Les débrayages d’Amazon au Royaume-Uni se poursuivent: créez des comités de base

Les travailleurs d’Amazon ont débrayé lundi pendant le quart de nuit au centre de distribution BRS2 à Swindon cette semaine. Un deuxième débrayage sur le site de Tilbury dans l’Essex était prévu par l’équipe du mercredi soir.

Les grèves sauvages en cours qui ont commencé la semaine dernière dans les entrepôts à travers le pays marquent l’entrée en lutte d’un contingent critique de travailleurs de la classe ouvrière britannique.

L’entrepôt LCY2 d’Amazon à Tilbury, Essex [Photo: WSWS]

Amazon, l’une des plus grandes entreprises au monde, est synonyme d’exploitation effrénée et de profit. Ses effectifs britanniques ont augmenté de 40.000 au cours des trois dernières années, ce qui en fait l’un des plus grands employeurs privés du pays avec 75.000 employés.

Des centaines de travailleurs ont débrayé mercredi et jeudi dernier, organisés par le bouche-à-oreille et des groupes WhatsApp, s’opposant à une pitoyable augmentation de salaire de 35 à 50 pence de l’heure: environ 3 pour cent alors que l’inflation RPI (des prix à la consommation) est déjà à 11,8 pour cent et qui, selon le groupe de réflexion National Institut de recherche économique et sociale passera à plus de 17 pour cent avant la fin de l’année.

Des débrayages ont eu lieu sur les sites de Tilbury, Coventry, Rugeley, Bristol et Coalville. Depuis lors, des manifestations continues ont eu lieu à Tilbury, Dartford, Belvedere, Hemel Hempstead et Chesterfield, où les travailleurs ne traitent qu’un seul colis par heure.

Ces actions sont le produit de la montée de la colère des travailleurs d’Amazon face au rythme de travail brutal exigé par l’entreprise et aux réductions de salaire de fait causées par l’inflation rendant la vie quotidienne impossible.

Les travailleurs de Tilbury ont déclaré au World Socialist Web Site:«En fait, les gens pleuraient à la cantine et disaient à nos gérants qu’ils n’avaient pas les moyens de payer leur loyer», «Nous ne sommes pas traités comme des travailleurs mais comme des esclaves. Nous sommes souvent menacés ici.»

Amazon et les syndicats

Après avoir lancé leur riposte, les travailleurs d’Amazon sont confrontés à la manière de faire avancer leur lutte.

La réponse avancée par de nombreux groupes de la pseudo-gauche et les syndicats eux-mêmes est qu’Amazon doit être syndiquée.

Amazon refuse de reconnaître les syndicats, plaçant ses salariés dans la même situation que les 74 pour cent de la population active non couverts par une convention collective. En particulier parmi les jeunes travailleurs (moins de 35 ans) qui prédominent chez Amazon, les syndicats font à peine partie de leur vie professionnelle. Plus de 80 pour cent des travailleurs âgés de 25 à 34 ans ne sont pas syndiqués et plus de 91 pour cent ont entre 16 et 24 ans. Les recherches du Congrès des syndicats (TUC) auprès des travailleurs âgés de 20 à 29 ans ont révélé que «la grande majorité n’avait jamais entendu le mot “syndicat”et n’était pas en mesure de fournir une définition». 

Les syndicats Unite et GMB, qui représentent déjà une poignée de travailleurs d’Amazon, sont présentés comme la meilleure «voix collective» pour les travailleurs d’Amazon. Mais rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité.

Dans l’éventualité que ces organisations soient reconnues par Amazon, elles agiraient comme elles le font dans tous les autres lieux de travail syndiqués: pour discipliner la main-d’œuvre en étroite collusion avec la direction afin d’empêcher les grèves et autres manifestations.

Les syndicats, dirigés par des bureaucrates aisés, ont présidé à une stagnation sans précédent des salaires et appliquent désormais des accords salariaux inférieurs à l’inflation dans tout le pays, entraînant le plus grand effondrement des revenus des ménages jamais enregistré. Ces organisations, avec des décennies d’étroite collaboration avec le patronat à son compte, n’offrent rien à la classe ouvrière.

Dans un tweet révélateur, Steve Garelick du GMB a écrit qu’il avait «été informé [que] le coût quotidien par département sur les sites Amazon qui ont débrayé concernant leur offre de rémunération est d’environ 100.000 £ par département et par jour[.] Preuve que le coût subi par Amazon aurait pu être atténué s’ils n’avaient pas imposé une somme aussi dérisoire».

C’est là le véritable argumentaire des syndicats: s’insérer en tant que gendarme social pour le compte de l’entreprise brassant des milliers de milliards de dollars et de ses actionnaires milliardaires en échange d’une niche confortable dans les structures de gestion.

Ce que le GMB ferait chez Amazon a déjà été prouvé par ses actions chez Deliveroo, où il a signé un «accord de partenariat volontaire» dans le dos des travailleurs en mai dernier. Après des années de grèves sauvages de la part des travailleurs, dont certains organisés par le petit Syndicat indépendant des travailleurs de Grande-Bretagne, et craignant le pire alors que la crise du coût de la vie s’aggrave, l’entreprise auparavant antisyndicale a fait appel au GMB pour jouer le rôle de gendarmes.

