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Le gouvernement du Québec veut redorer son image pour mieux lancer son assaut contre la classe ouvrière

par Richard Dufour
14 avril 2004

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Il n'y a qu'un an que le gouvernement libéral québécois est au pouvoir et déjà il doit affronter la vindicte populaire suscitée par son projet de «réingénierie de l'État », le nom qu'il a donné à ses projets de démantèlement des services sociaux et de baisses d'impôts qui vont profiter aux sections les plus privilégiées de la société.

En décembre, le gouvernement a imposé une série de lois très contestées qui modifiaient le Code du travail pour faciliter la sous-traitance, augmentaient les frais pour les garderies subventionnées par le gouvernement et réorganisaient les structures administratives et syndicales dans le secteur de la santé dans le but d'augmenter la «flexibilité du travail », c'est-à-dire empirer les conditions de travail.

Le premier ministre Jean Charest a présenté ces mesures comme un «accompte » aux projets du gouvernement de changer de façon essentielle le mode de fonctionnement de l'État et l'octroi des services publics. Au cours de ce mois, le gouvernement Charest devrait présenter les détails de ses plans de privatisation et de déréglementation.

Selon les sondages, plus des deux tiers de la population de la province sont «insatisfaits » du gouvernement Charest. Dans un de ceux-ci, 80 pour cent des répondants ont indiqué qu'ils croyaient que l'opposition des syndicats, des groupes communautaires et autres contre le gouvernement, une référence à la vague des manifestations antigouvernementales qui ont éclaté à la fin de l'année dernière, était justifiée. Une deuxième vague d'opposition aux libéraux aura lieu ce mercredi, exactement un an après que le gouvernement Charest ait pris le pouvoir. Les sondages montrent aussi que s'il y avait une élection maintenant, les libéraux ne perdraient pas seulement le pouvoir, mais ils ne seraient plus qu'un petit groupe à l'Assemblée nationale.

Il y a quelques semaines encore, Charest regardait de haut toute opposition aux politiques de droite de son gouvernement, déclarant qu'il avait le mandat des électeurs. (Mais en fait, les libéraux ont gagné les élections en faisant appel à la colère populaire contre les coupes budgétaires brutales dans le domaine social qu'avait imposées le précédent gouvernement du Parti Québécois et en déclarant cyniquement qu'ils s'opposaient au programme néolibéral défendu par l'Action démocratique du Québec [ADQ].)

Récemment toutefois, Charest et ses libéraux ont pris un ton plus modéré, annonçant une «consultation» publique bidon sur les plans du gouvernement et présentant un budget que le ministre de Finances Yves Séguin a caractérisé de «social-démocrate». Leur but est de reconstruire l'image du gouvernement, qui est perçu présentement comme un parti de et pour la grande entreprise, pour mieux pouvoir passer à l'attaque contre la classe ouvrière.

Le budget libéral

Au grand dam de la principale association des employeurs, le Conseil du patronat, le récent budget des libéraux n'a pas implanté les promesses de réduire les impôts sur le revenu de $1 milliard par année. Plutôt, ils ont fait des mesures pour aider les familles, surtout celles à plus faible revenu, le centre de leur budget.

La plupart de ces mesures ne sont qu'illusions et tours de passe-passe, une supercherie politique. Les libéraux publient de pleines pages dans les quotidiens pour se vanter du fait qu'au début de 2005, les familles à faible revenu avec deux enfants recevront des allocations familiales de quelques milliers de dollars de plus et que même les familles avec un revenu moyen qui se situe entre les quarante et les soixante milliers de dollars recevront près d'un millier de dollars additionnel. Mais le gouvernement oublie d'ajouter que la plus grande partie de l'argent qui va à la bonification des allocations familiales vient de l'élimination des crédits et des déductions d'impôts à la famille.

Si l'on prend en compte les augmentations déjà imposées par les libéraux pour les garderies, l'électricité, l'assurance-médicaments gouvernementale et le transport en commun, la plus grande partie des familles québécoises se trouvera perdante.

Les autres mesures «anti-pauvreté» du budget sont tout aussi douteuses. Les libéraux ont rempli leur promesse d'éliminer les amendes pour les assistés sociaux qui refusent de participer aux programmes de travail à bon marché, mais ont laissé l'allocation pour une personne «apte au travail» au même niveau, soit la ridicule somme de $533 par mois. Ils ont aussi brisé leurs promesses de restaurer les médicaments gratuits pour les assistés sociaux et les personnes âgées.

Les grands médias se sont indignés que les libéraux aient nommé leurs changements aux allocations familiales une réduction d'impôts. Mais en faisant ainsi, les libéraux voulaient signaler à la grande entreprise qu'ils avaient l'intention de pleinement réaliser leur promesse de couper les impôts sur le revenu d'un milliard additionnel à chacune des cinq prochaines années.

