Ce que Biden omet de dire sur le coup d’État du 6 janvier de Trump

Le discours du président Joe Biden vendredi dernier en Pennsylvanie a été prononcé à la veille du troisième anniversaire de la tentative de coup d’État ratée de Donald Trump, la première fois qu’un président américain a cherché à renverser une élection au cours de laquelle il a été battu. Biden a décrit en détail la violence de l’attaque contre le Capitole et le rôle de Trump pour rassembler et attiser la foule qui cherchait à bloquer la certification de l’élection présidentielle de 2020 par le Congrès.

Mais le discours de Biden n’a pas abordé deux questions centrales liées au 6 janvier: le rôle du Parti démocrate avant, pendant et depuis la tentative de coup d’État, et la source objective du danger croissant pour la démocratie américaine.

Dans son discours, Biden a reproché à Trump d’être resté silencieux pendant des heures alors que la foule brisait les lignes de police, prenait d’assaut le Capitole et se déversait dans ses couloirs, faisant fuir les sénateurs américains et les membres de la Chambre des représentants, ainsi que le vice-président Mike Pence, qui craignaient pour leur vie.

«Alors que l’Amérique était attaquée de l’intérieur, Donald Trump regardait à la télévision dans la petite salle à manger privée du bureau ovale», a déclaré Biden. «La nation entière a regardé avec horreur. Le monde entier a regardé avec incrédulité. Et Trump n’a rien fait».

Cela soulève la question suivante: que faisait le président élu Joe Biden? Il n’a pas dénoncé publiquement l’attaque au Capitole. Il n’a pas tiré la sonnette d’alarme. Il n’a lancé aucun avertissement au peuple américain pour qu’il se tienne sur ses gardes, et encore moins lancé un appel à la population pour qu’elle agisse afin de défendre ses droits démocratiques. Lorsqu’il est finalement apparu devant les caméras, c’était, incroyablement, pour demander à Trump, le principal organisateur du coup d’État, de disperser la foule qu’il avait lui-même amenée à Washington.

Il ne fait guère de doute que Biden, un agent de l’État très expérimenté, a passé ces heures à chercher à contacter les hauts responsables de l’appareil de renseignement militaire pour tenter de déterminer les chances de réussite du coup d’État. Ce n’est qu’après s’être assuré que le coup d’État échouait que Biden s’est présenté devant les caméras de télévision pour exhorter Trump à renvoyer ses partisans chez eux.

Cette attitude était conforme au comportement du Parti démocrate tout au long des mois qui ont précédé le 6 janvier 2021. Biden lui-même avait déclaré, au cours de l’été 2020, que son pire cauchemar était que Trump refuse de quitter la Maison-Blanche après une défaite électorale. Il s’était toutefois dit convaincu que si cela devait se produire, l’armée évincerait rapidement l’ancien commandant en chef et l’escorterait jusqu’à la retraite.

Tout au long de la campagne d’automne, Biden et les démocrates avaient minimisé les menaces répétées de Trump de ne pas accepter une défaite électorale, affirmant qu’il n’y avait pas de danger de ce côté-là et que le peuple américain pouvait s’attendre à un nouveau transfert pacifique du pouvoir. Ces assurances ont été renforcées pendant les mois qui se sont écoulés entre l’élection et le 6 janvier, alors que Biden se moquait publiquement de toute suggestion selon laquelle Trump était sérieux dans sa volonté de rester au pouvoir.

Après le 6 janvier, l’opération de camouflage a commencé, Biden s’empressant de protéger le Parti républicain. À peine un jour après que la majorité des républicains du Congrès ont voté pour ne pas certifier les résultats de l’élection présidentielle, adoptant ainsi la position des émeutiers qui avaient attaqué le Capitole, Biden a déclaré: «Nous avons besoin d’un Parti républicain. Nous avons besoin d’une opposition forte et fondée sur des principes».

Cette déclaration est devenue un mantra non seulement pour la Maison-Blanche de Biden, mais aussi pour les dirigeants démocrates du Congrès. Ils voulaient empêcher l’effondrement du système bipartite, rempart essentiel de la politique des grandes entreprises, qui confère à la classe capitaliste un véritable monopole politique aux États-Unis.

Les diverses auditions sur le 6 janvier se sont déroulées en dents de scie, par à-coups. L’enquête de la commission spéciale de la Chambre des représentants sur les événements du 6 janvier a joué un rôle essentiel dans la dissimulation du rôle des agences d’État dans la tentative de coup d’État.

