750 travailleurs de la signalisation et des communications du CN font la grève au Canada pour obtenir des augmentations de salaire et de meilleures conditions de travail

Environ 750 travailleurs ont déclenché une grève samedi chez le plus grand opérateur ferroviaire au Canada, le Canadien National, après que les négociations contractuelles aient abouti à une impasse. Les grévistes, membres de la Fraternité internationale des ouvriers en électricité (FIOE), travaillent dans le domaine de la signalisation et des communications sur les sites du CN qui se trouvent partout au Canada.

Une locomotive du CN [Photo par Dan, Québec, Canada / CC BY-SA 4.0] [Photo by Dan from PQ, Canada / CC BY-SA 4.0]

Leur lutte s’inscrit dans le cadre de la montée en puissance de la classe ouvrière au Canada et à l’étranger, alimentée par les hausses insoutenables du coût de la vie dues à la flambée des prix des aliments, de l’énergie et du logement. Les cheminots et d’autres sections de la classe sont en conflit direct avec la classe dirigeante qui est impitoyable et déterminée à faire payer aux travailleurs la crise sociale accélérée par la pandémie de la COVID-19 qui fait toujours rage et la guerre contre la Russie déclenchée par les États-Unis.

L’objectif des gouvernements et des entreprises dans le monde entier est de revenir aux conditions de travail esclavagistes du XIXesiècle en sacrifiant le bien-être, la santé et la sécurité des travailleurs pour favoriser l’accumulation cupide et démentielle des profits.

Les préposés aux signaux et aux communications du CN réclament des salaires comparables à ceux des autres corps de métier ferroviaires, une compensation pour leurs temps de déplacement et au travail, des fins de semaine de deux jours et un meilleur équilibre travail-vie familiale. Une autre question clé est le «travail hors région», où les travailleurs sont envoyés hors de leur région d’attache pendant des semaines d’affilée, loin de leur famille et de leurs amis. Cette question n’a pas été abordée lors des précédentes négociations contractuelles, qui ont abouti à un accord de capitulation de cinq ans expirant à la fin de 2021.

L’entreprise propose des «augmentations» salariales pathétiques de 2,67 % par an pour les trois prochaines années, soit moins de la moitié du taux d’inflation actuel au Canada (6,8 %).

Un pourcentage élevé des grévistes sont des employés sur appel déployé lors de situations critiques affectant les opérations ferroviaires, tels les incendies et les inondations. Ils répondent également aux urgences ferroviaires impliquant des produits chimiques dangereux, notamment lors des déraillements. D’autres font de la maintenance préventive, comme l’entretien des passages à niveau, pour assurer la sécurité du public.

Le CN a publié lundi une déclaration arrogante dans laquelle il se dit «prêt» à mettre en œuvre un plan d’urgence opérationnel prévoyant le recours à des gestionnaires et à des travailleurs contractuels pour apparemment assurer un niveau normal d’exploitation «aussi longtemps que nécessaire». Autrement dit, l’entreprise planifie une opération massive de briseurs de grève avec des équipes réduites – une opération qui, de surcroît, reçoit le soutien total du syndicat des Teamsters et oblige par conséquent les chefs de train et les mécaniciens de locomotive à franchir les lignes de piquetage.

L’opération de briseurs de grève de la compagnie est une catastrophe potentielle en devenir pour les travailleurs et le grand public. Le CN est un réseau ferroviaire multinational qui transporte chaque année plus de 300 millions de tonnes de marchandises, y compris du pétrole et d’autres liquides inflammables et des produits chimiques mortels, sur 30.000 kilomètres de voies ferrées en Amérique du Nord. Le manque d’entretien et la formation inadéquate du personnel ont contribué à une recrudescence des déraillements et autres accidents ces dernières années, dont certains ont été mortels. Ces facteurs ont été cités comme ayant contribué au déraillement mortel d’un train du Canadien Pacifique à Field Hill en 2019, qui a tué les trois membres d’équipage à bord.