Précisément parce que le plan de baisses d'impôts des Libéraux est si clairement un instrument de guerre de classe ­ la plupart des économies allant aux privilégiés et financées à même des coupures dans les services publics qui tomberont de façon disproportionnée sur les pauvres et les travailleurs ordinaires ­ les Libéraux ont jugé sage de prétendre que les premiers bénéficiaires de leurs «baisses d'impôts» seront les familles ouvrières en difficulté.

À tout autre égard, le budget des Libéraux s'inscrit dans le cadre de l'austérité fiscale de la dernière décennie. Dans un contexte où la presse fait état presque tous les jours de salles d'urgence engorgées et d'autres horreurs résultant du manque de ressources dans le système de la santé, les Libéraux n'ont augmenté le budget de la santé que de $1 milliard ou 5 pour cent. C'est la moitié de ce qu'ils avaient promis dans la campagne électorale de l'an dernier et à peine suffisant pour compenser la hausse des coûts dans le secteur de la santé due à l'inflation. Le budget de l'éducation a reçu une augmentation de $330 millions ou à peine 2,7 pour cent. Cela comprend une coupure de $$64 millions au programme de bourses d'études post-secondaires. Les étudiants à l'université et au Cégep devront par conséquent s'endetter davantage pour financer leurs études.

Tous les départements gouvernementaux autres que la santé et l'éducation ont vu leurs budgets gelés ou réduits, mesure qui se traduira par une baisse des niveaux de service, une hausse des frais d'usager, et une augmentation de la charge de travail pour les employés du secteur public.

Finalement, le budget ne prévoit absolument rien pour financer des hausses salariales pour les plus de 400.000 travailleurs des secteur public et para-public, les fonctionnaires, travailleurs d'hôpitaux, infirmières, techniciens de la santé, enseignants et autres employés d'écoles publiques et de cégeps, dont les conventions collectives sont expirées depuis l'été dernier.

Secoué, le gouvernement regroupe ses forces

Alors que les travailleurs s'apprêtent à marquer la première année au pouvoir de Charest en organisant de grandes manifestations antigouvernementales, ils devraient réfléchir sérieusement à la signification des récentes manoeuvres des Libéraux.

Le gouvernement a été clairement secoué par l'ampleur de l'opposition populaire à son assaut de classe. Mais cela ne signifie pas qu'il y aura un répit pour les travailleurs. Le budget visait simplement à redorer l'image du gouvernement avant les deux prochaines étapes de son offensive anti-ouvrière, à savoir: la présentation de plans de privatisation et de déréglementation, et une campagne pour imposer un «règlement» de travail dans le secteur public qui coupe les salaires réels, augmente la charge de travail et surtout élimine les clauses contractuelles limitant le recours à la sous-traitance.

La politique anti-sociale des Libéraux exprime la campagne du capital international pour chercher à résoudre la crise croissante du système de profit en éliminant les avantages et droits sociaux limités que les travailleurs ont gagnés dans la période ayant suivi la Deuxième guerre mondiale. Bien que le Parti Québécois tente aujourd'hui de se refaire une popularité en critiquant les mesures des Libéraux, au pouvoir, ce parti avait effectué les pires coupures dans les dépenses sociales de l'histoire du Québec et il s'était penché avant les dernières élections sur son propre plan de réduction du secteur public québécois.

Après sa montée au pouvoir, le gouvernement libéral Charest a pris pour modèle le régime conservateur ontarien de Mike Harris qui s'était fait, dans la seconde moitié des années 1990, le fer de lance de l'assaut du grand capital canadien sur la classe ouvrière. Harris avait imposé des coupes drastiques dans l'aide sociale, prolongé la journée de travail, sabré dans les dépenses publiques tout en diminuant largement l'impôt sur les riches et les classes moyennes aisées, et donné le feu vert au démantèlement des syndicats en renforçant les conditions pour l'accréditation syndicale et en abolissant la loi anti-scabs provinciale.

Tout comme en Ontario, ce programme de guerre de classe ouverte a entraîné une radicalisation politique des travailleurs du Québec. Ceci a donné lieu à des inquiétudes dans les cercles dirigeants que les événements pourraient échapper à tout contrôle et miner la «paix sociale». Après l'irruption largement spontanée en décembre dernier de grosses manifestations anti-gouvernementales, lesquelles ont poussé la haute direction syndicale de la province à lancer des avertissements qu'elle perdait le contrôle de ses membres, des appels ont fusé des médias de l'establishment exhortant Charest à revoir sa tactique. Il n'y avait pas de désaccord, comme l'ont montré les critiques tranchantes du budget du mois dernier, avec l'objectif gouvernemental de rendre le Québec plus «compétitif» en soumettant les services publics aux lois du marché et en réduisant les impôts. Mais Charest fut critiqué pour avoir inutilement provoqué les chefs syndicaux au lieu d'adhérer comme les gouvernements libéraux et péquistes précédents au «modèle québécois» de collaboration corporatiste entre gouvernement, patronat et bureaucratie syndicale.

