Les pays européens forcent les enfants à reprendre l'école en pleine résurgence de la COVID-19

La campagne de réouverture des écoles après les vacances d'été se poursuit sans relâche dans toute l'Europe alors que la résurgence de la pandémie de COVID-19 s'accélère sur le continent.

Selon le Centre européen de prévention et contrôle des maladies, dix-neuf pays européens ont franchi un seuil-clé d'infection cumulée sur 14 jours, supérieur à 20 par 100 000 habitants et considéré comme un niveau d'alarme précoce par de nombreux experts de la santé. Le Luxembourg et l'Espagne ont signalé plus de 100 nouveaux cas par 100 000 habitants, suivis de Malte avec plus de 80, de la Belgique (plus de 60), de la France et des Pays-Bas (plus de 40) et du Royaume-Uni (plus de 20).

L'Espagne continue d'être l'épicentre de la résurgence du virus en Europe. Il y a plus de 1 000 foyers de virus actuellement actifs. Plus de 3 650 infections supplémentaires ont été signalées pour jeudi dernier, tandis que les décès hebdomadaires sont passés à 125. Le nombre des morts en Espagne reste l'un des plus élevés d'Europe, avec au moins 44 868 décès.

La classe dirigeante espagnole n'a pas utilisé le temps gagné par les confinements imposés fin mars et avril pour se préparer à cette résurgence attendue du virus. Il manque douze mille dépisteurs, les hôpitaux sont au bord de la saturation dans certaines régions en raison du manque de personnel soignant et les foyers de personnes âgées enregistrent un nombre significatif d'augmentations des cas; environ 20000 décès parmi les personnes âgées avaient déjà été attribués au COVID-19 entre mars et mai. Même la collecte de données est devenue problématique.

Jour après jour, les chiffres fournis par le ministère de la Santé sont inférieurs à ceux affichés par les services de presse des différentes régions.

En Allemagne, le virus monte désormais en flèche. Le pays, constamment promu comme un modèle de contrôle du virus en Europe après avoir mis en œuvre une politique de traçage et de confinement précoce, a signalé 2034 nouveaux cas de coronavirus samedi, la plus forte augmentation journalière depuis avril. Le nombre des personnes infectées y est passé à 232 082 et les décès à 9 267, selon les données compilées par l'Institut Robert Koch pour les maladies infectieuses.

La France a signalé 4 771 nouvelles infections vendredi, leur nombre quotidien dépassant les 3 000 pour la quatrième fois au cours des cinq derniers jours. Le ministère de la Santé a déclaré dans un communiqué: « Les indicateurs se dégradent, confirmant une circulation plus active du virus sur l’ensemble du territoire, en particulier chez les jeunes adultes. »

En Italie, le virus se propage à nouveau rapidement. La semaine dernière, Rome enregistrait 629 nouveaux cas en 24 heures et 500 les deux jours précédant ce chiffre. Cela n'avait pas été observé depuis mai, où l'Italie était l'épicentre du virus en Europe. Vendredi, 845 personnes testaient positif.

Même si au printemps on a clairement vu l’impact mortel du virus, les gouvernements européens conviennent tous qu'il n’est plus question de nouveaux confinements pour enrayer sa propagation. Au contraire, ils insistent pour que les écoles rouvrent partout – même si la réouverture des écoles a déjà accéléré la propagation du virus en Amérique du Nord et en Amérique du Sud – afin que les travailleurs reprennent pleinement le travail et que les profits puissent s’accumuler. Si des vies sont perdues, qu'il en soit ainsi: le COVID-19 est, comme l'a dit un médecin américain, le «virus des pauvres».

Dans une interview accordée au magazine Paris Match, le président Emmanuel Macron a déclaré que les Français devaient endurer le virus: « On ne peut pas mettre le pays à l’arrêt, parce que les dommages collatéraux d’un confinement sont considérables. Le risque zéro n’existe jamais dans une société. Il faut répondre à cette anxiété sans tomber dans la doctrine du risque zéro.»

