L’acteur Kevin Spacey a bénéficié d’une libération sous caution inconditionnelle lors de sa comparution devant la Westminster Magistrates Court, vendredi, après avoir été accusé d’avoir agressé sexuellement trois hommes. L’avocat Patrick Gibbs QC a déclaré à la cour: «M. Spacey nie vigoureusement tout acte criminel dans cette affaire».

L’homme de 62 ans se bat contre deux chefs d’accusation d’agression sexuelle sur un homme à Londres en mars 2005; d’agression sexuelle sur un homme dans le Gloucestershire en avril 2013; et une accusation selon laquelle il a «poussé un homme à se livrer à une activité sexuelle avec pénétration sans consentement» à Londres en août 2008.

Le ministère public anglais a autorisé les accusations le 26 mai, et Spacey a publié une déclaration sur un ton de défi: «Je me présenterai volontairement au Royaume-Uni dès que possible et je me défendrai contre ces accusations, qui, j’en suis sûr, prouveront mon innocence.»

Spacey a semblé calme lorsqu’il est entré dans le tribunal vendredi matin, entouré d’une mêlée de presse. Dans la salle d’audience 1, le magistrat adjoint Tan Ikram a entendu les arguments concernant la libération sous caution, les procureurs demandant une caution substantielle «proportionnelle à la richesse du défendeur» et la remise de son passeport.

Le juge a rejeté leurs affirmations selon lesquelles Spacey risquait de s’enfuir et lui a accordé une libération sous caution sans condition. Le juge Ikram s’est adressé directement à Spacey: «Vous avez coopéré avec les autorités de New York et vous vous êtes présenté volontairement à cette procédure. Je ne suis pas persuadé qu’il existe un risque réel [de fuite], compte tenu de tout ce que j’ai entendu sur vous.»

Spacey a été pris dans la ligne de mire du rouleau compresseur #MeToo depuis 2017, lorsque des accusations, des insinuations et des ragots non vérifiés ont été utilisés pour attiser l’hystérie de la classe moyenne supérieure et détruire les réputations et les carrières de plusieurs acteurs, réalisateurs et comédiens très en vue.

#MeToo a cherché à remplacer la présomption d’innocence par le principe antidémocratique selon lequel «il faut croire les femmes», indépendamment des preuves et du droit de l’accusé à une procédure régulière. Dans le cas de Spacey, seuls le genre et l’orientation sexuelle sont différents.

En octobre 2017, l’acteur Anthony Rapp a allégué que Spacey lui avait fait une avance sexuelle en 1986, alors que Spacey avait 26 ans et Rapp 14. Cette seule allégation a suffi à déclencher une tempête. En quelques jours, Netflix a retiré à Spacey son rôle principal de Frank Underwood dans House of Cards et le réalisateur Ridley Scott l’a retiré de All the Money in the World, en refaisant le tournage de son rôle de Jean Paul Getty avec Christopher Plummer.

Peu de temps après, William Little a affirmé avoir été tripoté par l’acteur dans un restaurant et un bar de Nantucket, dans le Massachusetts, mais l’affaire s’est effondrée de manière ignominieuseavant le procès. En 2019, Little a refusé de témoigner sur des preuves disculpatoires, à savoir des messages qu’il avait supprimés d’un téléphone portable disparu, choisissant de plaider le cinquième amendement sur l’auto-incrimination et laissant ses avocats sans affaire.

Spacey a contesté à plusieurs reprises les accusations #MeToo portées contre lui, répondant aux attaques sans scrupules contre sa réputation avec dignité et même avec humour. Dans des vidéos du réveillon de Noël publiées sur YouTube en 2018 et 2019, il a publié une réponse bravache à ses accusateurs, s’adressant à ses fans en tant que Frank Underwood de House of Card: «Je vous ai choqués par mon honnêteté, mais surtout je vous ai fait penser... que nous n’en avons pas fini, quoi qu’on en dise.»

Reconnaissant le poids des accusations non prouvées contre d’innombrables personnes, sa vidéo un an plus tard était plus sombre: «Bien que ce soit un privilège d’offrir mon soutien, je dois dire franchement que cela a été au-delà de mes capacités. C’est plus grand que moi, parce qu’il est déchirant de constater que tant de personnes ont dit que les choses étaient devenues si mauvaises pour elles qu’elles ont envisagé de mettre fin à leurs jours».

