Des législateurs d’États républicains décident d’interdire le Projet 1619 du New York Times dans les écoles

Les législateurs républicains dans plusieurs États ont décidé d’interdire le Projet 1619 du New York Times de l’enseignement public. Les lois refuseraient le financement aux écoles qui enseignent le programme, qui résume toute l’histoire américaine comme une lutte entre les «races», et argumente, entre autres, que la Révolution américaine était une conspiration menée par les Pères fondateurs pour défendre l’esclavage contre la monarchie britannique.

Le bâtiment du Capitole de l’État à Des Moines, Iowa (Bibliothèque du Congrès / Carol M. Highsmith)

La première loi de ce type a été introduite en juillet de l’année dernière dans l’Arkansas, avec le soutien du sénateur fasciste américain Tom Cotton, qui a déclaré dans une interview à l’Arkansas Democrat-Gazette: «Le Projet 1619 est de la propagande de gauche». Le projet de loi de l’Arkansas a qualifié le Projet 1619 de «récit de l’histoire raciste et révisionniste qui menace l’intégrité de l’Union en niant les véritables principes sur lesquels il a été fondé». Un panel législatif de l’État a rejeté la dernière proposition en Arkansas le 9 février.

Le même jour, les législateurs républicains de l’Iowa ont déposé un projet de loi qui réduirait le financement de l’État pour toutes les écoles qui utilisaient des programmes d’histoire dérivés du Projet 1619. Le projet de loi prétend que le Projet 1619 vise à «nier ou obscurcir les principes fondamentaux sur lesquels les États-Unis ont été fondés» et a poursuivi en déclarant que l’éducation publique devrait se concentrer sur «la promotion d’un compte rendu précis de l’histoire de cette nation dans les écoles publiques et faire des jeunes des citoyens bien informés et patriotiques.»

Le projet de loi punirait les écoles qui enseignent le Projet 1619 en réduisant leur budget «d’un cent quatre-vingtième pour chaque jour de l’année budgétaire précédente pour laquelle le district scolaire a utilisé» du matériel du Projet 1619. Le projet de loi réduirait également les paiements des aides d’État pour les écoles, les collèges communautaires et les institutions régentes – y compris les trois universités publiques de l’État – qui violent la règle. Une législation similaire a été déposée dans le Mississippi, le Missouri et le Dakota du Sud.

Les projets de loi ont provoqué l’opposition des éducateurs et des historiens qui ont dénoncé les tentatives des législateurs républicains de restreindre le programme des cours et d’endoctriner les étudiants dans le chauvinisme de droite. T. Jameson Brewer, professeur adjoint à l’Université de Géorgie du Nord, a déclaré à USA Today: «Voulons-nous des faits et des détails historiques qui sont recherchés et publiés par des experts enseignés? Ou voulons-nous que le nationalisme soit enseigné? C’est une sorte de suggestion très effrayante, que les écoles s’engageraient dans un nationalisme idéologique pour des besoins politiques.»

En Arkansas, un enseignant a été licencié pour s’être opposé à la législation. Josh Depner, professeur d’histoire à l’Académie des arts de l’Arkansas, a été licencié après avoir envoyé un courrier électronique en colère aux responsables de l’État qui soutenaient le projet de loi. Bien qu’il se soit excusé par la suite, l’école l’a congédié pour avoir prétendument violé leurs accords sur l’utilisation des technologies à titre personnel et leur code d’éthique. Des étudiants de l’Académie des arts de l’Arkansas se sont depuis ralliés à Depner et ont demandé sa réintégration.

Cette dernière initiative des législateurs républicains exploite les falsifications racialistes du Projet 1619 dans un but plus large: effacer tous les aspects critiques de l’enseignement de l’histoire américaine et imposer la censure dans les écoles.

Les législateurs et les gouverneurs républicains à travers les États-Unis se tournent vers l’établissement d’un programme scolaire nationaliste de droite. En novembre dernier, le gouverneur du Mississippi, Tate Reeves, a proposé un «Fonds d’éducation patriotique» de 3 millions de dollars dans le but d’éduquer «la prochaine génération aux incroyables réalisations de l’American Way». Le mois dernier, la gouverneure du Dakota du Sud, Kristi Noem, a proposé une initiative similaire pour enseigner aux étudiants «pourquoi les États-Unis sont la nation la plus spéciale de l’histoire du monde».

