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Le Parti socialiste français essaie de se remettre de sa débâcle électorale

Par David Walsh à Paris
3 mai 2002

Cet article a été écrit avant le deuxième tour de l'élection présidentielle, mais l'analyse de l'évolution du PS qui y est présentée garde toute sa pertinence.

Le Parti socialiste (PS) a organisé une réunion publique le 30 avril, la veille des manifestations du 1er mai contre le néo-fasciste Jean-Marie Le Pen et son Front National (FN), pour consolider ses forces politiques et préparer les deux tours des élections législatives, le 9 et 16 juin.

De leur propre point de vue, les socialistes français ont essuyé une défaite humiliante au premier tour des présidentielles, le 21 avril, quand leur candidat, le premier ministre Lionel Jospin, s'est retrouvé en 3e place avec 15,9% des voix, derrière le président gaulliste Jacques Chirac et Le Pen.

Depuis le 21 avril les socialistes mènent une campagne ininterrompue pour Chirac au deuxième tour du 5 mai, prétendant qu'un vote massif pour le sortant de droite est la seule façon de combattre Le Pen et l'«extrême-droite». Les partis de la gauche plurielle ont fourni les éléments les plus bruyants et actifs de la campagne pour Chirac.

Les sociaux-démocrates du PS, les staliniens du Parti communiste français (PCF), les Verts, et les différents mouvements de protestation disent que leur seule inquiétude est de «barrer la route» aux néo-fascistes. Il y a sans question des masses de travailleurs et de jeunes dégoûtés et horrifiés par la montée électorale du FN, et avec raison. Pour beaucoup d'entre eux, défendre la République signifie croire aux idéaux de «Liberté, Egalité, Fraternité» et lutter contre le fascisme et la xénophobie. Ces idées sincères sont manipulées par le PS et d'autres dans un effort de maintenir le statu quo politique et de bloquer le développement d'une véritable alternative socialiste aux gaullistes et à la «gauche plurielle» (PS, PCF, et Verts).

La réunion du 30 avril, organisée par la fédération parisienne du PS, a attiré plus de 1.000 personnes, y compris plusieurs anciens membres du cabinet; bien qu'à contre-coeur, la réunion avait le caractère d'un rallye pro-Chirac. La bannière sur la plateforme disait : «Tous unis: Mobilisons-nous contre l'extrême-droite», c'est-à-dire «votons Chirac le 5 mai».

L'accent mis sur une unanimité conformiste et l' absence de discussion dans un parti «socialiste» qui fait campagne en faveur du candidat préféré de la bourgeoisie française n'est pas un signe de vigueur, tant s'en faut. La direction sociale-démocrate ne s'intéresse aucunement à un débat au cours duquel on pourrait commencer à examiner sa propre politique et sa propre responsabilité pour la montée de Le Pen : raison de plus de créer une atmosphère de panique, pour que l'on ne pose pas de questions gênantes.

Patrick Bloche, leader de la fédération parisienne du PS, a donné le ton à la réunion, commençant par un appel aux membres et aux sympathisants du PS à mettre «massivement un bulletin Chirac dans l'urne» au deuxième tour du 5 mai, qu'il décrivait comme un « référundum anti-Le Pen ». Parlant de la défaite le 21 avril de Jospin, le chef du parti, Bloche a déclaré que « Nous sommes orphelins, mais ce ne sont pas des sentiments de morosité et d'amertume qui nous animent aujourd'hui, car Le Pen le factieux est présent au second tour de l'élection et menace nos libertés fondamentales».

Le maire récemment élu de Paris, Bertrand Delanoë, qui a publié au mois d'avril un rapport détaillant la corruption de Chirac et de sa famille quand Chirac était maire de Paris, a parlé de la nécessité d'une « autocritique », et ensuite n'a rien fait de la sorte. Il a soutenu, sans la moindre preuve, que « cette gauche reste la seule force capable de retisser ce lien vers ceux qui se sentent totalement en dehors de la société ».

Pourquoi le croirait-on ? Que s'est-il passé pendant les 5 années du gouvernement Jospin et les décennies au cours desquelles le PS a partagé le pouvoir ? Six millions de personnes vivent sous le seuil de la pauvreté en France, un chiffre qui a augmenté au courant de la décennie précédente. Plus de 1,5 million de personnes employées à plein temps sont pauvres. Le travail à temps partiel, intermittent, et d'autres formes contingentes a proliféré, touchant particulièrement les jeunes. Il y a deux millions de chômeurs officiels en France, un chiffre qui ne prend pas compte les travailleurs partiellement employés, sous-employés, ou forcés à accepter une retraite anticipée. L'inégalité sociale croît ; tandis que les conditions des travailleurs se sont empirées ou ont stagné, les revenus du patronat ont augmenté de 36% en 2001.