Les récentes tentatives des Libéraux de donner un visage humain à leur agenda profondément anti-social est une réponse directe à ces inquiétudes. En se donnant un air pro-pauvres, les Libéraux se positionnent également pour une campagne de propagande visant à faire passer les travailleurs souspayés et surchargés du secteur public pour des «gâtés» qui jouissent d'avantages que d'autres travailleurs n'ont pas.

Les syndicats tendent la main à Charest et cherchent à ranimer le PQ

Il ne fait aucun doute que la bureaucratie syndicale veut collaborer avec les Libéraux de Charest. Les syndicats ont soutenu de façon tacite les Libéraux lors de la campagne électorale de l'an dernier, en prétendant que ceux-ci étaient un moindre mal que l'ADQ. La haute direction syndicale a plus d'une fois tendu la main au gouvernement, rappelant qu'elle avait appuyé la campagne du «déficit zéro» du PQ et aidé à formuler les plans de retraite anticipée utilisés par le PQ pour couper des dizaines de milliers de postes dans le secteur public, tout cela comme preuve qu'elle est prête à travailler pour un Québec plus «compétitif». La Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), la plus importante centrale syndicale, a déjà annoncé qu'elle participera au «sommet national» qui sera convoqué à l'automne par le gouvernement Charest.

Les chefs syndicaux font néanmoins face à une pression grandissante des membres en colère de la base. Plusieurs syndicats ont voté à l'échelle locale en faveur d'une grève générale d'une journée. La bureaucratie syndicale craint la moindre action militante des travailleurs. Mais elle a une longue histoire de manoeuvres visant à se placer à la tête des mouvements d'opposition afin de mieux les limiter à un programme de protestations qui accepte de façon inconditionelle le système de profit et la domination des partis politiques de la grande entreprise.

Alors même qu'ils soulèvent la menace d'une grève d'une journée, les dirigeants syndicaux travaillent à garder la lutte des travailleurs du secteur public dans la camisole de force du système de négociation collective imposé par l'état, bien qu'il s'agisse clairement d'une lutte politique contre les Libéraux et le programme de toute la grande entreprise.

Mais l'expression la plus palpable des efforts de la bureaucratie syndicale pour atténuer l'opposition populaire au gouvernement Charest est sa tentative de ressusciter le parti pro-indépendantiste de la grande entreprise, le Parti Québécois.

Des représentants en vue des syndicats ­ incluant l'ex-présidente de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) Monique Richard, l'ex-président la Confédération des syndicats nationaux (CSN) Marc Laviolette, le président de la section canadienne des travailleurs canadiens de l'automobile Luc Desnoyers et le président du syndicat des cols bleus de Montréal Michel Parent ­ ont formé une nouvelle faction au sein du PQ, sous le nom «Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre». Le but déclaré de cette faction est de pousser pour des «mesures progressistes par les instances dirigeantes du Parti québécois» et «de contribuer à la défaite du gouvernement Charest aux prochaines élections et réaliser dans les plus brefs délais notre rêve d'un Québec libre».

Le séparatisme québécois reflète le point de vue d'une section de l'élite politique et économique du Québec qui juge pouvoir mieux défendre ses privilèges sur l'arène globale en établissant son propre état capitaliste indépendant. Ce programme a historiquement attiré des éléments de la classe moyenne francophone qui cherchaient la protection de l'État dans un contexte où la barrière linguistique dans un environnement nord-américain compétitif bloquait l'avancement de leurs carrières.

Le représentant le plus ardent de ce type social a été la bureaucratie syndicale dont la position sociale privilégiée était basée sur sa capacité à subordonner les intérêts de la classe ouvrière aux intérêts de la grande entreprise au nom du «consensus national» et de la « libération» nationale.

La classe ouvrière a payé cher sa subordination politique au PQ. Au début des années 1980 et de nouveau à la fin des années 1990, des gouvernements péquistes ont mené des attaques majeures contre les travailleurs en réponse aux exigences de l'élite dirigeante. Les travailleurs ont réagi en délogeant le PQ du pouvoir aux élections. Mais la colère contre les pires politiques anti-ouvrières du PQ n'est pas un substitut à une rupture politique consciente d'avec le nationalisme québécois. Une telle rupture doit être basée sur la compréhension que les véritables alliés des travailleurs du Québec sont les travailleurs au Canada anglais, aux États-Unis et à l'échelle internationale.

Le programme de démolition sociale des Libéraux ne peut être vaincu, et la tentative de la direction syndicale de faire dérailler le mouvement d'opposition de la classe ouvrière déjouée, que si les travailleurs se tournent vers une nouvelle perspective politique basée sur l'unité internationale de la classe ouvrière et sa mobilisation politique indépendante contre le système de profit et pour l'égalité sociale.

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