En pleine guerre au Yémen, Washington vend des milliards de dollars d'armes à l’Arabie saoudite

Le Pentagone finalise un contrat d’armement d'un milliard de dollars avec l’Arabie saoudite afin de fournir une quantité massive d'armes, principalement des missiles pour les avions de chasse F-15 que Riyah a achetés aux Etats-Unis.

Les médias présentent ce transfert d’armes, rapporté d'abord par le New York Times, comme un élément d'une tentative par président Barack Obama d'apaiser les préoccupations de la monarchie saoudienne sur l’accord nucléaire américano-iranien. Cependant, cette mesure facilite également la poursuite et l’escalade de l’agression sanglante au Yémen mené par l’Arabie saoudite et ses alliés depuis mars.

L’accord servira de feu vert de l’Administration Obama pour une escalade de l’offensive militaire brutale contre les milices Houthi qui ont pris le contrôle sur une grande partie de l’ouest du Yémen plus tôt cette année.

Selon l’ONU, plus de 4.300 personnes ont trouvé la mort depuis le début de l’offensive anti-Houthi en mars. Plus de la moitié étaient des civils, dont beaucoup de femmes et d’enfants. Près de 1,5 millions de personnes ont dû fuir les combats ; des dizaines de milliers d’autres personnes même dû fuir le pays.

Grâce aux renseignements et au soutien logistique américains, l’Arabie saoudite et ses alliés utilisent les F-15 fournis par Washington pour larguer les bombes sur des quartiers résidentiels, des marchés, des écoles, des usines et des ports. Les forces dirigées par les Saoudiens ont, à plusieurs reprises, largué des bombes à sous-munitions interdites internationalement, de munitions également fournies par le gouvernement américain.

Après avoir attaqué des mois durant des cibles à travers tout le Yémen avec des frappes aériennes, les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite, Bahreïn et les autres monarchies du Golfe font pénétrer des milliers de soldats dans le pays. Ils se préparent à une offensive terrestre pour reprendre la capitale, Sanaa.

Cinquante soldats des Émirats arabes unis et de Bahreïn ont trouvé la mort vendredi dans la province de Marib dans le nord du pays après qu’une roquette tirée par les forces Houthi a frappé un dépôt d’armes, déclenchant une explosion massive.

Le transfert d’armes des États-Unis, qui nécessite une approbation presque certaine par le Congrès, a été annoncé alors que le roi saoudien Salman Bin Abdulaziz Al Saoud faisait sa première visite d’état aux États-Unis depuis son accession au trône en janvier.

Pour cette visite à Washington, DC, de trois jours, le monarque saoudien a loué les 222 chambres de l’Hôtel « Four Seasons », dans le quartier chic de Georgetown, pour caser Son Altesse et un entourage de plusieurs centaines de personnes.

Le personnel du Four Seasons a aménagé un tapis rouge dans le garage de stationnement et les couloirs de l’hôtel pour éviter que les pieds royaux du roi et de ses courtisans touchent le sol. Et, pour assurer davantage de confort, le mobilier de l’hôtel a été remplacé par des équivalents dorés.

« Tout est doré » a expliqué un patron régulier de l’hôtel à la revue, Politico. « Les miroirs sont dorés, les tables dorées, des lampes dorées, même les porte-chapeaux sont dorées ».

Le Roi Salman et du président Obama aurait discuté de l’accord nucléaire avec l’Iran, de la guerre au Yémen, de la lutte contre l’État islamique en Irak et la Syrie, et de la politique énergétique. Ils ont également discuté une intensification de programmes américains de formation militaire pour les forces armées saoudiennes.

Le vendredi, lors d'une conférence de presse conjointe avec le roi Salman tenue dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche, Obama a souhaité la bienvenue à son « ami personnel », dont les bourreaux ont décapité au moins 130 personnes à ce jour cette année.

Obama a également exprimé sa « préoccupation » sur la situation au Yémen, appelant à la restauration d’« un gouvernement qui fonctionne et qui est inclusif et qui peut soulager la situation humanitaire. »

Le Président a aussi utilisé cette séance publique d’information pour faire pression pour un « processus politique de transfert » en Syrie, où les États-Unis et l’Arabie Saoudite ont travaillé ensemble pour attiser une guerre civile de quatre ans visant à renverser le président Bachar al Assad. L’Arabie saoudite a été l’un des principaux partisans de groupes islamiques fondamentalistes djihadistes combattant en Syrie, dont le Front Al Nosra, la filiale d’Al-Qaïda en Syrie, et l’État islamique.

Le conflit, alimenté par les armes et de combattants canalisés vers la Syrie par l’Administration Obama et ses partenaires saoudiens, a tué plus de 220.000 Syriens et il a déplacé des millions, contribuant à l’afflux de réfugiés qui tentent maintenant le passage périlleux vers l’Europe.

L’accord rapporté par le Times vendredi n'est que l'une de plusieurs promesses de ventes d’armes fournies par le Pentagone à l’Arabie saoudite. En 2010, l’Administration Obama a annoncé un accord de 60 milliards de dollars sur 20 ans, la plus importante transaction d’armes jamais réalisée par les États-Unis, qui fournira l’Arabie Saoudite entre autres de 84 nouveaux avions de combat F-15 et de 70 nouveaux hélicoptères d’attaque Apache.

Le gouvernement saoudien est actuellement en pourparlers avec le Pentagone pour l’achat de deux frégates construites par Lockheed Martin pour plus de 1 milliard de dollars. Ces navires de guerre serviraient de pierre angulaire de la mise à niveau de la flotte orientale de la marine royale saoudienne. On a également prévu un contrat d’une valeur de 1,9 milliard de dollars pour 10 hélicoptères MH-60R Seahawk pour consolider les capacités anti-sous-marines de l’Arabie saoudite à être signé avant la fin de l’année.

Le Pentagone a approuvé un certain nombre de ventes d’armes à l’Arabie saoudite à la fin de juillet, y compris un accord de 5,4 milliards de dollars pour 600 missiles Patriot et un accord de 500 millions de dollars pour plus d’un million de cartouches de munitions, ainsi que des mines terrestres et des grenades à main.

Soutenue par les États-Unis, l’Arabie Saoudite a entrepris un effort massif pour moderniser et agrandir ses forces militaires au cours des dix dernières années. Ses dépenses militaires ont augmenté de 112 pour cent entre 2005 et 2014. En 2014, la monarchie saoudienne a engagé environ 80,8 milliards de dollars, un bond de 10,4 pour cent du PIB du pays, aux dépenses militaires.

(Article paru d'abord en anglais le 5 septembre 2015)

 

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