Jospin et sa coalition (les staliniens, les Verts, le Mouvement des citoyens de Jean-Pierre Chevènement, et le petit parti des Radicaux de Gauche) ont privatisé plus d'entreprises nationales que leurs deux prédécesseurs de droite mis ensemble. La semaine de 35 heures tant louée n'a pas amélioré la vie des travailleurs, apportant plutôt une détérioration des conditions. Il y a plus de stress au travail, et les employeurs ont pu introduire des règles de travail plus «souples». Jospin et son parti ont participé à l'hystérie de l' «insécurité» lors de la campagne présidentielle, aidant Chirac et Le Pen à mobiliser les couches plus arriérées de la population, en particulier contre les jeunes immigrés.

Si la gauche plurielle a fait un travail splendide, comment peut-on expliquer le faible score de 15,9% des voix, et le taux d'abstention de 30% ? La conclusion implicite de cette réunion complaisante était que les Français sont ingrats et indignes du PS.

Dire que la réunion du PS était complaisante est plutôt charitable. Malgré les hauts cris sur le danger de l'extrême-droite, il n'y avait aucun sentiment d'urgence dans l'assistance ou dans les discours.

Le PS est un parti bourgeois, dédié à la défense de l'ordre et du profit, qui consiste surtout d'éléments des classes moyennes et des classes moyennes aisées. Il y a sans doute des membres du PS qui prennent au sérieux la menace posée par le néo-fasciste Le Pen, mais il y a des sections considérables du parti qui sont plutôt inquiètes de ce que les résultats de l'élection veulent dire pour leurs carrières et leurs ambitions personnelles. Si le PS n'a pas poursuivi les accusations de corruption contre Chirac avec grand intérêt, c'est parce qu'il a largement bénéficié des mêmes «affaires» que lui.

Aucun des orateurs n'a indiqué que l'acte de voter pour un ennemi politique de longue date leur causait le moindre souci. On a beaucoup applaudi Delanoë quand il a proclamé : «Ma main ne tremblera pas lorsque je voterai Jacques Chirac dimanche prochain. On peut voter avec ce bulletin de vote pour nos convictions républicaines».

Sophie Duez, actrice de film et de télévision, a réussi à justifier un vote pour Chirac comme un «acte de gauche». Elle a peut-être dit plus que ce qu'elle voulait dire en ajoutant que «Voter contre Le Pen, c'est encore d'une certaine façon voter pour Lionel Jospin ». Charlotte Brun, chef du Mouvement de jeunesse des socialistes, a exprimé le même sentiment.

François Hollande, président du PS et son nouveau leader, a parlé en dernier, avec tout le panache d'un comptable bien nanti. Hollande a expliqué que : «Choisir la droite plutôt que le pire, c'est un devoir moral, un devoir civique, un devoir citoyen. Nous votons Jacques Chirac, non pas pour la personne que nous connaissons, non pas pour sa politique que nous combattons, mais parce que nous pensons que Jacques Chirac, élu puissamment le 5 mai, n'aura pas d'autre mandat que de défendre les valeurs de la République».

C'est semer les pires illusions parmi la population française. L'ancien ministre de la santé, Bernard Kouchner, a dit à un reporter à la réunion que «Jacques Chirac sera élu par la gauche et il faudra le lui rappeler le plus fréquemment possible». Ce genre de commentaire est vraiment dérisoire.

Le camp de Chirac, de son côté, a expliqué que le président mettra en place son programme anti-travailleur visant à renforcer les forces de l'ordre sans la moindre hésitation. Loin d'affaiblir Chirac, la gauche officielle et ses collaborateurs lui garantissent une force «morale» et un champ de manoeuvre politique que même lui n'aurait pas esperé. Le Parti socialiste et tous ceux qui font campagne pour Chirac jettent essentiellement les masses françaises à la merci du patronat et de ses représentants politiques. Ceci ne fera que nourrir la désaffection et le dégoût qui ont contribué au succès de Le Pen.

La réunion du Parti socialiste a rassemblé une couche sociale privilégiée, complaisante, et profondément conservatrice, qui est loin des inquiétudes des larges masses des travailleurs. La confusion de l'établissement politique et médiatique social-démocrate face au vote pour Le Pen exprime à sa façon l'insularité de cet établissement, et le gouffre qui le sépare de la vaste majorité du peuple. Ce milieu ne peut comprendre le mécontentement ou la colère des millions de français qui vivent tant bien que mal. Après tout, les hauts fonctionnaires du PS et les personnalités médiatiques ont très bien fait ces sept dernières années.

Le sursaut électoral (non seulement le vote pour Le Pen, mais aussi les 10% des voix pour les soi-disant partis «d'extrême-gauche») leur est incompréhensible. Les attitudes et les actions de cette couche en France exprime une tendance universelle: l'isolement grandissant de toutes les sections de l'établissement politique, à «gauche» et à droite, dans tous les pays, qui assure que l'éruption inévitable de la crise politique et le conflit des classes prendra une forme explosive.

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