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Encore une mobilisation d'une journée en France

Par Antoine Lerougetel
23 Juin 2003

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Le 19 juin, la France a connu une nouvelle journée de mobilisation contre les projets du président Jacques Chirac et du premier ministre Jean-Pierre Raffarin de réduire les retraites et de décentraliser le système éducatif. Ce fut la huitième journée de protestation dans les secteurs public et privé et la douzième dans l'éducation depuis la rentrée de septembre 2002. La plupart de ces journées de mobilisation se sont déroulées ces deux derniers mois.

Le 19 juin pourrait bien être la dernière. Tandis que les salariés défilaient à Paris, Marseille et bien d'autres villes de France, au parlement on s'affairait à voter les divers articles du projet de loi et les dirigeants syndicaux qui avaient organisé les manifestations reconnurent ouvertement la défaite.

Annick Coupé, porte-parole du G10 (groupe des 10 fédérations des syndicats SUD) dit au quotidien Libération: "L'assemblée nationale poursuit les débats sur le plan Fillon [François Fillon, ministre du travail, présente le projet de loi] et est déterminée à le voter. La mobilisation d'aujourd'hui n'est pas en mesure de les en empêcher. Néanmoins, nous serons encore nombreux dans la rue pour dire que notre opposition à ce plan reste aussi forte ».

Coupé exprimait là l'idée qui s'impose de plus en plus clairement depuis le 13 mai, point culminant de la mobilisation. Ce jour-là, deux millions de manifestants et peut-être deux fois plus de grévistes arrêtèrent le travail pour protester contre les plans du gouvernement. Les sondages révélèrent que 66 % de la population rejetaient ce projet qui diminuera les retraites de 30 % et qui entamera le démantèlement du système d'éducation nationale, considéré par une large majorité de français comme le symbole des traditions démocratiques et égalitaires.

Après le 13 mai, les dirigeants syndicaux firent tout ce qu'ils purent pour épuiser le mouvement et le rendre inoffensif. Tandis que la CFDT (confédération française démocratique du travail), proche du Parti socialiste, soutenait dès le début les projets du gouvernement, la CGT (confédération générale du travail), qui entretient de longue date des liens avec le Parti communiste, poursuivit une tactique d'usure contre ses propres adhérents. Rejetant l'appel à la grève générale, elle organisa des journées d'action une ou deux fois par semaine, tactique qui n'inquiète pas le gouvernement.

Le 10 juin, la CGT ainsi que quatre autres syndicats de l'éducation, participèrent à une table ronde avec le gouvernement et conclurent un marché déloyal qui revint effectivement à saboter la grève des enseignants. En échange de la promesse accordée par les syndicats de ne pas empêcher le bon déroulement des épreuves du baccalauréat (examen qui ouvre la voie aux études universitaires), le gouvernement accepta de ne pas décentraliser, c'est-à-dire transférer du système d'éducation nationale aux collectivités territoriales, 20 000 personnels non enseignants sur les 100 000 prévus.

Cet accord déposséda les salariés de l'éducation non seulement d'un important moyen de pression mais il réussit aussi à les diviser. Les 20 000 personnels qui ne seront pas décentralisés sont des salariés qualifiés et mieux payés ­ médecins scolaires, assistants sociaux et conseillers d'orientation-psychologues ­ tandis que les 90 000 restants sont principalement des ouvriers aux revenus modestes.

Les salariés de l'éducation étaient les fers de lance du mouvement d'opposition au gouvernement. Nombreux étaient ceux qui étaient en grève reconductible depuis plus d'un mois, luttant simultanément contre le démantèlement du système d'éducation nationale et les attaques sur les retraites. Ainsi l'accord du 10 juin fut le coup de grâce pour le mouvement contre le projet sur les retraites, révélant ainsi l'hostilité des syndicats à toute offensive coordonnée contre le gouvernement.

François Fillon, ministre du travail, reconnut publiquement le rôle joué par la CGT pour désarmer le mouvement et félicita Bernard Thibault son dirigeant, éloge dont ce dernier se serait bien passé. On peut lire dans Le Monde du 17 juin : « François Fillon a d'ailleurs tenu à rendre hommage à la CGT et à son secrétaire général, Bernard Thibault, pour son 'attitude responsable'. En soulignant ainsi 'l'opposition raisonnable' de la CGT, 'même dans les moments de tension', le ministre du travail sait gré à la centrale de Montreuil de s'être évertuée à empêcher la généralisation d'un mouvement qui risquait d'échapper à son contrôle ».

Le président Chirac, qui s'était tenu bien à l'écart durant le conflit, monta au créneau le 12 juin et fit un long discours à Toulouse, se plaçant, selon Le Monde, « plus que jamais en arbitre impartial au-dessus de la mêlée politique et sociale ». Il n'y a « ni vainqueurs ni vaincus » pontifia-t-il, et se répandit en éloges sur les syndicats.

D'après Le Monde: "Des applaudissements ont salué son hommage aux enseignants qui 'se sont mobilisés pour permettre aux épreuves du baccalauréat de se dérouler sur tout le territoire national'. Inquiets depuis quelques semaines [sur la possibilité d'une grève qui bloquerait les examens] les collaborateurs de M. Chirac ont attendu d'avoir la certitude que les épreuves du bac se déroulaient sans heurt pour ciseler cet éloge ».

Dans le même discours, Chirac annonça une nouvelle série d'attaques, commençant à l'automne, avec la Sécurité sociale, le système national de santé.

Malgré les trahisons des syndicats, les manifestations du 19 juin furent conséquentes. Les cortèges furent plus petits que les précédents, mais bien plus grands que la plupart des observateurs attendaient. Dans toute la France quelques 300 000 personnes défilèrent et des milliers furent en grève.

La manifestation de Paris à laquelle participa le reporter du WSWS comprenait quelques 60 000 personnes défilant de Montparnasse jusqu'au siège du Medef [fédération des patrons] près de la Tour Eiffel, en un large cortège s'étirant à perte de vue dans les longs boulevards parisiens.

Les salariés, avec lesquels le WSWS s'entretint, se faisaient peu d'illusions sur la possibilité de forcer le gouvernement à reculer. Mais l'humeur était à la défiance et ils tenaient à manifester leur opposition aux attaques du gouvernement.

Le WSWS parla avec trois personnels de cantine scolaire- Thierry, Sébastien et Pascale ­ au moment où ils se rassemblaient pour la manifestation devant le cinéma Le Bretagne, sur le Boulevard Montparnasse. Ils nous dirent être en grève reconductible depuis le 13 mai et n'avoir rien obtenu.
Quand on leur demanda leur opinion sur les Partis socialiste et communiste, Thierry répondit: "Ne me parlez pas d'eux. Je ne veux pas y penser. S'ils étaient au pouvoir, ce serait la même chose ».

Discutant de ce qu'il fallait faire pour changer le système, Liliane, professeur d'histoire et géographie prit part à la conversation: « Il faut un parti révolutionnaire ».

Françoise, enseignante aussi, expliqua en détail comment les syndicats avaient étranglé le mouvement et l'avaient conduit à la défaite. Mais elle était déterminée à ne pas abandonner la lutte.


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