L’accord a nommé le GMB comme représentant officiel de la main-d’œuvre, consacré les pratiques d’hyper-exploitation de Deliveroo et promis que: «Les partenaires [Deliveroo et le GMB] s’engagent à assurer le succès commercial durable et à long terme de Deliveroo et rien dans le présent accord ne doit opérer pour saper cet objectif.» L’accord a été salué par la TUC (Confédération syndicale) comme un «accord historique».

Leçons de la campagne de syndicalisation aux États-Unis

Les travailleurs d’Amazon devraient tirer les leçons de l’expérience de leurs collègues aux États-Unis, où une campagne de syndicalisation au centre de distribution BHM1 à Bessemer, en Alabama, à la fin de l’année dernière et au début de cette année, a reçu un soutien sans précédent du président des États-Unis Joe Biden.

Biden espérait promouvoir le syndicat de la grande distribution et des grands magasins (RWDSU) et ses homologues en tant que partenaires commerciaux d’Amazon, leur faisant confiance pour démobiliser et trahir les grèves, et appliquer des accords au rabais sur les salaires et les conditions de sa main-d’œuvre d’un million de personnes tout comme ils l’ont fait dans d’autres grandes entreprises.

Bannière sur l’entrepôt d’Amazon à Bessemer, Alabama [Photo: WSWS]

Les travailleurs de Bessemer ont rejeté le RWDSU pour les mêmes raisons que Biden le recommandait, le syndicat ayant perdu deux votes sur le lieu de travail pour obtenir la reconnaissance.

Une deuxième campagne de syndicalisation, par l’Amazon Labour Union (ALU) nouvellement créé, a réussi de justesse à l’entrepôt JFK8 à Staten Island, New York, en grande partie parce que l’ALU a pris ses distances avec la bureaucratie syndicale organisée dans l’AFL-CIO et avec le Parti démocrate de Biden. Mais une fois le vote remporté, cependant, l’ALU a utilisé son soutien populaire pour redorer le blason de ces organisations discréditées. Cela a eu un effet contre-productif. Un deuxième vote de reconnaissance de l’ALU au centre de distribution LDJ5 voisin a échoué. Le WSWS a commenté:«Chaque pas en direction de la bureaucratie et du Parti démocrate était un pas qui s’éloignait des travailleurs.»

Les événements à Bessemer et à New York, a expliquél’International Amazon Workers Voice, ont souligné à quel point «une nouvelle orientation est nécessaire. Là où les syndicats promeuvent le corporatisme et la collaboration de classe, les travailleurs ont besoin d’une perspective anticapitaliste. Là où les syndicats promeuvent le chauvinisme national, l’internationalisme de la classe ouvrière est nécessaire. Là où le syndicat part du principe de ce dont le patronat est disposé à offrir, les travailleurs doivent partir de ce dont ils ont un besoin urgent.»

Pour les comités de la base!

Les débrayages britanniques chez Amazon ont été organisés de manière totalement indépendante par les travailleurs. Ils n’avaient aucun lien avec les campagnes bureaucratiques menées par le GMB (Votre syndicat chez Amazon) et Unite (Action auprès d’Amazon), ou la coalition Make Amazon Pay (Faisons payer à Amazon) qu’ils soutiennent tous les deux.

Mais d’une manière ou d’une autre, les travailleurs d’Amazon se retrouveront toujours en lutte contre la bureaucratie syndicale et ses partisans de «gauche». Ils ont prouvé la semaine dernière qu’une action puissante peut être entreprise par la base. Mais pour réussir, ils doivent développer leurs propres organisations et direction: des comités de base de travailleurs opérant indépendamment des syndicats dans chaque entrepôt et dépôt, à travers tous les rôles et échelons.

Amazon dispose de vastes réserves financières et du soutien total du gouvernement dans chaque pays où elle opère. Faire valoir les revendications des travailleurs nécessitera une lutte généralisée, déterminée et internationale. Les comités de base doivent discuter et coordonner l’action au-delà des frontières nationales avec les travailleurs d’Amazon dans la même situation à travers le monde, et d’autres dans les secteurs de l’entreposage, du transport, de la livraison et de la grande distribution. Au Royaume-Uni, le Syndicat des travailleurs de la communication a été contraint d’autoriser quatre jours de grève – qui se tiendront plus tard ce mois-ci et en septembre – par plus de 100.000 postiers de Royal Mail.

Des pressions seront exercées sur les grévistes d’Amazon pour qu’ils suspendent leurs actions, engagent des pourparlers inutiles et acceptent des offres inférieures au rabais et des promesses sans lendemain. Les comités doivent riposter en élaborant et en poursuivant des revendications basées non pas sur ce qu’Amazon prétend pouvoir se permettre, mais sur les besoins des travailleurs.

Tout le soutien possible sera apporté à ces efforts par l’International Amazon Workers Voice et l’Alliance ouvrière internationale des comités de base, créé pour donner aux travailleurs les moyens de mener la lutte nécessaire contre la grande entreprise, les gouvernements nationaux et leurs partenaires syndicaux. Nous appelons tous les travailleurs d’Amazon à entreprendre cette lutte en nous contactant dès maintenant.

(Article paru en anglais le 10 août 2022)

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