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Le nouveau premier ministre français présente son programme anti-ouvrier

Par Alexandre Lefebvre
11 juillet 2002

Dans sa déclaration de politique générale le 3 juillet dernier, le premier ministre français Jean-Pierre Raffarin a présenté les grandes lignes du programme d'austérité et de répression que son gouvernement compte appliquer. La droite, qui contrôle la présidence avec Jacques Chirac ainsi que l'Assemblée Nationale, prépare une réduction massive des dépenses sociales et une augmentation des pouvoirs répressifs et militaires de l'état.

En un style remarquablement vague et bousouflé, Raffarin a appellé à un « nouvel humanisme » qui reposerait sure quatre « piliers » : « l'Etat attentif », « la République en partage », « une France créative », et « la mondialisation humanisée ».

Le nouveau gouvernement ne se fie pas uniquement à une telle rhétorique. Il se prépare à une confrontation ouverte avec la classe ouvrière. Raffarin a demandé aux responsables des grands services publics - surtout les transports en commun qui ont été particulièrement combatifs durant les grèves de 1995 - de préparer un dispositif pour « assurer la continuité du service en cas de grève ».

Les quatre « piliers» de Raffarin doivent être déchiffrés. Rendre l'Etat plus « attentif » signifie augmenter les forces sécuritaires et militaires de l'Etat. Se lamentant que l'Etat est trop « dispersé », Raffarin a déclaré vouloir « restaurer l'autorité républicaine » en donnant 13.500 nouveaux postes aux services de sécurité et en rendant la justice plus « sereine » ­ augmentant ses effectifs de 10.100 et réformant l'ordonnance de 1945 qui interdit l'emprisonnement des jeunes, pour « mettre les jeunes délinquants face à leurs responsabilités ». Raffarin a aussi promis d'augmenter le budget militaire à fin de moderniser les équipements et d' « améliorer la condition militaire ».

« La République en partage » signifie la réduction générale des dépenses et le rétrécissement du rôle de l'Etat. Entre 2001 et 2016, Raffarin envisage de ne pas remplacer 900.000 fonctionnaires après leur départ en retraite - l'Etat devrait ainsi se défaire d'environ 40% de ses 2,3 millions de fonctionnaires. Il veut éviter « l'augmentation trop rapide des dépenses » de l'assurance-maladie en limitant « l'encadrement » par l'Etat, créant la « souplesse nécessaire » pour assurer la « performance » des hôpitaux (serait-ce une réference plus ou moins voilée à l'augmentation des salaires du personnel de santé, jugée trop rapide par le journal conservateur Le Figaro?). Il pose comme principes de financement la « clarté des rôles » et la « responsabilisation de tous » ; les particuliers peuvent donc s'attendre à payer davantage leurs traitements médicaux.

Raffarin veut aussi une refonte dramatique du système de retraites avant juin 2003. Tandis que la presse financière française se plaint bruyamment du nombre de travailleurs au-dessus de 50 ou 55 ans qui sont retraités, il veut que « ceux qui souhaitent prolonger leur activité au-delà [de 60 ans puissent] le faire », tout en annonçant - sans rire ! - que « la retraite à 60 ans ne sera pas remise en cause ». De même, tandis qu'il prône « une plus grande équité entre les Français », il compte que « chacun doit avoir la possibilité de compléter sa pension » - ce qui jouera inévitablement en faveur des couches sociales plus aisées.

Raffarin, dont les origines politiques sont dans l'administration régionale, a fait grand cas de la décentralisation. Présentée comme un moyen de rendre l'administation plus « proche » du citoyen en transférant le pouvoir aux régions, elle vise surtout une réforme constitutionelle « autoris[ant] l'experimentation locale », qui, selon le Président Chirac, permettrait de « faire l'expérience de réformes en grandeur nature ».

« La France créative » signifie une réduction massive des prélèvements fiscaux par l'Etat et l'amélioration des conditions des employeurs, soi-disant pour encourager la création de petites entreprises et ainsi des emplois. Ainsi Raffarin a proposé la baisse des charges sociales des entreprises, une baisse générale de 5% de l'impôt sur le revenu, et maintient son refus de donner le coup de pouce traditionnel au smic (salaire minimum). On voit cependant que ces propositions ne visent pas principalement la création d'emplois mais plutôt l'amélioration de la position fiscale des entreprises, car Raffarin veut aussi « assouplir » la loi des 35 heures pour ne pas « entraver la volonté de certains salariés de travailler davantage » - si les salariés travaillent davantage, les entreprises n'auront évidemment pas besoin d'autant de personnel.

Raffarin n'a pas osé parler clairement de la privatisation d'Electricité de France et de Gaz de France (EDF, GDF), mais il a parlé de « deux grandes entreprises de réputation internationale » du secteur de l'énergie dont la « forme juridique sera modifiée pour permettre une ouverture progressive de leur capital », c'est-à-dire qu'elles seront du moins partiellement privatisées. Le Figaro a d'ailleurs immédiatement identifié les entreprises en question.