Le CN ne tolérera aucune perturbation à l’accumulation de ses profits, même si cela met en danger la vie de ses employés et de la population en général. Déjà, son action est en baisse de 9% par rapport à l’année dernière en raison des perturbations de la chaîne d’approvisionnement. Le chef de l’exploitation du CN, Rob Reilly, a réagi à la grève dans une lettre ouverte adressée aux employés lundi, en mentant de façon éhontée en affirmant: «Nous avons satisfait ou dépassé toutes les demandes du syndicat dans le but de conclure une entente avant la date limite de la grève».

L’entreprise exige que la FIOE renonce aux droits de grève et de négociation collective des travailleurs en acceptant que tous les «différends en suspens» soient résolus par un arbitrage contraignant. Avec une telle procédure antidémocratique, c’est un fonctionnaire pro-employeur, nommé par le gouvernement, qui imposera les termes du contrat aux deux parties.

Le négociateur de la FIOE, Steve Martin, rejette l’affirmation de l’entreprise selon laquelle elle a fait une offre équitable. Il cite à cet effet la promesse de l’entreprise d’augmenter les indemnités journalières, ce qui entraînerait une augmentation des indemnités journalières de repas de 3,50$ la première année, mais de seulement 1$ par jour pour chacune des deux années suivantes. «Il faut donc espérer qu’il n’y aura pas d’augmentation de l’inflation les deuxième et troisième années», a-t-il déclaré.

La posture de Martin en tant qu’opposant à l’entreprise est un reflet de la crainte de la bureaucratie de la FIOE que la colère des grévistes puisse rapidement échapper à son contrôle. En coulisses, le syndicat fait tout ce qu’il peut pour faciliter la trahison des travailleurs. Le syndicat a déjà indiqué qu’il était prêt à régler le conflit par le biais d’un arbitrage contraignant, Martin allant jusqu’à déclarer: «Le cas échéant et au besoin, c’est un outil qui reste disponible et qui pourrait être envisagé».

Ces derniers mois, l’arbitrage exécutoire est devenu le mécanisme préféré des syndicats pour mettre fin aux actions de grève et imposer des contrats remplis de concessions qui accordent aux patrons tout ce qu’ils veulent. En mars, le lendemain même du jour où l’autre grande compagnie ferroviaire du pays, le Canadien Pacifique, a mis 3.000 travailleurs ayant voté massivement pour la grève en lock-out, le syndicat des Teamsters s’est immédiatement incliné devant la demande d’arbitrage exécutoire de la compagnie, soutenue par le gouvernement libéral de Trudeau, ordonnant aux travailleurs de retourner au travail le lendemain sans tenir le moindre vote. En fait, huit des neuf derniers conflits contractuels au CP ont été soumis à des arbitres qui sont évidemment toujours favorables à l’entreprise et qui imposent un contrat de concession après l’autre, sans ne jamais répondre à aucune des principales revendications des travailleurs.

Piquet de grève des travailleurs de la signalisation à la gare Union de Toronto. Cette grève de plus de deux semaines s’est terminée brusquement le 3 mai lorsque la FIOE a accepté l’arbitrage obligatoire. (IBEW Canada)

En mai, une grève de 7 jours menée par 95 opérateurs de signaux et techniciens d’équipement à la gare Union de Toronto a été brusquement interrompuelorsque la FIOE a capitulé devant les opérations de briseurs de grève de la direction et a accepté de soumettre toutes les questions en suspens à l’arbitrage exécutoire. Cette trahison honteuse prive les travailleurs de tout droit de vote sur leurs futures conditions d’emploi ou de mener des actions collectives au travail pour les années à venir.

En 2019, le syndicat des Teamsters a mis fin à une grève de 3.200 travailleurs du CN après avoir conclu un accord de principe dont les travailleurs n’ont appris les détails que plusieurs semaines plus tard. L’accord pourri abandonnait la plupart, sinon la totalité, des principales revendications des travailleurs. L’arrêt prématuré de la grève par le syndicat a évité au gouvernement libéral fédéral, soutenu par les syndicats, d’avoir à imposer une loi de retour au travail qui aurait révélé la vérité sur le «système de négociation collective» truqué et le programme réactionnaire anti-ouvrier du gouvernement Trudeau.