Alors que des preuves précieuses ont été apportées sur les événements qui ont précédé le 6 janvier, la commission a refusé d’examiner le rôle du Pentagone, du ministère de la Sécurité intérieure et d’autres agences d’État, alors même que des rapports faisaient état de généraux de haut rang qui bloquaient l’envoi de la Garde nationale pour défendre le Capitole. Lors de ses auditions publiques et dans son rapport final, la commission a présenté l’attaque du Capitole comme un événement dont Trump lui-même, uniquement lui, était personnellement responsable – un coup d’État d’un seul homme. Biden s’est fait l’écho de ce récit dans son discours de vendredi.

Il a combiné le silence sur la responsabilité plus large du coup d’État avec le silence sur ses causes sociales plus profondes. C’est parfaitement vrai, comme l’a dit Biden dans son discours de vendredi, que si Trump réussit à revenir à la Maison-Blanche à la suite de l’élection de 2024, il relancera ses projets de dictature:

Trump prévoit d’invoquer la loi sur l’insurrection, qui lui permettrait de déployer – ce qu’il n’est pas autorisé à faire dans des circonstances ordinaires – lui permettrait de déployer des forces militaires américaines dans les rues de l’Amérique. Il l’a dit. Il qualifie de «vermine» ceux qui s’opposent à lui. Il parle d’empoisonner le sang des Américains, reprenant exactement le même langage que celui utilisé dans l’Allemagne nazie.

Mais Biden est resté silencieux sur la question la plus importante. Comment se fait-il qu’un ex-président deux fois mis en accusation, qui a cherché à renverser la Constitution, soit en mesure de revenir au pouvoir?

Les démocrates ont certainement contribué au renouveau de la fortune politique de Trump en bloquant toute enquête sérieuse sur le 6 janvier. Trump devrait être en prison, et non en campagne électorale, avec de nombreux co-conspirateurs de haut niveau.

La prétention de Joe Biden de faire de la défense de la démocratie l’axe de son gouvernement et de sa campagne de réélection est un mensonge transparent. L’axe central de son gouvernement a été la guerre, d’abord la guerre par procuration avec la Russie en Ukraine, et maintenant l’attaque génocidaire d’Israël sur Gaza. Ces deux guerres, menées dans l’intérêt de l’impérialisme américain, se déroulent sans aucun mandat démocratique et face à une opposition populaire grandissante.

Biden, tout comme Trump, est inébranlablement engagé dans la défense de la classe dirigeante américaine et de ses intérêts mondiaux. Pour poursuivre ces guerres, Biden a besoin du soutien bipartisan du Parti républicain, alors même qu’il se prépare à désigner le fasciste Trump aux élections de 2024.

Et dans le cadre de cette campagne de guerre, Biden poursuit les attaques de Trump contre la démocratie, bien qu’avec une rhétorique différente. Les migrants sont toujours emprisonnés dans des camps et déportés par millions, mais sans discours dithyrambiques de la Maison-Blanche. Les guerres en Ukraine et surtout à Gaza s’accompagnent d’un assaut contre le droit à la dissidence, désormais concentré sur les campus, avec des prétentions bidon de lutte contre l’«antisémitisme».

Dans sa déclaration du Nouvel An, publiée en quatre parties du 3 au 6 janvier, le Comité éditorial international du WSWS a fourni une analyse complète de la crise et de l’effondrement de la démocratie capitaliste, qui a lieu dans le monde entier, et pas seulement aux États-Unis.

La déclaration fait remonter cet effondrement aux racines sociales et économiques sous-jacentes: la domination croissante de la société par une poignée d’institutions financières géantes et les tensions sociales extrêmes générées par une croissance sans précédent de l’inégalité sociale, où une petite poignée de milliardaires possède plus de richesses que la majorité de la population. La déclaration explique que les droits démocratiques sont incompatibles avec la domination de la société par une clique d’oligarques capitalistes:

Tous les discours sur la défense de la démocratie et la lutte contre le fascisme qui ignorent la question fondamentale de la classe et du pouvoir économique – reconnaissant par conséquent la nécessité de la mobilisation de la classe ouvrière à l’échelle mondiale pour le renversement du capitalisme – sont de la démagogie cynique et politiquement impuissante. La richesse des milliardaires doit être expropriée et les gigantesques trusts doivent être transformés, sans compensation pour les gros actionnaires, en services publics contrôlés par l’État, gérés sur la base des besoins sociaux et non du profit privé. Les institutions antidémocratiques et les organes répressifs de l’État capitaliste (armée professionnelle, police et agences de renseignement) doivent être abolis et remplacés par des organisations de contrôle et de pouvoir des travailleurs, afin d’établir une économie démocratique et planifiée à l’échelle mondiale.

Un tel programme socialiste, base sur laquelle les droits démocratiques peuvent être défendus, ne peut être réalisé que par la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière contre les Démocrates et les Républicains.

(Article paru en anglais le 8 janvier 2024)

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