La nouvelle des accusations du CPS contre Spacey a éclaté le 26 mai alors que l’acteur était dans une salle du tribunal fédéral de Manhattan, comparaissant dans un procès civil sur les allégations de Rapp. «Spacey s’est affalé sur le bureau de la table de la défense et s’est enfoui la tête dans les mains pour le reste de l’audience», selon Courthouse News Service.

La décision de Spacey de défier ses accusateurs au Royaume-Uni intervient un peu plus de deux semaines après que l’acteur Johnny Depp a gagné son procès en diffamation contre son ancienne épouse Amber Heard. Un jury de Virginie a estimé qu’il n’y avait aucune preuve à l’appui des accusations d’agression sexuelle et de violence domestique portées par Amber Heard contre Depp dans le Washington Post, jugeant ses allégations fausses et malveillantes.

L’affaire Johnny Depp contre Amber Heard s’est jouée devant un public mondial immense, des millions de personnes suivant les arguments juridiques complexes et les preuves présentées par les deux parties. Les six semaines d’audience ont mis en lumière le tissu de mensonges et de fabrications utilisés pour détruire la carrière et la réputation de Johnny Depp. Le verdict du jury a porté un coup dévastateur à la chasse aux sorcières #MeToo, l’envolée de la popularité de Depp révélant un engagement profond parmi de larges masses de travailleurs pour les droits démocratiques fondamentaux et une lutte déterminée pour la vérité.

Les accusations portées contre Spacey entre 2005 et 2013 coïncident avec son mandat de directeur artistique du théâtre Old Vic à Londres. Après que les allégations de Rapp, vieilles de trois décennies, aient été utilisées pour flageller publiquement Spacey, l’Old Vic n’a pas tardé à s’y associer, déclarant que «nous sommes profondément consternés d’entendre les allégations portées contre Kevin Spacey... Un comportement inapproprié de la part de quiconque travaille à l’Old Vic et totalement inacceptable.»

Le mandat acclamé de Spacey à l’Old Vic – qui l’a tiré de la faillite et a attiré un public plus jeune – soudainement, ne comptait plus pour rien. Les administrateurs du théâtre ont lancé une enquête dirigée par le cabinet d’avocats Lewis Silken sur des allégations anonymes de comportement «inapproprié» de Spacey, et une «ligne d’assistance» a été mise en place jusqu’en octobre-novembre 2017 pour solliciter des plaintes. Au final, les avocats du cabinet n’ont mis que deux semaines pour rendre leurs conclusions, l’Old Vic concédant qu’«il n’a pas été possible de vérifier aucune de ces allégations.»

Spacey apparaîtra dans deux films qui sortiront cette année, en tant que détective dans L’uomo che disegno Dio(L’homme qui dessinait Dieu) du réalisateur Franco Nero et en tant qu’étranger charismatique qui débarque dans une petite communauté à flanc de montagne dans Peter Five Eight du réalisateur Michael Zaiko Hall.

Les deux cinéastes ont défendu leur travail avec Spacey, un acteur extrêmement doué et acclamé par la critique sur scène et à l’écran. Le producteur Louis Nero (aucun lien de parenté avec Franco) a déclaré aux journalistes l’année dernière: «Franco et moi pensons tous deux que Kevin est l’un des meilleurs acteurs de sa génération. Nous ne voulons pas entrer dans les détails de sa vie privée. Il reste un grand acteur».

Les producteurs de Peter Five Eight ont publié une déclaration de défi le mois dernier, disant de Spacey: «Il y a ceux qui souhaitent qu’il ne joue pas, mais ils sont moins nombreux que les fans du monde entier qui attendent qu’un artiste qu’ils apprécient depuis des décennies revienne à l’écran... Peter Five Eight est un film pour les fans qui se soucient plus de l’art que du scandale.» Zaiko Hall a déclaré au Hollywood Reporter: «C’était un plaisir de travailler avec Kevin, il a fait rire tout le monde entre les prises et a livré ce qui, je pense, sera une surprise grandement appréciée pour ses fans.»

Spacey devrait également apparaître dans un drame historique, 1242 – Gateway to the West, son premier rôle principal depuis les accusations #MeToo en 2017. Le film est une coproduction britannique, hongroise et mongole réalisée par Peter Soos et le tournage doit commencer en octobre.

Spacey comparaîtra à la Southwark Crown Court le 14 juillet pour la préparation du procès et pour inscrire un plaidoyer.

(Article paru en anglais le 19 juin 2022)