Les luttes de plus en plus fréquentes et explosives des travailleurs du chemin de fer s’inscrivent dans un processus international. Alors que les travailleurs de la signalisation et des communications du CN tiennent des lignes de piquetage partout au Canada, une grève ferroviaire nationale au Royaume-Unia débuté aujourd’hui, mobilisant plus de 50.000 travailleurs, ce qui en fait la plus importante grève de toute une génération. À l’instar du rôle perfide joué par la FIOE et les Teamsters au Canada, les syndicats britanniques, dirigés par le syndicat RMT, ont fait tout leur possible pour saboter la grève avant qu’elle ne débute, y compris en suppliant le gouvernement conservateur anti-travailleur de Boris Johnson de négocier avec lui.

Aux États-Unis, des négociations collectives touchant 140.000 cheminots sont en cours. Les pourparlers se sont poursuivis après que les syndicats ferroviaires aient capitulé devant une injonction judiciaire antidémocratique interdisant toute grève à BNSF contre la politique draconienne des présences dite «Hi-Viz». La FIOE, par le biais de sa participation à la Coordinated Bargaining Coalition of unions [Coalition de négociation coordonnée des syndicats], plaide auprès de l’administration Biden pour que celui-ci intervienne afin de régler le conflit. Une telle intervention, de la part d’un gouvernement qui s’efforce de faire la guerre à la Russie tout en faisant payer la crise capitaliste aux travailleurs par l’imposition de mesures d’austérité et des réductions salariales imposées par l’inflation, ne pourrait être qu’une défaite dévastatrice pour les travailleurs du rail.

Les travailleurs du rail sont manifestement prêts à lutter contre la dictature des entreprises, des gouvernements et des syndicats qui prévaut dans les chemins de fer en Amérique du Nord. Le seul point de départ viable d’une véritable lutte pour l’amélioration des conditions de travail – y compris l’augmentation des salaires et des avantages sociaux, l’amélioration de l’équilibre travail-vie familiale et la garantie des dispositions en matière de santé et de sécurité – est la création d’un comité de grève des travailleurs de la base contrôlé par les travailleurs eux-mêmes pour mener une lutte politique contre la priorité accordée aux profits des entreprises sur la sécurité des travailleurs. Ce comité doit prendre le contrôle de la grève aux dépens de la bureaucratie de la FIOE, présenter des revendications fondées sur les besoins réels des travailleurs, et non sur ce que l’entreprise prétend pouvoir se permettre, et mobiliser tous les travailleurs du CN et de l’ensemble du secteur ferroviaire pour soutenir la lutte des travailleurs de la signalisation et des communications.

Le Comitédes travailleursde la basedu CPa été fondé en mars pour résister à la trahison de leur lutte afin de mettre fin aux horaires brutaux et améliorer leurs salaires et leur sécurité au travail. Les travailleurs en grève au CN doivent suivre l’exemple de leurs confrères et consœurs du CP en formant leur propre comité des travailleurs de la base afin d’unifier leur lutte avec d’autres sections de travailleurs à l’échelle internationale, qui sont tous confrontés à des attaques impitoyables contre leur niveau de vie et leurs conditions de travail.

Avant tout cependant, les travailleurs en grève du CN doivent comprendre qu’ils ne pourront faire le moindre progrès tant que leur lutte ne rejettera pas toute forme de nationalisme canadien et qu’ils ne travailleront pas à construire un mouvement de masse de tous les travailleurs du rail à l’échelle de l’Amérique du Nord pour mettre fin à la domination des entreprises ferroviaires.

Toutes ces luttes doivent être guidées par l’Alliance ouvrière internationale des Comités de base (International Workers Alliance of Rank-and-File Committees, IWA-RFC) qui fournit la direction politique et le cadre organisationnel pour organiser une contre-offensive des travailleurs à l’échelle mondiale basée sur un programme anticapitaliste et socialiste.

(Article paru en anglais le 21 juin 2022)

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