50.000 travailleurs de Postes Canada sont confrontés à une bataille politique contre un gouvernement libéral pro-austérité et pro-guerre

Environ 50.000 travailleurs de Postes Canada sont sans convention collective depuis plus de trois mois en raison de la connivence entre le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) et la direction de l'entreprise pour bloquer la lutte contre les demandes de concessions massives de l'entreprise.

La lutte que doivent mener les travailleurs des postes est avant tout politique, puisque les pressions exercées par la direction pour rendre Postes Canada « rentable » aux dépens de ses travailleurs sont soutenues à bout de bras par le gouvernement libéral de Trudeau et ses alliés syndicaux, y compris la bureaucratie du STTP.

Les grévistes de Postes Canada lors de leur campagne de grèves tournantes en 2018, qui a été criminalisée par le gouvernement libéral de Trudeau.

Dans un geste calculé pour donner une certaine légitimité à ses vastes plans de restructuration, Postes Canada a décidé d'annoncer des pertes financières massives au milieu des négociations en cours. Les plus de 700 millions de dollars perdus au cours de l'année écoulée et les 3 milliards de dollars perdus au cours des six dernières années ont pour but d'intimider les travailleurs pour qu'ils acceptent des attaques sur les salaires, de nouvelles augmentations de charges de travail déjà insupportables, le maintien du régime impitoyable de harcèlement de la direction qui règne dans les dépôts de tri du courrier, l'éradication des droits d'ancienneté, l'élimination de la protection de l'emploi et l'utilisation de nouvelles technologies pour intensifier l'exploitation. La direction de Postes Canada menace de mettre fin à la distribution quotidienne du courrier, une proposition que le gouvernement libéral a déclaré vouloir examiner.

Les pertes de Postes Canada ne sont en fait que peu de choses comparées aux sommes considérables que le gouvernement libéral, soutenu par les syndicats, débloque sans sourciller pour réarmer l'armée canadienne et faire la guerre dans le monde entier. La récente mise à jour de la politique de défense de l'impérialisme canadien comprend un plan visant à augmenter les dépenses de défense d'environ 32 milliards de dollars actuellement à 49 milliards de dollars d'ici la fin de la décennie – une augmentation qui permettrait d'effacer six fois les pertes de Postes Canada au cours des six dernières années. Plus de 10 milliards de dollars ont été mis à la disposition du régime fascisant ukrainien sous forme d'armes et de garanties financières, alors qu'il sacrifie la vie de centaines de milliers de travailleurs ukrainiens pour poursuivre une guerre contre la Russie menée par l'impérialisme américain avec le soutien des impérialistes canadiens et européens.

Les «pertes» de Postes Canada sont également dérisoires par rapport aux 600 milliards de dollars mis à la disposition de Bay Street et des entreprises canadiennes au plus fort de la pandémie de COVID-19 par le gouvernement libéral et la Banque du Canada, en consultation avec les organisations patronales, le Congrès du travail du Canada et son porte-parole, le Nouveau Parti démocratique (NPD).

Le problème n'est pas un manque de fonds. C'est plutôt que l'alliance corporatiste tripartite de la direction de Postes Canada, la bureaucratie du STTP et le gouvernement Trudeau s'entendent pour dire que la société d'État doit être gérée comme une entreprise à but lucratif. Depuis la création de Postes Canada en tant que société d'État en 1981, la bureaucratie syndicale a accepté que les emplois, les salaires et les conditions de travail des travailleurs des postes soient subordonnés aux résultats financiers de Postes Canada. Cela est allé de pair avec leur capitulation répétée et l'application des lois anti-grève.

