Québec Solidaire se prépare aux élections en se tournant encore plus vers la droite

À quatre mois des élections provinciales québécoises, Québec Solidaire trône en tête des sondages parmi les personnes âgées de 18 à 34 ans en récoltant 33 pour cent des intentions de vote. Ce score électoral anticipé tombe à seulement 13 pour cent lorsqu’on tient compte des autres tranches d’âge.

Tout en se gardant de confondre les sondages avec la réalité, la popularité attribuée à QS auprès de la jeunesse revêt une certaine signification politique. Elle indique que nombre de jeunes au Québec nourrissent des illusions dans ce parti des classes moyennes aisées, même si son image «de gauche» a été ternie par sa marche forcée vers la droite depuis sa fondation il y a une quinzaine d’années.

Il est vital pour les jeunes travailleurs, et la classe ouvrière en son ensemble, de se défaire de tout faux espoir que QS représente une alternative progressiste au gouvernement anti-ouvrier de la CAQ (Coalition Avenir Québec) et à son virulent chauvinisme québécois.

Les deux porte-parole officiels de Québec Solidaire, Manon Massé (à gauche) et Gabriel Nadeau-Dubois (à droite). (Crédit photo : Québec Solidaire) [Photo: Quebec Solidaire]

L’appel pour l’indépendance du Québec qui figure au cœur du programme de QS est lui-même basé sur le nationalisme le plus rétrograde et articule un projet profondément réactionnaire: l’érection d’une république capitaliste du Québec en tant que troisième État impérialiste en Amérique du Nord.

Alors que le système capitaliste traverse une crise historique avec la pandémie de COVID-19, la guerre des États-Unis et de l’OTAN contre la Russie en Ukraine, et la montée en flèche du coût de la vie, Québec Solidaire se prépare aux élections en s’intégrant encore plus à l’establishment politique dirigeant.

Cela a été démontré lors de son Conseil national tenu à la fin mai, la dernière réunion du parti avant le lancement de sa campagne en vue des élections provinciales du 3 octobre prochain. À cette occasion, QS s’est présenté avant tout comme un parti «responsable» et «prêt à gouverner», c'est-à-dire un parti qui défend entièrement le système de profit capitaliste.

Pas une voix ne s’est élevée pour condamner la guerre impérialiste de l’OTAN – dont le Canada est un membre fondateur et actif – contre la Russie. Aucun dirigeant de QS n’a dénoncé la réponse désastreuse du gouvernement Legault à la pandémie. Personne n’a appelé à une vaste mobilisation ouvrière contre l’inflation galopante et l’assaut patronal sur les salaires et les conditions de travail qu’a supervisé le gouvernement Legault.

Les seules critiques du gouvernement réactionnaire de la CAQ à sortir de ce Conseil national furent de timides propositions sur la protection de l’environnement et la crise sociale, ainsi qu’une tape sur la main de Legault pour avoir exagéré la menace que poserait l’immigration au Québec. Cette tape était d’ailleurs purement symbolique, QS ayant voté quelques jours plus tôt en faveur du projet de loi 96de la CAQ qui attise le chauvinisme québécois en violant les droits linguistiques et démocratiques des minorités.

Le silence complice de QS sur la guerre contre la Russie en Ukraine s’inscrit dans le cadre de son appui aux opérations impérialistes d’Ottawa. Dans les dernières décennies, la classe dirigeante canadienne et québécoise, tous partis confondus, a entraîné le Canada dans une série de guerres menées par Washington pour maintenir son hégémonie mondiale par le contrôle des ressources et des régions géostratégiques. Ces guerres ont dévasté des sociétés entières et causé des millions de réfugiés, que ce soit en Irak, en Afghanistan, en Libye ou en Syrie.

C’est pour défendre ses propres intérêts impérialistes qu’Ottawa a intensifié son partenariat avec Washington durant cette même période. Québec Solidaire ne s’y est jamais opposé. Il n'a jamais fait campagne contre l’énorme augmentation des dépenses militaires du Canada, particulièrement sous le gouvernement Trudeau. Son rôle a consisté à légitimer les guerres de conquête de Washington et Ottawa en reprenant le mensonge que leur but était de défendre les «droits de l'homme».

QS joue le même rôle vis-à-vis la guerre actuelle contre la Russie en Ukraine, sous le prétexte cette fois de la défense de la «démocratie». Au début de cette guerre, QS a déposé une motion à l’Assemblée nationale qui rejetait toute la responsabilité de la guerre sur la Russie, camouflait le rôle agressif et provocateur de l'OTAN et relayait le mensonge qu’il s’agisssait de défendre le «droit du peuple ukrainien de vivre dans un pays en paix, prospère et souverain». Sans surprise, cette motion a été acceptée à l’unanimité par la CAQ, le Parti québécois et le parti libéral, qui défendent tous le capitalisme québécois et les intérêts impérialistes du Canada à l’étranger.

Les efforts incessants de QS pour s'intégrer à l'establishmentse manifestent également dans les questions cruciales de politique intérieure – avant tout, la protection politique qu’il a fournie au gouvernement Legault dans sa réponse désastreuse à la pandémie.