Pour souligner sa vision d'un capitalisme sans entraves, Raffarin a ajouté que « d'une manière générale, l'Etat a vocation à se retirer du secteur concurrentiel, sauf lorsque des intérêts stratégiques sont en jeu ».

« La mondialisation humanisée » n'a occupé que quelques minutes du discours d'une heure et demie. Raffarin y a proclamé l'importance des relations franco-allemandes à l'intérieur de l'Europe (des relations durement touchées par le débat sur la réforme de la Politique Agricole Commune voulue par l'Allemagne et explicitement refusée par Raffarin ailleurs dans le discours), l'importance de créer une « identité européenne » (sans expliquer clairement ce que l'on ferait d'une Europe unie), et la nécessité d'intervenir partout où l'on parle de « la dimension humaine de la mondialisation », un objet qu'il n'a pas clairement défini.

Les milieux politiques français face aux travailleurs

On ne peut comprendre l'approche de Raffarin, et son anxiété, sans se souvenir de la dernière fois qu'un gouvernement français de droite a tenté des réformes massives visant les acquis sociaux. En novembre-décembre 1995, le Plan Juppé (du nom du premier ministre d'alors, Alain Juppé) a provoqué un grand débrayage dans le secteur public qui était proche d'une grève générale. Des millions de travailleurs ont fait la grève et ont manifesté contre le gouvernement.

Le régime de droite, malgré une large majorité parlementaire, s'est retrouvé isolé et généralement haï. Après plusieurs semaines de grèves, plus de 60% des français se déclaraient en faveur des grévistes selon les sondages d'opinion. Les syndicats CGT et FO, les staliniens du Parti communiste français (PCF) et « l'extrême-gauche » ont pu empêcher le mouvement de masse de renverser le gouvernement, mais les grèves ont fortement secoué le régime. Juppé, actuellement chef de l'Union pour la Majorité Présidentielle (UMP ­ le parti gouvernemental), est toujours extrêmement impopulaire.

François Hollande, dirigeant par intérim du Parti Socialiste (PS), a répondu au discours de Raffarin en avertissant le nouveau gouvernement des conséquences potentielles de ses actes. Commentant l'ampleur de la « levée des protections des petits salariés », il s'est adressé à Raffarin pour lui dire : « De la dextérité, il vous en faudra beaucoup pour convaincre le pays de revenir sur les acquis sociaux ». La direction du PS est d'accord qu'il faut un programme d'austérité et de « réforme » du régime des retraites et d'autres services sociaux. Elle craint cependant qu'un assaut frontal ne provoque une nouvelle explosion de masse.

Un article de Figaro Magazine (supplément hebdomadaire du quotidien) a posé la question plus clairement dans un article intitulé « La France est-elle encore gouvernable ? » L'article dit au gouvernement de convaincre l'opinion : « Un impossible défi ? Celui-là même contre lequel Alain Juppé a trébuché en 1995 ? Pas forcément ». L'auteur prétend que l'opinion n'est pas « la rue (quelques milliers de manifestants, deux ou trois tracteurs) ni les syndicats ».

Ce langage provocateur, ainsi que l'annonce que le nouveau gouvernement préparait ouvertement des mesures anti-grèves, donne un aperçu du véritable état des rapports de classe en France.

La gauche officielle a répondu aux plans anti-grèves avec des bouts de phrases lamentables. Jean-Christophe Cambadélis du PS les a qualifiés de « vengeance posthume par rapport à 1995, une manière de punir les fonctionnaires descendus dans la rue contre M. Juppé ». Cambadélis a ensuite suggéré de transformer le PS d'un « parti d'élus » en un « parti de combat », qu'il veut cependant dirigé par des défenseurs endurcis du capitalisme tels que Hollande, Laurent Fabius, et Jack Lang.

Entretemps, une confrontation sociale se prépare. Le langage vague et déroutant du discours n'a pas apaisé les doutes de l'électorat - les taux d'approbation de Chirac et de Raffarin ont perdu 3% et 2%, pour finir à 47% et 58% respectivement, au courant de la première semaine de juillet. De larges couches de la population se méfient d'un gouvernement et d'un parti majoritaire éclaboussés par la corruption.

Le gouvernement et le patronat s'attirent de plus en plus l'hostilité des couches populaires. Les conditions de travail deviennent de plus en plus précaires. Selon CSA-Manpower, 75% des entreprises françaises utilisent l'intérim en 2002 contre 56% en 1999, et 62% utilisent l'annualisation du temps de travail contre 22% en 1999. Les immigrés sans papiers ont commencé à occuper des églises pour se mettre à l'abri des forces de l'ordre, craignant l'offensive prônée par Raffarin dans son discours contre l'immigration illégale. Le refus du « coup de pouce » pour le smic a suscité la colère des smicards, tels une caissière de boulangerie qui, interviewée par le Parisien, disait : « C'est écoeurant, tous ces politiciens qui nous font des promesses d'une vie meilleure, quand c'est exactement le contraire qui se passe ».

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