a fortement encouragé le renforcement des liens indo-israéliens et, avec un certain succès, a entraîné New Delhi dans ses tentatives de rapprochement entre Israël et les monarchies absolutistes des États du Golfe pour contrer l’influence croissante de la Chine et de l’Iran dans la région.

Les déclarations de soutien de Modi au régime de Netanyahou et à son assaut contre le peuple palestinien ont été si véhémentes que même certains États du Golfe favorables aux États-Unis ont, comme on le rapporte, exprimé leur consternation. On dit qu’ils espèrent qu’une déclaration du ministère indien des Affaires étrangères rompra le silence total de New Delhi sur son opposition passée à l’occupation israélienne et à la répression brutale des Palestiniens.

Jusqu’à présent, Modi a ordonné au ministère des Affaires étrangères de garder le silence. Il préfère dicter et articuler personnellement la position de son gouvernement, une position qui reflète celle de Washington et qui revient à donner à Netanyahou et à l’armée israélienne les coudées franches pour massacrer et/ou expulser la population de Gaza.

L’alliance stratégique naissante entre l’Inde et Israël

New Delhi a établi des relations diplomatiques avec Israël en 1992 dans le cadre d’une réorientation stratégique. Sa stratégie de développement dirigée par l’État ayant échoué, la bourgeoisie indienne a cherché à s’intégrer pleinement dans l’ordre capitaliste mondial dirigé par les États-Unis, à transformer l’Inde en un paradis de main-d’œuvre bon marché pour le capital mondial et à nouer des liens beaucoup plus étroits avec Washington. En l’espace d’un peu plus d’une décennie, le partenariat stratégique indo-américain est devenu la pierre angulaire de la politique étrangère de New Delhi. Les liens indo-israéliens ont également pris de l’ampleur, en particulier la coopération militaire et de renseignement.

Israël a fourni à l’Inde mortiers et munitions dans lsa guerre frontalière de Kargil avec le Pakistan en 1999 et il est depuis la deuxième ou troisième source étrangère d’armes et de systèmes d’armement de l'Inde. Les équipements acquis par l’Inde auprès d’Israël comprennent les systèmes AWACS (Systèmes aéroportés d’alerte et de contrôle) Phalcon, les drones Heron, Searcher II et Harop, les systèmes de défense antimissile Barak et de missiles antiaériens à réponse rapide Spyder.

Contrairement à la position traditionnelle de l’Inde, le gouvernement du BJP s’est abstenu en 2015 et 2016 de voter les résolutions de l’ONU critiquant le massacre gratuit de civils palestiniens par Israël lors de la guerre de Gaza en 2014.

Mais c’est la visite de Modi en Israël en juillet 2017, la première d’un chef de gouvernement indien, qui a mis les relations indo-israéliennes sur un nouveau plan en proclamant un partenariat stratégique. Depuis, Modi a fait de l’extension des liens militaires, de renseignement et économiques de l’Inde avec Israël un objet-clé de la politique étrangère indienne. À cette fin, il a eu comme ambassadeur en Israël ces quatre dernières années le diplomate de carrière qui fut son secrétaire personnel d’août 2014 à août 2019, pendant la quasi-totalité de son premier mandat de Premier ministre.

Avec le développement d’un véritable axe New Delhi-Tel Aviv, Washington a cherché à intégrer toujours plus profondément l’Inde dans sa politique au Moyen-Orient. En octobre 2021, Washington a formé le Groupe I2U2 (Inde, Israël, Émirats arabes unis et États-Unis) afin de promouvoir des entreprises communes dans de nombreux secteurs économiques. A sommet du G-20 tenu le mois dernier à New Delhi, le président américain Biden a annoncé que Washington allait mettre en place un corridor économique Inde-Moyen-Orient-Europe destiné à faciliter l’émergence de l'Inde en tant que plaque tournante de la chaîne de production mondiale, alternativement à la Chine. Dans le cadre de ce projet, le port israélien de Haïfa, récemment acheté par le groupe indien Adani, doit servir de lien économique clé entre l’Asie et l'Europe.

Le rôle de l'Inde dans le soutien à l'agression impérialiste et à la guerre

L’Inde a rechigné à répondre aux demandes de Washington, Londres, Berlin, Paris et Bruxelles, qui l’invitent à rompre son partenariat stratégique de longue date avec Moscou et à les soutenir dans leur lutte pour vaincre et soumettre la Russie par leur guerre en Ukraine.

Mais sur la plupart des autres fronts géopolitiques, sa politique est de plus en plus étroitement alignée sur celle de Washington, malgré l’affirmation du ministre des Affaires étrangères S. Jaishankar que l’Inde poursuit une «autonomie stratégique» et des relations «amicales» avec tous les pays d’un «monde multipolaire».