Les efforts au niveau de l’État sont liés au rapport 1776 de l’administration Trump, dont le but était, selon les termes de Trump, de «restaurer l’éducation patriotique». Les républicains opposent le faux récit construit par le New York Times avec leur propre récit mythologique et chauvin qui sanctifie les tendances les plus arriérées et réactionnaires de la culture américaine, y compris le fondamentalisme religieux, tout en glorifiant le «marché libre», justifiant ainsi l’avidité effrénée de la classe capitaliste.

Le World Socialist Web Site s’oppose sans équivoque aux tentatives des législatures des États de supprimer et de censurer le Projet 1619. De plus, nous condamnons toutes les représailles prises contre des éducateurs pour avoir dénoncé ces mesures antidémocratiques.

Cependant, notre opposition à la censure par les législateurs des États d’extrême droite ne diminue en rien notre opposition de principe au Projet 1619, une falsification raciste de l’histoire qui nie le caractère progressiste de la révolution américaine et de la guerre civile, et qui vise à diviser éducateurs et étudiants selon des critères raciaux en insistant sur le fait que la ligne de démarcation centrale dans la société américaine, passée et présente, est la «race» et non la classe. Le Projet 1619 soutient que tous les Blancs sont les auteurs et les bénéficiaires de l’oppression des Afro-Américains, qui ont «lutté seuls» pour racheter la démocratie.

L’hystérie racialiste provoquée par le Projet 1619 a elle-même été utilisée pour censurer toute opposition à la politique identitaire. Dans l’événement le plus récent, le correspondant scientifique du Times, Donald G. McNeil Jr., a été contraint de démissionner après une campagne frénétique pour son utilisation présumée d’une insulte raciale dans le contexte d’une conversation sur le racisme avec des étudiants. Le refus de McNeil de suivre la ligne sur le «privilège blanc» a également été cité par des revendicateurs racialistes. Sans surprise, Nikole Hannah-Jones du Projet 1619 a joué un rôle de premier plan dans ce licenciement honteux du journaliste qui dirigeait la couverture de la COVID-19 du Times.

Comme toujours dans la politique et la culture américaines, il existe une sinistre division du travail entre les démocrates et les républicains. Le WSWS a constamment averti que le Projet 1619 était un cadeau à Donald Trump et au Parti républicain. Mais la tentative des législatures républicaines de censurer le Projet 1619 est également un cadeau pour des éléments obsédés par l’identité raciale et essentiellement réactionnaires au sein du Parti démocrate et du New York Times et dans leur périphérie.

En dernière analyse, le projet racialiste 1619 et le récit fasciste de l’extrême droite représentent les deux faces d’une même médaille. De différentes manières, les deux servent les intérêts du capital financier en occultant le conflit de classe irréconciliable qui est au cœur de la société américaine. Les deux tendances promeuvent une vision réactionnaire de l’histoire américaine visant à diviser et à semer la confusion dans la classe ouvrière.

Malgré tous leurs discours sur la justice et la réparation des torts, Hannah-Jones et ses semblables ne lèvent jamais la voix contre le grand mal de la société capitaliste dont découlent tous les autres maux: l’exploitation de la classe ouvrière. Ce n’est pas un accident, mais un reflet des intérêts sociaux de la couche étroite et égocentrique de la classe moyenne supérieure qui utilise la politique identitaire comme une arme pour accéder à une richesse et à un pouvoir accrus. Ces couches ne sont pas opposées au capitalisme; ils cherchent plutôt à se garantir une position plus privilégiée et plus sûre.

En rejetant la politique identitaire de la petite bourgeoisie, les socialistes se battent pour l’unité de tous les travailleurs indépendamment de l’identité raciale, du genre ou d’autres caractéristiques. Notre dénonciation de la politique raciale est une dénonciation de la subordination politique de la classe ouvrière à la petite bourgeoisie, qui est indifférente et hostile aux besoins des travailleurs.

Une véritable opposition de gauche à la fois au racialisme réactionnaire du Projet 1619 et à la mythologie de l’extrême droite est menée par le WSWS. Nous encourageons les enseignants et les étudiants à utiliser la collection à venir d’écrits et d’interviews du WSWS disponible ici de Merhing Books qui réfute les erreurs et les falsifications contenues dans le Projet 1619.

(Article paru en anglais le 16 février 2021)

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