En 2011, le STTP s'est plié à la loi de retour au travail du gouvernement conservateur de Harper, puis a contribué à imposer une convention collective de cinq ans truffée de reculs, qui comprenait un régime de rémunération et d'avantages sociaux à deux vitesses. En 2015, le président du STTP, Mike Palecek, a fait campagne pour l'élection du gouvernement Trudeau, affirmant que les libéraux « progressistes » seraient plus favorables aux travailleurs. En 2018, après que Mike Palecek et la bureaucratie du STTP ont étouffé la tentative de grève totale des postiers et limité l'action syndicale à des grèves tournantes impuissantes, le gouvernement Trudeau a fait adopter une loi de retour au travail à laquelle ni le STTP ni le Congrès du travail du Canada n'ont levé le petit doigt pour s'opposer.

Il est clair que les libéraux de Trudeau s'empresseront de criminaliser toute mobilisation des postiers dans une grève totale, surtout si les travailleurs s'efforcent – comme ils doivent le faire s'ils veulent l'emporter – d'en faire le fer de lance d'une mobilisation plus large de la classe ouvrière contre les reculs, l'austérité et la guerre. C'est un gouvernement qui a menacé d'utiliser toute la force de l'État pour criminaliser une grève de plus de 7000 dockers l'été dernier, en les accusant de mettre en danger «l'intérêt national». La seule raison pour laquelle le gouvernement Trudeau n'a pas eu à déployer la police et les tribunaux pour discipliner les grévistes est que l'ILWU (International Longshore and Warehouse Union) a fait le sale boulot du gouvernement en collaborant avec le Conseil canadien des relations industrielles, qui n'est pas élu, pour faire respecter ce qui était essentiellement une interdiction de grève et imposer les exigences des entreprises canadiennes.

Immédiatement après, le ministre du Travail, Seamus O'Regan, a annoncé son intention d'interdire les grèves dans les ports et dans d'autres secteurs économiques critiques. Au début du mois, O'Regan a mis sa menace à exécution en interdisant pour une durée indéterminée une grève brandie par plus de 9300 travailleurs des chemins de fer du Canadien National et du Canadien Pacifique Kansas City. L'interdiction de grève va de pair avec le rôle de premier plan joué par le gouvernement libéral dans la criminalisation des manifestations anti-génocide dans tout le pays, notamment en qualifiant d'«antisémites» les participants qui s'opposent au massacre des Palestiniens par Israël.

Alors qu'ils écrasent les luttes des travailleurs et augmentent les dépenses militaires, les libéraux de Trudeau comptent sur le soutien indéfectible des néo-démocrates. Le NPD, financé par les syndicats, assure la majorité parlementaire nécessaire au maintien du gouvernement minoritaire dans le cadre d'un accord de «confiance et d'approvisionnement». Le soutien du CTC, dont l'ancien président, Hassan Yussuff, a été nommé par Trudeau à un poste lucratif au Sénat pour services rendus à la classe dirigeante, n'a jamais faibli.

Ce regroupement a lieu parce que les intérêts matériels de ceux qui dirigent les syndicats, y compris le STTP, correspondent aux intérêts des grandes entreprises, et non à ceux des travailleurs qu'ils prétendent représenter. Ils soutiennent l'austérité dans les services publics, les attaques contre les salaires et les conditions de travail des travailleurs, et la guerre impérialiste parce qu'ils pensent que ces politiques protégeront leurs salaires à six chiffres et leurs liens corporatistes avec les dirigeants d'entreprise et l'État.

Le STTP est un exemple flagrant de ce processus. La bureaucratie du STTP soutient que la crise financière de Postes Canada peut être surmontée en augmentant les revenus de manière à ce que la société devienne plus rentable. Par conséquent, elle demande à la direction de charger les travailleurs postaux, déjà surchargés, de tâches supplémentaires, telles que le service de guichets de banque dans le cadre d'un programme utopique de services bancaires postaux ou le recyclage en tant qu'aides-soignants pour rendre visite aux personnes âgées et aux autres personnes vulnérables.

Les fonctionnaires bien payés du STTP sont hostiles à une lutte visant à faire du service postal un service public entièrement financé, afin de garantir de bons salaires et des emplois sûrs pour tous. Ils s'y opposent parce qu'une telle lutte nécessiterait de mobiliser le soutien des travailleurs des secteurs public et privé, y compris les cheminots récemment privés de leur droit de grève, les travailleurs de l'automobile, les travailleurs du secteur de la santé et les éducateurs, dans le cadre d'une contre-offensive unifiée menée par les travailleurs.