L’Iran est un exemple typique. New Delhi a accédé à plusieurs reprises aux demandes des États-Unis de revoir à la baisse ses relations avec l’Iran. Son soutien inconditionnel à la guerre d’anéantissement menée par Israël contre le Hamas, allié de l’Iran, envenimera certainement les relations avec Téhéran. D’autant plus que de nombreux milieux impérialistes demandent qu’on tienne l’Iran pour responsable du soulèvement du Hamas et qu’on le lui «fasse payer».

Divers éléments pseudo-de gauche, comme l’universitaire Vijay Prashad basé aux États-Unis et qui soutient le Parti communiste indien (marxiste), ont affirmé que la bourgeoisie indienne et d’autres élites capitalistes de droite, de la Turquie au Brésil en passant par la Chine et la Russie de Poutine, pouvaient servir d’antipode progressiste aux puissances impérialistes occidentales.

En réalité, toutes les classes dirigeantes de ces pays manœuvrent pour faire avancer leurs propres ambitions prédatrices et sont uniformément hostiles à la classe ouvrière, la seule force possédant la puissance sociale pour mettre fin à l’agression et à la guerre impérialistes, ainsi qu’à leur source, le système capitaliste.

Le régime autocratique d’extrême droite de Modi et la bourgeoisie indienne ne font que souligner combien l’appel à ce que les travailleurs soutiennent un «monde multipolaire» est une impasse réactionnaire.

L’Inde apporte un soutien essentiel à l’impérialisme américain dans sa campagne de guerre contre la Chine, et fournit maintenant une couverture politique et idéologique au régime de Netanyahou, armé et soutenu par les États-Unis, qui cherche à écraser le peuple palestinien.

Les grands médias indiens ont largement imité le gouvernement Modi et les impérialistes occidentaux dans leurs dénonciations à glacer le sang du «terrorisme» palestinien et dans leur omission de toute discussion sur la dépossession répétée et la répression sanglante qu’a subi la Palestine au cours des trois quarts de siècle passés.

Le principal parti d’opposition indien, le Parti du Congrès, s’est également fait l’écho de Modi dans un premier temps. Dimanche, son secrétaire général chargé de la communication, Jairam Ramesh, a déclaré que son parti «condamnait les attaques brutales contre le peuple d’Israël». Il n’a pas mentionné les souffrances ni la répression des Palestiniens aux mains de l’État israélien, dont le blocus de Gaza, ni la série interminable de provocations organisées par le gouvernement Netanyahou et ses alliés fascistes durant l'année écoulée.

Lundi cependant, la commission de travail du Congrès a adopté un ton légèrement différent. Elle a adopté une résolution exprimant «la consternation et l’angoisse face à la guerre qui a éclaté au Moyen-Orient», appelant à un «cessez-le-feu immédiat» et déclarant son «soutien aux droits du peuple palestinien à la terre, à l’autonomie et à vivre dans la dignité et le respect».

Ce recalibrage vient de la reconnaissance du fait que les masses indiennes, y compris une minorité musulmane de 200 millions de personnes, éprouvent une immense sympathie pour le peuple palestinien et que cette opposition doit, du point de vue de la bourgeoisie, être politiquement contenue et détournée.

Le président sri-lankais Ranil Wickremesinghe s’est également aligné sur Israël. Dans une déclaration publiée lundi, il a été cité comme déplorant «l'attaque sans précédent» contre Israël et «le meurtre d’un grand nombre de civils». Sa déclaration est restée totalement silencieuse sur le siège et le pilonnage de Gaza par Israël.

Le choc et l’indignation de Wickremesinghe devant la mort de civils sont aussi faux que ceux de Modi. Lui et l’establishment politique sri-lankais, dont il fait partie depuis la fin des années 1970, ont organisé une guerre raciste d’un quart de siècle contre la minorité tamoule du pays, qui a coûté la vie à plus de 100.000 personnes, cinghalaises, tamoules ou musulmanes. La guerre s’est terminée en mai 2009 par un massacre au cours duquel l’armée sri-lankaise a tué des dizaines de milliers de civils. En outre, ces derniers mois, son gouvernement a renforcé les forces de répression de l’État en prévision d’un nouveau soulèvement de masse contre la politique austéritaire de terre brûlée du FMI, menée par son gouvernement.

Les masses laborieuses de l’Inde et du Sri Lanka doivent se lever pour empêcher le gouvernement Netanyahou de réaliser ses plans génocidaires visant à écraser les Palestiniens de Gaza, avec le soutien militaire et politique total de l’impérialisme américain et la connivence des gouvernements et des élites dirigeantes de l’Inde et du Sri Lanka.

(Article paru d’abord en anglais le 12 octobre 2023)

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