Une frappe saoudienne tue 21 civils au Yémen

Un rapport des Nations Unies (ONU) publié jeudi a confirmé qu'au moins 21 civils yéménites ont été tués et 11 autres blessés lors d'une frappe aérienne effectuée le 24 octobre par les forces de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite. La dernière cible civile détruite par l'allié despotique de Washington était une usine d'emballage de légumes, située dans la ville de Bayt el-Faqih, à environ 70 km au sud-ouest de Hodeïda. Les morts et les blessés étaient des travailleurs, des agriculteurs et des enfants.

Selon une source du ministère de la Santé du Yémen, tel que reporté par Middle East Eye, environ la moitié des décès ont été instantanés. Les autres décès sont dus au fait que les sauveteurs n'ont pas été en mesure d'atteindre les installations médicales à temps. Ce qui devrait être à une heure de route de Bayt el-Faqih à Hodeïda prend maintenant plus de six heures, car les factions rivales ont établi des points de contrôle et des barrages routiers le long de l’autoroute contestée.

Les rebelles houthis n'ont pas été vus dans la région et aucun matériel militaire n'a été retrouvé après le massacre. Associated Press et Al-Jazeera ont confirmé par le biais d'une vidéo non diffusée que des restes humains carbonisés ont été retrouvés éparpillés parmi les installations et le marché. Il s'agit de la troisième frappe aérienne lancée par la Force aérienne royale saoudienne (RSAF) la semaine dernière qui a fait des victimes civiles. La RSAF est bien équipée et approvisionnée par l'impérialisme occidental: des Boeing F-15 Eagles de fabrication américaine et les Typhoons Panavia de la British Aerospace (BAE).

Le samedi 20 octobre, des avions de la RSAF ont bombardé la rue Zayed à Hodeïda, tuant un civil et en blessant quatre autres. Avant le massacre de Bayt el-Faqih mercredi, des jets saoudiens ont attaqué un motocycliste dans un quartier résidentiel de Hodeïda, tuant trois personnes, dont un enfant, et en blessant six autres, selon Middle East Eye.

La ville de Bayt el-Faqih et le marché qui l'entoure étaient considérés par les civils comme un endroit «sûr» pour préparer des fruits et légumes loin de la ville portuaire assiégée de Hodeïda. Les frappes menées par les Saoudiens ont décimé les infrastructures yéménites, réduisant en ruines les usines de traitement de l'eau et les installations sanitaires dans la région. Pour cette raison, les travailleurs et les agriculteurs sont obligés de se rendre à l'usine de légumes pour laver leurs récoltes avant de faire le dangereux voyage vers les marchés portuaires assiégés de la mer Rouge.

En réponse à ces derniers crimes de guerre, l'ONU, inefficace comme toujours, a, une fois de plus, appelé à une enquête sur les frappes aériennes saoudiennes. Il est établi depuis le début de la guerre que les États-Unis et le Royaume-Uni ont fourni au Royaume d'Arabie saoudite plus de 12 milliards de dollars en avions et bombes ainsi qu’en renseignements vitaux pour coordonner les cibles «appropriées» des avions de guerre saoudiens. Si aucune «cible» n'est immédiatement disponible, les KC-135 de l’armée de l’air américaine sont prêts à ravitailler les bombardiers saoudiens en carburant, à les maintenir dans le ciel et à assurer que leur charge meurtrière soit larguée.

Dans un rapport de janvier 2016, présenté au Conseil de sécurité par un groupe d'experts de l'ONU, on compte parmi ces cibles «… les civils et les biens publics, en violation du droit international humanitaire, incluant les camps de personnes déplacées et de réfugiés; les rassemblements civils, notamment les mariages; les véhicules civils, notamment les autobus; les zones résidentielles civiles; les installations médicales; les écoles; les mosquées; les marchés, usines et dépôts alimentaires; et autres infrastructures civiles essentielles, comme l'aéroport à Sanaa, le port à Hodeïda et les routes nationales de transit».

Reprenant les paroles de l'ONU indiquant que rien ne sera fait contre l'injustice, le colonel Turki al-Malki, porte-parole de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite, a déclaré que l'attentat de Bayt el-Faqih fera l'objet «d'une enquête approfondie... selon un processus approuvé au niveau international».

La dernière fois que la coalition a fait enquête, c'était après que des avions saoudiens eurent sauvagement bombardé un autobus scolaire en août, tuant 51 personnes, dont 40 enfants. Cette enquête a conclu que l'autobus n'était pas une «cible militaire légitime» et que les «auteurs devraient être tenus responsables». [C’est nous qui soulignons.]

Ces bombardements terroristes, en plus du blocus naval de Hodeïda formé par les États-Unis et l’Arabie saoudite, ont placé le Yémen au bord de la famine. Plus de 70% des importations du pays passaient autrefois par les ports de la mer Rouge. Aujourd'hui, en raison du blocus, 14 millions de personnes, soit plus de la moitié de la population du pays, risquent la famine si la guerre se poursuit jusqu’à la fin de l'année. Le sous-secrétaire général de l'ONU aux affaires humanitaires, Mark Lowcock, a déclaré cette semaine «qu’il y a un danger clair et immédiat d'une grande famine qui menace le Yémen».

En plus de l’insécurité en nourriture et en eau, la monnaie du Yémen, le rial, a chuté en valeur, tandis que l'inflation a presque doublé, passant de 24,7 % en 2017 à environ 41,8% en 2018. L'effondrement de l'économie du Yémen a exacerbé les conditions sociales dans ce qui était déjà le pays le plus pauvre du Moyen-Orient. Selon un rapport de la Banque mondiale, en septembre 2018, 52% de la population vivaient avec moins de 1,90 dollar par jour, tandis que 81% gagnaient moins de 3,20 dollars.

En plus des conséquences des pénuries alimentaires et de l'effondrement de l'économie, le Yémen connaît également la plus grande épidémie de choléra de l'histoire moderne, avec plus d'un million de cas potentiels en 2017. Selon l'Organisation mondiale de la santé, 30% des cas de choléra au Yémen touchent des enfants de moins de 5 ans. Une augmentation de 170% des cas de choléra a été signalée par les hôpitaux gérés par Save The Children entre juin et août 2018.

Les dernières et horribles frappes saoudiennes laissent présager davantage de souffrances pour la population civile du Yémen, en particulier à Hodeïda. Une offensive terrestre des forces saoudiennes et des Émirats arabes unis est en préparation, alors que des responsables gouvernementaux yéménites anonymes, fidèles à l'Arabie saoudite, ont indiqué que des chars et des véhicules blindés de transport de troupes en provenance des Émirats arabes unis étaient arrivés dans le pays mercredi.

Le sénateur du Vermont Bernie Sanders, qui découvre soudainement, avec d'autres socialistes du département d’État américain, l'implication des États-Unis au Yémen à la suite de l'assassinat du journaliste Jamal Khashoggi par un commando saoudien en Turquie, a pris la parole mercredi dans la tribune du New York Times pour demander «la fin du carnage». Cyniquement, Sanders a déclaré la guerre «inconstitutionnelle», car le Congrès n'avait pas autorisé sa poursuite. La raison pour laquelle Sanders n'a pas porté cette crise constitutionnelle urgente à l'attention du public lorsque le président d’alors, Obama, a facilité et soutenu la guerre menée par l’Arabie saoudite à son début en 2015, n'a pas été mentionnée.

(Article paru en anglais le 27 octobre 2018)

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