Alors que la CAQ subordonnait entièrement sa politique sur la pandémie à l’appétit insatiable des banques et de la grande entreprise en faisant tout pour garder «l’économie» ouverte, c’est-à-dire permettre aux profits de couler à flots, la direction de QS rencontrait régulièrement le premier ministre Legault à huis clos pour superviser l’application commune de cette politique criminelle – qui a causé plus de 15.000 décès, des hôpitaux constamment débordés et des millions de personnes infectées dans la province.

Dans la mesure où QS a osé critiquer le gouvernement Legault, c’était de la droite, pour son supposé manque d’ardeur à rouvrir les écoles – véritables foyers de transmission du coronavirus – et à imposer l’enseignement en présentiel pour tous, sous le prétexte révoltant qu’il fallait exposer les élèves (et leurs parents) à un virus potentiellement mortel afin de préserver leur «santé mentale».

Le plein appui de QS au gouvernement Legault sur la question de la pandémie était tellement compromettant que l’année dernière, des membres du parti sont allés jusqu’à blâmer publiquement la direction pour sa complicité trop visible avec la CAQ.

QS a beau se présenter à l’occasion comme un parti de «gauche», c’est un parti qui s’oppose à la lutte des classes. Il rejette la mobilisation de la classe ouvrière comme une force politique indépendante dans une lutte contre l’ordre social et politique capitaliste.

Le fait qu’une bonne partie des candidats de QS aux prochaines élections a été recrutée dans les milieux professionnels et des affaires – maires, avocats, médecins, petits entrepreneurs, cadres de la finance – montre que c’est un parti des classes moyennes aisées, plus que jamais déterminé à rompre toute association, aussi mince et symbolique soit-elle, avec les luttes de la classe ouvrière.

La «solidarité» dont parle Québec Solidaire n’a rien à voir avec une solidarité declasse entre les travailleurs, au-delà des différences de nationalité, de langue ou autres. Il s’agit plutôt d’une solidarité entreles classes, où la classe ouvrière est politiquement subordonnée à la petite et grande bourgeoisie.

Cela trouve son expression dans l’attitude de QS face à la résurgence des luttes ouvrières internationales, propulsée par la crise grandissante du capitalisme. Que les luttes se passent à l’extérieur du Québec, comme aux États-Unis, en Espagne, au Sri Lanka et dans de nombreux autres pays, ou qu’elles surviennent au Québec, comme à Olymel, ArcelorMittal, Rolls-Royce, Molson-Coors, pour n'en nommer que quelques-unes, QS n’en parle pas ou peu. Il craint que la lutte des travailleurs pour de meilleurs salaires, des retraites décentes et des conditions de travail sécuritaires ne se transforme en mouvement de classe conscient et ne pose un défi à l'ordre capitaliste qu’il défend.

QS courtise plutôt la bureaucratie syndicale, qui joue un rôle clé depuis des décennies pour isoler et étouffer les luttes des travailleurs. Lorsque les syndicats imposent des contrats de travail pourris, comme ce fut le cas dans le secteur public l’an dernier, QS ne les critique pas.

Le programme nationaliste, pro-capitaliste et pro-impérialiste de QS est mis en lumière par la politique des partis qu’il prend pour modèles. PODEMOS en Espagne a forgé une coalition avec l'un des deux partis de gouvernement de la classe dirigeante espagnole, le PSOE, afin d'implanter l'austérité capitaliste et laisser la pandémie se propager librement dans la population. À plusieurs reprises, le gouvernement PSOE-Podemos a mobilisé de massives forces policières contre des travailleurs en grève. En Allemagne, le Parti de gauche appuie le retour de l’impérialisme allemand sur la scène mondiale, y compris le rôle agressif qu’il joue contre la Russie.

La politique poursuivie par Québec Solidaire n'a rien à voir avec le socialisme. Si c'était le cas, il reconnaîtrait que le système capitaliste entre dans sa pire crise depuis la Deuxième Guerre mondiale. Il mènerait une opposition de principe au chauvinisme, à la guerre et au fascisme. Il dénoncerait les inégalités sociales croissantes et accueillerait l'opposition grandissante des masses au capitalisme.

QS ne fait rien de cela et accepte entièrement le cadre du capitalisme et le système d'États-nations rivaux dans lequel il est historiquement ancré. Ces rivalités nationales constituent un frein absolu au développement harmonieux et rationnel de l’économie mondiale, posant une menace mortelle à l’humanité qui prend aujourd’hui la forme de la pandémie, de la guerre impérialiste et d’une catastrophe environnementale imminente.

En tant que représentant des classes moyennes aisées, QS se plaint de certains aspects du capitalisme et déplore à l’occasion la dictature exercée par l’élite financière sur la société. Son but, toutefois, n'est pas de combattre la classe capitaliste dirigeante sur la base d'un programme socialiste, mais de courtiser celle-ci et de se tailler une place au sein de l’establishmentpolitique. Québec Solidaire veut convaincre l’élite dirigeante que son image de «gauche» peut servir à préserver la «paix sociale», en étouffant les luttes de la classe ouvrière et en les détournant sur des voies nationalistes réactionnaires.

Loading