Les travailleurs pourraient alors lutter pour des services publics bien financés pour tous et mettre fin au pillage des ressources de la société par l'élite patronale et la machine de guerre de l'impérialisme canadien. Cette lutte doit nécessairement affronter de front l'alliance politique entre la bureaucratie syndicale, les libéraux et le NPD, que le STTP veut défendre à tout prix.

L'alliance corporatiste s'étend au-delà des frontières du Canada. Le gouvernement Trudeau coopère étroitement avec le gouvernement Biden sur la répression des luttes ouvrières et l'intégration de la bureaucratie syndicale dans l'élaboration et la mise en œuvre des politiques de la classe dirigeante. Cette semaine, Trudeau a rencontré la vice-présidente des États-Unis, Kamala Harris, en marge de la convention de l'Union internationale des employés de service (SEIU) à Philadelphie. Cette rencontre faisait suite à une table ronde organisée à la demande expresse de Biden par l'ambassadeur américain au Canada en février, à laquelle participaient O'Regan et plusieurs bureaucrates syndicaux de haut niveau. Ces réunions, dont le contenu est tenu secret pour les travailleurs et le grand public, permettent aux politiciens des deux côtés de la frontière de coordonner leurs efforts pour étouffer les luttes des travailleurs et promouvoir une politique économique nord-américaine protectionniste et pro-guerre comme base pour mener un conflit mondial contre les rivaux de l'impérialisme canadien et américain.

La réponse des travailleurs de Postes Canada à cette conspiration transfrontalière doit être d'établir leurs propres liens avec des alliés puissants à l'échelle internationale. Les travailleurs de l'US Postal Service (USPS) et les logisticiens d'UPS et d'autres fournisseurs privés sont confrontés aux mêmes attaques sur les salaires et les conditions de travail que celles subies par les travailleurs de Postes Canada. La «livraison dynamique», qui supprimerait la propriété des itinéraires pour les employés de Postes Canada, est appliquée à USPS depuis des années dans le but d'économiser des centaines de millions de dollars.

Les travailleurs des postes doivent combiner cette stratégie internationale avec la lutte pour mobiliser toutes les sections des travailleurs à travers le Canada pour la défense des services publics et la transformation de Postes Canada en un service public entièrement financé sous le contrôle des travailleurs. Les travailleurs des postes doivent avoir le dernier mot sur la façon dont les nouvelles technologies sont déployées et les procédures opérationnelles modifiées afin d'alléger la charge de travail, d'améliorer la distribution postale et de protéger les salaires et les avantages sociaux de tous et toutes. Ce ne sont pas les nouvelles technologies qui menacent les moyens de subsistance des travailleurs postaux, mais les intérêts lucratifs de l'élite dirigeante qui déterminent actuellement leur déploiement.

Une condition préalable à cette lutte est l'établissement de l'indépendance politique et organisationnelle des travailleurs par rapport à la bureaucratie nationaliste et pro-capitaliste du STTP. Cela ne peut se faire que par la création de comités de base dans chaque dépôt de Postes Canada à travers le pays. Ces comités placeront le contrôle de la lutte contractuelle entre les mains des travailleurs sur le terrain et créeront les conditions permettant aux postiers de sortir du carcan de la «négociation collective» pro-employeur et d'appeler à une lutte unifiée avec tous les travailleurs contre l'alliance libérale/néo-démocrate/syndicale. Les comités de base des postiers peuvent également transformer leur lutte en une offensive mondiale des travailleurs contre l'austérité et la guerre capitaliste en rejoignant l'Alliance ouvrière internationale des comités de base et en adoptant un programme socialiste pour mettre fin à la subordination des besoins de la société à la recherche du profit des entreprises.

(Article paru en anglais le 23 mai 2024)

Loading