En Espagne, Fernando Simón, directeur du Centre de coordination des alertes et urgences sanitaires, a déclaré: «Nous ne pouvons pas accepter que nos enfants ne soient pas en cours scolaires. Nous ne pouvons pas mettre en péril la compétitivité de nos enfants ». Faisant semblant d’exprimer sa sympathie envers les enfants de la classe ouvrière, Simon a souligné qu'un «effort» devait être fait pour ouvrir des écoles car «il est très facile de proposer une éducation en ligne pour ceux qui ont les bonnes ressources», car «un enfant qui a sa propre chambre, un ordinateur et une bonne connexion Wi-Fi, ce n’est pas la même chose qu’un enfant qui partage une chambre avec plusieurs frères et sœurs, des parents, qui n’a ni ordinateur ni Wi-Fi. »

Les principales autorités politiques d'Europe ont fait des déclarations cyniques similaires. Elles cachent le fait que depuis plus d'une décennie, elles ont affamé des écoles de ressources, tout en fournissant des liquidités sans fin pour le renflouement des banques et des grandes entreprises, et déversant des milliers de milliards sur les comptes de fabricant d’armes et dans la poursuite de guerres impérialistes. La pandémie elle, a servi de prétexte pour fournir des milliers de milliards de plus à des renflouements bancaires dont le coût est extrait de la population au prix de la vie et de la santé des travailleurs.

Partout sur le continent, la résistance grandit contre cette politique. Cependant, les syndicats, principaux agents de la campagne de retour au travail, interviennent pour réprimer une opposition croissante.

Au Royaume-Uni, où le Syndicat national de l’enseignement (NEU) soutient la réouverture des écoles en septembre, les enseignants ont organisé des manifestations de rue vendredi à travers le pays avec des revendications comme : des équipements de protection individuelle gratuits (EPI), des tests COVID hebdomadaires pour les enseignants et la possibilité de fermer les salles de cours si les taux d'infection locale atteignent un niveau donné. Alors que les syndicats parlent tous d'une réouverture en toute sécurité, ils font tout ce qu’ils peuvent pour ne pas rendre les écoles plus sûres ou lutter contre les plans de réouverture manifestement dangereux du gouvernement conservateur.

En Allemagne, la colère monte parmi les enseignants après qu'au moins 41 écoles de Berlin aient signalé que des élèves ou des enseignants avaient été infectés, moins de quinze jours après la réouverture des écoles. Mais le syndicat de l'éducation (GEW) soutient la réouverture des écoles. Il s'est même prononcé contre le port obligatoire de masques en classe, exigé de toute urgence par les virologues.

En France, malgré la plus forte hausse hebdomadaire de cas confirmés depuis le pic de mars, Macron a insisté pour dire que «le retour à l'école se [ferait] dans les prochains jours. » Malgré le dernier protocole sanitaire adopté par Macron fin juillet, assouplissant la distanciation sociale, les masques obligatoires pour les enseignants et le brassage des élèves, la principale revendication du syndicat enseignant SNUipp-FSU est de retarder la rentrée scolaire de quelques jours.

La secrétaire générale du SNUipp-FSU, Guislaine David, a déclaré: « On demande de décaler la rentrée des élèves, pour que les enseignants puissent avoir plusieurs jours de pré-rentrée dans la semaine du 31 août [….] Dans l’idéal, il nous faudrait la semaine du 31 pour pouvoir préparer un retour serein la semaine suivante ».

En Espagne, les enseignants ont été appelés à faire grève dans la région de Madrid au début de la rentrée en raison de l'absence de protocole pour la réouverture des écoles de la région. Alors que ce sentiment est répandu dans toute l'Espagne, les syndicats n’appellent à faire grève que contre le gouvernement régional de droite du Parti populaire (PP). Cela permet aux partis au pouvoir, le Parti socialiste (PSOE) et le parti «populiste de gauche» Podemos, de ne pas être inquiétés dans les régions qu'ils contrôlent.

Les syndicats espagnols sont d'accord avec la politique de retour à l'école. La secrétaire générale à l'éducation du CCOO, Isabel Galvín, a déclaré explicitement: «Nous nous mobilisons parce que nous voulons retourner à l'école et y rester. Nous ne voulons pas être confinés la semaine où nous commençons. Nous travaillons dur pour que tous les secteurs reprennent leur activité et nous devons nous engager pour qu'il y ait des cours en présentiel. Les enfants ont besoin de retourner à l'école pour leur éducation et leur stabilité émotionnelle. »

Il est essentiel que les travailleurs et les jeunes de toute l'Europe mettent en place leurs propres comités d'action, indépendants des syndicats, pour préparer une grève contre la réouverture des écoles et l'augmentation prévisible du nombre de décès qu'elle provoquera.

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(Article paru en anglais le 22 août 2020)

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